Rwanda : Violences Etatiques ou médiatiques?
Dans les médias et les réseaux sociaux, l’actualité rwandaise est depuis quelques temps un mélange d’exploits économiques et une montée exubérante de la criminalité et une détérioration des droits humains.
Un paradoxe qui peut en surprendre plus d’un, méritant ainsi qu’on s’y arrête et qu’on s’interroge.
Les sites d’informations, facebook, tweeter et d’autres canaux d’information se concurrencent, minute par minute, pour relayer les informations très accablantes. On apprend qu’un certain nombre de cadavres a été découvert ici ou là au Rwanda, qu’il y a de nouvelles arrestations arbitraires, ou encore qu’un nombre considérable de population a été porté disparu.
Tout cela fait peur. Ce genre d’actualité plonge les rwandais dans l’inquiétude et dans la stupéfaction. Ils se demandent sans doute dans quelles conditions leur sécurité est garantie.
Certains faits sont relatés avec une juste mesure, peut-on croire, d’autres présentées avec exagération.
Au Rwanda comme ailleurs, tous les médias d’aujourd’hui veulent à tout prix répondre à la curiosité et au voyeurisme toujours grandissant du monde moderne.
« On a l’impression, alors qu’il y a vingt ans, que le drame rwandais s’est produit il y a seulement quelques mois. »
Un fait divers suscite la sensation mobilisatrice que nulle autre information ne peut susciter. De là, les journalistes les plus aguerris se lancent nuit et jour à la chasse et à la traque d’une moindre information susceptible de provoquer un tollé politique ou un déchainement social.
Tout acte, notamment réalisé dans la plus grande discrétion est, quoi qu’il arrive, dévoilé avant même d’être mené à terme.
Cependant, la situation du Rwanda est particulière. Chaque événement, tragique surtout, déstabilise et affecte profondément les rwandais déjà fragilisés par leur histoire. Il n’existe pas de fait divers ou isolé dans la mesure où tout renvoie aux drames subis. Ces derniers habitent encore les rwandais. Les plaies ne sont pas encore refermées et cicatrisées. On a l’impression, alors qu’il y a vingt ans, que le drame rwandais s’est produit il y a seulement quelques mois.
Comment peut-on analyser la montée des violences ?
La montée de la criminalité est souvent en corrélation avec la capacité de maintenir l’ordre et la sécurité intérieure. Or, Le Rwanda dispose, toute proportion gardée, de cette capacité avec une police et une armée médiatiquement bien notées. S’agit-il alors d’une sur notation qui ne correspond plus avec la capacité réelle de maintenir l’ordre?
Existe-t-il dans le pays (ou en dehors du pays) des gangs de criminels, bien entrainés, échappant à tout contrôle pour commettre ses actes criminels à leurs comptes ou commandités par d’autres organisations clandestines ?
Claudine Haroche, se référant à la thèse de Norbert Elias, décèle également quelques situations de violences étatiques : elle souligne d’une part que la violence physique est un moyen indispensable de conquête pour les Etats ou les gouvernements à caractère féodal et dictatorial.
Ce système n’a pas de confiance en soi, il est obligé de recourir à d’autres moyens notamment la force pour imposer son autorité. Il existe souvent une large distance ou carrément une détestation entre les gouvernés et les gouvernants. Ces derniers ne tolèrent guère toute tentative de liberté et d’indépendance. Ce système finit par s’écrouler, saboté et fragilisé par la contestation et la révolution populaire.
Elle note d’autre part que dans un Etat où il n’y plus que la police, la politique en est par conséquent absente.
Les violences sociales physiques sont relativement contrôlées et maitrisées, remplacées par les intrigues de cours, les frondes, les tentatives de rébellion des malcontents au sein même du système. Cela conduit finalement aux troubles et aux violences qui attaquent d’abord le sommet avant d’être généralisés.
Cet auteur fait une suggestion à ces Etats : « Le processus de monopolisation de la force au profit de l’Etat s’accompagne d’une intériorisation des contraintes, d’une autocontrainte et d’une maitrise de soi » qui contribuent à la pacification de tous les espaces publics et privés. Cela dit, tout n’est pas permis à ces Etats, qui s’obligent à des contraintes et se donnent des limites pour faire tenir leur systèmes encore plus longtemps.
Concernant la situation du Rwanda, si les informations récentes sur les multiples assassinats et d’autres actes de violation des droits humains sont avérés, il revient aux dirigeants actuels de faire son analyse et son autoanalyse pour identifier les vraies causes de ces crimes. Il faudra ensuite en identifier les auteurs et les juger en conformité avec la loi. Cela évitera à l’Etat tout entier de porter toutes les responsabilités qui pourront, tôt ou tard, peser contre lui.
Il est par ailleurs de la responsabilité de tout rwandais de dénoncer des actes de violence, quelles que soient la nature et l’origine. C’est aussi la responsabilité de tout un chacun de porter assistance à une personne en danger, subissant la violence physique ou morale.
A ce jour, la violence ne doit plus être vue dans un miroir ethnique
Les rwandais sans distinction doivent s’unir autour d’un Tutsi agressé ou subissant toute autre forme de violence. Les Hutu ne peuvent en aucun se sentir indifférents quand bien même l’auteur des violences est lui-même Tutsi. De même, un Hutu qui subit une injustice ou un acte de violence, tout le monde doit se mobiliser et porter secours à cette victime Hutu. Les rwandais ne doivent perdre de vue que « Inkoni ikubise mukeba uyirenza urugo » (Il faut condamner le mal qui frappe ton rival pour éviter qu’il se retourne contre toi)
Ce qui compte et avant tout, c’est la vie humaine. Nul ne peut se prévaloir de son statut (social, politique ou militaire) pour supprimer la vie d’autrui. C’est de cette manière qu’on pourra bâtir une autre société, moins exposée à la violence et à la criminalité.
Faustin Kabanza