Cela s’appelle avoir plusieurs cordes à son arc. Et pas des moindres !Présidente du Groupe inter africain d’étude de recherche et d’application sur la fertilité, vice gouverneur du District 403B du Lions club international, promotrice de la clynique Odyssée à Douala au Cameroun, etc, Dr Gwet Bell Ernestine se reconnait dans toutes ces casquettes. Et plus encore. Gynecologue obstetricienne de nationalité camerounaise, elle a fait partie de l’équipe médicale qui a donné à l’Afrique centrale, Thommy, son premier bébé né in vitro en 1998. Un exploit qui ne fait pas oublier à cette jolie dame taciturne ses combats quotidiens contre l’infertilité, l’autisme, le Vih sida, bref la pauvrété. Exclusif !
Dr Ernestine Gwet Bell, d’où part votre goût pour la médecine et surtout cette orientation vers la santé de la femme ?
Je peux dire sans me tromper que j’ai très tôt eu envie de faire la médecine et particulièrement l’attirance vers la santé de la mère et l’enfant. En effet j’ai eu la chance d’avoir un père Missionnaire (Pasteur et Enseignant) et une mère Infirmière Sage Femme. J’ai donc passé ma tendre jeunesse dans ce qu’on appelait les Stations missionnaires où on trouvait côte à côte : Eglise, Ecoles et Hôpital. J’ai ainsi pu suivre ma mère et ai assisté à 8 ans à un accouchement. J’ai également pu à 10 ans faire un stage dans un Hôpital. Tout cela fait que dès 10 ans il était clair que je ferai carrière dans la médecine. Seulement la seule détermination ne suffit pas ; il fallait travailler et compter sur les autres et Dieu.
Quels sont les principales causes de l’infertilité féminine au Cameroun, comment vous employez-vous pour réduire le mal ?
Les principales causes de l’infertilité chez nous ont un lien avec les infections. Ces infections qui peuvent être les IST (infections sexuellement transmises) ou provoquées par les avortements et les accouchements septiques vont entraîner chez l’homme les insuffisances en quantité ou en qualité des spermes et les sténoses des tubes qui conduisent le sperme. Chez la femme elles vont entraîner des sténoses des trompes et des adhérences pelviennes. On retrouve également les troubles des ovulations ; les Fibromes, l’endométriose entre autres.
Pour y remédier je pense que c’est tout le monde qui a un rôle à jouer : les pouvoirs publics, le personnel de santé et les familles. De notre côté je pense que nous ne croisons pas les bras. Vous avez parlé des Centres de PMA. Nous avons également créé le GIERAF, groupe inter africain d’études de recherches et d’application sur la fertilité. J’ai l’honneur de présider actuellement cette société scientifique. Beaucoup y est fait depuis sa création en 2009. A Dakar en février prochain au cours de notre 4ème Congrès nous présenterons un Livre écrit par nous sur le Traitement des infertilités en Afrique. Nous formons les médecins pour la prise en charge des infertilités, l’assistance médicale à la procréation et nous faisons des études et des recherches. Le GIERAF a comme Sociétés marraines les plus grandes Sociétés mondiales qui luttent contre l’infertilité et des Parrains tels que Mr le Professeur René Frydman, père du premier bébé né par FIV en France.
Il y a quelques années, vous faisiez partie d’une équipe médicale qui a donné à l’Afrique centrale son premier bébé né par fécondation in vitro. Comment en êtes-vous arrivé à cet exploit ?
En 1997 quatre Gynécologues et deux Biologistes exerçant en libéral à Douala se sont mis ensemble pour lancer l’Assistance médicale à la procréation à Douala. Ce fut une très belle expérience qui a permis la naissance de Tommy en avril 1998, premier bébé né par FIV en Afrique centrale. L’équipe a continué à travailler ensemble sur deux sites : la Clinique Odyssée et la Clinique de l’aéroport. Le développement des choses a fait que les deux sites sont juste devenus deux Centres et l’équipe s’est scindé en deux. Pour arriver à la naissance de Tommy il a fallu que nous rentrions un peu à l’école et que nous établissions des partenariats avec les Centres d’Europe et d’Amérique du Nord. Nous avons également eu la chance de rencontrer un homme providentiel, un Biologiste de Paris qui a bien accepté de venir nous assister à nos débuts à Douala.
