« Après avoir lu mon livre « Afrique, introuvable démocratie » Thierry Barbaut rédacteur en chef de Info Afrique me demande mon avis sur la campagne et les élections au Togo, le voici… » Kofi Yamgnane
Elections au Togo ? Une préparation cahoteuse
La précipitation avec laquelle le gouvernement togolais a fixé la date du scrutin présidentiel montre la faillite totale de ce pouvoir dans la gestion du pays : 24 février, annonce de la date ; 01 mars fin du délai de dépôt des candidatures ; 15 avril, élections.
Ajoutons à cela des irrégularités flagrantes de la démarche : confection d’un faux fichier électoral et donc refus de le transmettre aux partis politiques, en violation de la loi ; convocation d’un corps électoral non connu ; interdiction faite par la HAAC à tous les médias de la publication des résultats du scrutin, même partiels…
Un négociateur de dernière heure
Ce que voyant, lors d’une visite impromptue au Togo, le Chef de l’État ghanéen, M. John Dramani MAHAMA, par ailleurs Président en exercice de la CEDEAO, après avoir écouté les acteurs politiques togolais, propose que la date du scrutin présidentielle initialement fixée au 15 avril 2015 soit reportée « au moins » de dix (10) jours.
Un scrutin devenu illégal
Mais le simple fait de demander de reporter la date du scrutin, ne serait-ce que d’une seule journée, suffit largement pour comprendre qu’il existe un sérieux problème dans l’organisation du processus électoral ; et le véritable problème dont il s’agit, et comme tout le monde le sait, c’est celui de la fiabilité de la pièce maîtresse de tout le jeu électoral, c’est-à-dire le fichier électoral….Rien n’y a fait : après s’être initialement opposé à l’organisation du scrutin dans ces conditions, le cartel des oppositions capitule en rase campagne et accepte de participer à ce simulacre…
Une opposition éclatée face à un président pourtant inconsistant
Incapable de se trouver un rassembleur candidat unique, le cartel envoie 4 des siens pour légitimer le prince de Pya, l’homme de tous les échecs : échec de tous les «dialogues», échec du processus électoral, échec en matière des droits de l’Homme, échec en matière de réconciliation, échec politique, notamment «les 20 plus de Faure» ou 20 mensonges démagogiques d’État proférés en 2005.
Une campagne placée sous le signe des inégalités et de l’exclusion
Pendant que le prince monopolise tout l’appareil d’État pour sa campagne : administrations centrales, préfets, armée, véhicules d’État, ainsi que l’argent public…etc, les opposants mènent une campagne de « va-nu-pieds », et sont même interdits de meeting dans certaines localités comme à Kara.
Où est la vérité des urnes ?
Pour la récollection et la transmission des résultats, c’est le système de fraude qui prend le pas sur tout le reste.
Le plan concocté par la société belge ZETES intégrant un faux fichier donne naturellement la victoire au candidat du pouvoir ; le système SUCCES qui prend la suite a pour but « d’améliorer » encore le score prévu pour le prince ; comme cela ne suffit pas encore, le gouvernement réunit tous les préfets et présidents de CELI à Niamtougou pour leur donner les « vrais procès verbaux » à communiquer à la CENI…
Voilà les conditions dans lesquelles les opposants(lequel?) espèrent remporter ce scrutin. Si ce n’est pas de l’amateurisme de leur part, c’est au moins de l’insouciance ou de l’inconsistance politique.
Un véhicule saisi au Togo rempli d’urnes trafiqués… La population l’a pris d’assaut.
Et maintenant ?
Le scénario le plus probable, à mon avis, est le suivant : le prince se proclame élu avec au moins 56% des voix; poussé par les « perdants », le peuple de Lomé va sortir « réclamer sa victoire » dans la rue ; la milice encadrée par la troupe va « tirer dans le tas » puis…tout va recommencer comme en 2005, comme en 2010… J’espère que les faits me donneront tort…car j’ai peur pour mon peuple.
Mon soutien aux militants de la liberté est sans réserve. Je me battrai sans relâche pour la démocratie au Togo.
D’ores et déjà et pour éviter d’ajouter les morts aux morts, je demande au RPT/UNIR de dissoudre ses milices et j’appelle les forces de police et de gendarmerie à plus de discernement dans leur approche du « maintien de l’ordre ».