Lorsque je suis arrivé en Côte d’Ivoire, il y a 4 ans, lors de mes premières interventions en entreprise (formations et conseil), à l’évocation du stress professionnel et des risques psychosociaux, les réactions furent sans équivoques : « il n’y a pas de stress ici, c’est affaire de blancs !! ».
Mais quelques années plus tard, avec l’intensification de la concurrence et de la compétition entre les entreprises, la complexification des relations professionnelles en interne et en externe mais aussi l’augmentation des accidents cardio-vasculaires notamment chez les jeunes managers, une prise de conscience émergent chez les dirigeants et managers Ivoiriens sur l’importance de prévenir les risques psychosociaux.
Au cœur de ces enjeux : la santé des collaborateurs et la profitabilité des entreprises.
Risques psychosociaux ? Mais de quoi parle-t-on au juste ?
Les risques psychosociaux correspondent aux risques pour la santé physique, psychologique et sociale engendrés par des conditions d’emploi et des facteurs organisationnels et relationnels inadaptés ou aversifs. Ils génèrent donc un stress négatif chez les salariés qui les subissent.
Les conséquences des risques psychosociaux se traduisent sur l’organisation par une altération de l’outil de travail :
- Augmentation du turn over et de l’absentéisme
- Désengagement des salariés
- Retard de production
- Baisse de la performance
- Rétention de l’information
- Conflits
Au niveau individuel les conséquences de ce stress négatif peuvent être dramatiques pour la santé des collaborateurs avec l’apparition de maladies professionnelles telles que :
- Les troubles musculo-squelettiques
- ulcères
- Le burn –out
- La dépression
- Risque de suicide (même si les collaborateurs Ivoiriens sont moins exposés car protégés par le soutien social)
- Accident cardio-vasculaire (AVC)
Les causes sont multifactorielles :
- Management inadapté
- Inadéquation homme/tâche/environnement
- Rivalité en interne
- Surcharge de travail causée par la concurrence en externe
- Problème de vie privée, budget familial
- Situation d’instabilité et de crise politique…..
Dans les pays industrialisés le coût des risques psychosociaux s’élève à 4% du PIB, 7 Milliards d’Euros pour la France en 2003. On oppose hélas souvent performance économique et bien-être au travail. Or, les recherches Anglo-Saxonnes menées depuis plus de 30 ans en médecine, psychologie de la santé et neurosciences attestent qu’un salarié épanoui est plus performant. Ces études démontrent la forte corrélation entre la santé, le bien-être et la performance économique. On ne voit pas comment la Côte d’Ivoire échapperait à ce constat scientifiquement démontré.
Risques Psychosociaux et risques d’AVC chez les cadres ….une bombe à retardement en CIV
Je souhaite attirer l’attention de tous concernant une étude menée par une jeune doctorante en médecine en 2002. Lors de sa thèse : « facteurs de risques cardiovasculaire chez les managers Ivoiriens », Joséphine Nkoy Belila démontre que 87% des managers ivoiriens souffraient de stress chronique et 18% d’ Hyper Tension Artérielle (contre 9 % en moyenne chez les populations de l’Afrique de l’ouest). Les conclusions de sa thèse sont alarmantes. En effet elle prévoit, au regard de la fragilité génétique de cette population (parois vasculaires plus fines chez les Africains de l’ouest), du haut niveau de stress généré par leurs insertions professionnelles, condition de travail (stratégies managériales non adaptées) et une mauvaise alimentation, une augmentation de 50% des AVC chez les cadres et managers d’ici 2020.
Ces prévisions dramatiques sont mises en relief par de nouvelles recherches qui soulignent que le risque d’AVC augmente de 75% chez les salariés travaillant plus de 55 heures/semaine (la morbidité pour les salariés travaillant 35 heures étant de 4,5/1000).
Outre les AVC, les accidents du travail et les maladies professionnelles sont vécus comme des traumatismes pour les victimes mais aussi leurs collaborateurs et leurs conséquences impactent négativement moralement et financièrement la société qui les emploient. Ils altèrent la cohésion et l’engagement des salariés, d’où la nécessité de développer une politique RH d’observation et de prévention des risques psychosociaux, visant à protéger la santé des salariés.
En conclusion…..
Depuis que je suis en Côte d’Ivoire, au sein de mes interventions, aucune entreprise n’a été épargnée par les AVC. Les salariés rencontrés témoignent avec stupeur de la disparition de leurs collègues, d’autant plus choquante lorsqu’il s’agit d’un trentenaire en pleine possession de ses moyens !
Face à ces risques morbides générés (entre autre) par l’industrialisation et la concurrence, repenser le travail devient une nécessité d’ordre sanitaire et économique. Une étude menée par des cabinets d’assurances Canadiens démontre que chaque Dollar investi dans la prévention des risques psychosociaux permet d’économiser 6 Dollars.
La prévention (qui mérite plusieurs articles à elle seules !) doit commencer par la création d’indicateurs de risque permettant de dresser un état des lieux et évaluant des points de vigilance afin de proposer une réponse adaptée à la situation.
Ensuite elle peut s’opérer à différents niveaux :
- politique RH adaptée, management, recrutement, organisation du travail et conduite du changement : La création de cellules spécialisées me parait des plus pertinentes (cellules dédiées à l’étude de la performance, de la recherche et implémentation de stratégies innovantes et adaptées).
- Politique de formation spécifique visant à sensibiliser et éduquer les collaborateurs quant à leur capacité à gérer leur stress.
- Prise en charge des collaborateurs en situation de détresse.
Si travailler plus peut nuire à la santé, travailler mieux représente une alternative écologique pour les collaborateurs et rentable pour les entreprises.
Pour contacter l’auteur, Olivier Cavernes, et bénéficier de conseils d’expert envoyer un email en cliquant ici