La Chine offre un nouveau siège à l’Union africaine pour cimenter ses amitiés africaines

S’élevant au dessus de tous les autres bâtiments d’Addis Abeba, nimbé dans le brouillard de la pollution urbaine, le nouveau siège de l’Union africaine (UA), bâti, offert par la Chine et inauguré samedi, symbolise la montée en puissance chinoise sur le continent.

Le cadeau de Pékin montre également que les autorités chinoises ne veulent plus paraître se concentrer uniquement sur l’exploitation des matières premières, la construction d’infrastructures et les relations bilatérales en Afrique, relèvent les experts.

« La Chine est toujours apparue moins apte à dialoguer avec les régions et les organisations continentales », relève Alex Vines, directeur pour l’Afrique au centre londonien d’études de Chatham House. « La construction du bâtiment de l’UA prend de façon spectaculaire le contre-pied de cette impression », ajoute-t-il.

La Chine a investi 200 millions de dollars (154 M EUR) pour ériger le bâtiment de 99,9 mètres de haut et de trente étages, le plus élevé de la ville selon ses concepteurs.

Les Chinois ont payé jusqu’au mobilier, fourni la plus grande partie du matériel de construction, et mobilisé une équipe de 1. 200 ouvriers chinois et éthiopiens qui se sont relayés depuis janvier 2009 afin de terminer l’ouvrage dans les temps.

Le site, avec ses trois centres de conférences, ses bureaux pour 700 personnes, son héliport et sa statue en bronze de Kwame Nkrumah, ancien président du Ghana et chantre de l’unité africaine, sera inauguré samedi par le dignitaire chinois Jia Quinglin, avant d’héberger le 18e sommet de l’UA dimanche et lundi.

Le commerce entre la Chine et l’Afrique a grimpé pour sa part aussi vite que le siège de l’UA en construction. Il s’est élevé à 120 milliards de dollars en 2011 (93 mds EUR) contre 20 mds USD (15,45 mds EUR) dix ans plus tôt.

matières premières

Si la Chine a commencé à envoyer il y a 60 ans des ouvriers construire des routes et des voies ferrées en Afrique, c’est depuis 15 ans que la puissance asiatique y a investi massivement, essentiellement pour s’attirer les matières premières nécessaires à son envolée économique.

Un Forum de partenariat Chine-Afrique se réunit tous les trois ans depuis 2001, avec 10 milliards de dollars de prêts promis par Pékin lors de la dernière édition en 2009.

La Chine ne se fait pas d’illusion sur l’influence réelle de l’UA, souvent paralysée par les divergences entre ses 54 Etats membres.

« La Chine entretient de très bonnes relations avec l’UA, mais (. . . ) elle sait que cette organisation est relativement dépourvue de pouvoir et qu’elle a du mal à prendre des décisions », relève Jean-Pierre Cabestan, professeur de sciences politiques à l’Université baptiste de Hong Kong.

Pour autant, les Chinois ont mesuré l’importance qu’il y a à investir dans la stabilité politique du continent, au delà des relations strictement économiques. « La Chine a recalibré la façon dont elle voit l’Afrique. Je crois que le printemps arabe, et notamment la (révolution en) Libye, n’avait pas été prévu par la Chine », estime M. Vines.

Pékin a déjà promis en décembre dernier 4,5 millions de dollars (3,5 M EUR) à la force de paix de l’UA qui protège les institutions de transition somaliennes contre les islamistes shebab. La Chine a également apporté une contribution de poids aux missions de paix des Nations Unies au Soudan et au Burundi, selon l’organisation non gouvernementale Safeworld.

Quant à l’UA, elle ne peut que se féliciter de trouver un nouveau mécène, en particulier depuis l’inconnu suscité par la chute de Mouammar Kadhafi en Libye et de Hosni Moubarak en Egypte, deux pays qui contribuaient jusqu’à présent au budget de l’organisation à hauteur de 15% chacun, selon les chiffres officiels.

Pour le coordinateur du projet immobilier, l’Ethiopien Fantalun Michael, les nouveaux bâtiments permettront à l’UA d’accueillir des manifestations internationales de premier plan, de donner une meilleure image de l’Afrique et de cimenter l’amitié sino-africaine.

« C’est le témoignage que cette relation se poursuivra encore longtemps », se réjouit-il.

AFP

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.