Qu’est ce qui différencie un tel bébé du nouveau-né ordinaire ? Avez-vous fait d’autres bébés entre temps ?
Un bébé né par FIV (fécondation in vitro) est tout à fait normal. Tout ce qu’on a retrouvé chez ces enfants est qu’ils sont plus intelligents que la moyenne des enfants ; peut être à cause de l’amour de leurs parents et de l’engagement de ces derniers. Il faut bien comprendre comment un tel bébé est conçu. Il est exactement le fruit de la rencontre des gamètes de ses parents : un spermatozoïde du père et un ovule de la mère. Il n y a rien d’artificiel ; l’équipe médicale ne sert que de facilitatrice en permettant la rencontre de ces gamètes.
Dr Gwet, combien ça coûte pour avoir un bébé éprouvette ? Que faut-il pour que ce type d’accouchement encore élitiste soit accessible à toutes les femmes ?
Les prix des FIV sont absolument variables car ils dépendent de l’âge de la femme et de la qualité du sperme du mari. Une FIV coûte entre 800 000 FCFA et 1 500 000FCFA. A cela il faudra ajouter le coût des médicaments pour stimuler les ovaires ; cela peut aller de 400 à 800 000F en fonction de l’âge de la femme. Ce ne sont pas des prix excessifs et ces traitements ne concernent pas des élites. Vous ne savez peut être pas que les couples dépensent des sommes supérieures à celles là chez les charlatans et pour aucun résultat.
Il y a un gros besoins d’information et de sensibilisation pour agir en amont : éviter et traiter les IST, une bonne prise en charge des avortements et des accouchements par exemple et surtout le recours à la FIV quand la femme est jeune.
Beaucoup de femmes décèdent encore au Cameroun lors des accouchements. A quoi cela est-il dû ?
La mortalité maternelle est un véritable drame. Elle tend à augmenter et les derniers chiffres parlent de près de 1000 femmes sur 100 000 grossesses !
Les Gouvernements et les professionnels de santé font des gros efforts mais il faut encore faire mieux ; les populations doivent aussi se mobiliser. Les causes de cette surmortalité sont : des avortements clandestins, les hémorragies, des Hypertensions, les grossesses précoces et/ou multiples et bien sûr les soins de santé inappropriés. Vous voyez donc que tout le monde est interpellé : les familles, les écoles, les professionnels de la santé et les pouvoirs publics.
L’autisme est-il une menace de santé au Cameroun ? Pourquoi une association en faveur des enfants ?
L’autisme est un trouble envahissant du développement de l’enfant. C’est une pathologie en pleine croissance de part le monde sans qu’on puisse l’expliquer. Il atteint surtout les garçons (3 garçons pour une fille) et serait d’origine neurobiologique. Sa prévalence est d’un enfant pour 150 accouchements ! Ce n’est pas peu. Devant la détresse des parents et particulièrement des mamans qui ne savaient pas de quoi souffrait leur enfant, nous avons initié à travers le Lions Clubs la construction du Centre Orchidée Home qui est vraiment un centre original car il permet de dépister, prendre en charge et scolariser les enfants atteints d’autisme. Le projet a été tellement salvateur que la 1ère Dame du Cameroun l’a soutenu et permis l’ouverture d’une école inclusive qui permet de scolariser les enfants autistes à côté des enfants normaux. C’est réellement une révolution quand on voit ce que ces enfants deviennent et l’énorme tolérance des enfants dit « normaux » vis-à-vis des autres…
Cette association organise des galas de charité pour récolter des dons. Avez-vous jusqu’ici réalisé des projets pour les malades ?
Je pense que je réponds à cela dans l’échange précédent. Je dois juste ajouter que la prise en charge d’un enfant atteint d’autisme coûte très cher et l’autisme est une pathologie de toute la vie ; on n’en guérit pas mais on apprend à vivre avec.
Ces deux éléments font que les parents sont découragés et les plus démunis ont tendance à baisser les bras. Nous sommes donc en permanence en train de chercher les voies et moyens pour continuer à accompagner ces enfants et leurs parents.
www.cliniqueodyssee.com
Entretien avec Christian Locka