Forbes Afrique, version africaine francophone de la revue américaine Forbes, créée en 1917 et spécialisée dans les informations économiques et le classement des fortunes, a été lancée à Brazzaville.
Cette cérémonie a été présidée hier soir par le Chef de l’Etat congolais, Denis Sassou Nguesso, en présence de ses homologues du Gabon, Ali Bongo Ondimba, et de Centrafrique, François Bozizé. Forbes Afrique sera diffusée dans 23 pays francophones d’Afrique et sur d’autres continents, dont la France, la Belgique, la Suisse le Canada, selon son rédacteur en chef M. Michel Lobé Ewané.
Plusieurs anciens premiers ministres français et belge, Dominique de Villepin, Jean-Pierre Raffarin et Guy Verhofstadt avaient été invités ainsi que l’ancien chef de cabinet du président américain Barack Obama, William M. Daley et de la star mondiale du football africain Samuel Eto’o. Le partenariat qui se consolide entre la Chine et l’Afrique a été au centre des interventions.
« La Chine, a dit Jean-Pierre Raffarin, a un pouvoir à la fois centralisé et décentralisé. Elle est à la fois pollueur et engagée dans les énergies renouvelables ». « L’Afrique c’est plus de croissance, plus d’échanges. Elle a plus de réserves de change, plus d’échanges et d’investissements directs. Nous avons la même adresse mondiale, nous sommes des Afro-européens » a-t-il ajouté précisant qu’il n’y a pas de mondialisation sans l’Afrique.
Dominique de Villepin constatant que « l’Afrique ne produit que 1% de la richesse mondiale alors qu’elle représente 15% de la population mondiale et doit abriter 2 milliards d’habitants en 2020 » l’a invitée à faire « le choix de son destin ». Le premier choix « est celui de la durée pour que ses richesses ne soient pas sacrifiées au bénéfice du court terme », a dit l’ancien premier ministre qui a aussi insisté sur la bonne gouvernance et la démocratie.
Le premier numéro sera sur le marché le 1er août prochain. Il va être distribué sur toute l’Afrique francophone mais aussi en France, en Belgique et en Suisse. Afrika7.com a interviewé Michel Lobé Ewané*, Executive editor de Forbes Afrique.
Afrika7.com : Qu’est ce qui a pu pousser le groupe américain Forbes à lancer une édition africaine en français ?
Michel Lobé Ewané : Je voudrais d’abord vous indiquer qu’en 2011, le groupe Forbes a lancé une édition africaine en anglais, Forbes Africa éditée à Johannesburg en partenariat avec un groupe sud africain. En fait le lancement de Forbes Afrique, l’édition en français pour l’Afrique est presque une suite logique de Forbes Africa. Mais ce qu’il faut dire c’est qu’il y a dans les faits un fort sentiment dans les milieux d’affaires internationaux, dans les médias, chez les économistes et experts financiers qui veut que l’Afrique soit la nouvelle frontière du monde, l’espace vierge où les affaires, les investissements sont à réorienter. L’Afrique est la nouvelle zone de l’émergence. Dans un monde en pleine tourmente, ballotée par une crise qui dure maintenant depuis plusieurs années, l’Afrique continue de connaitre une forte croissance. De ce point de vue il peut paraître logique qu’un magazine économique aussi influent que Forbes, qui a depuis de nombreuses années des éditions régionales spécialisées sur les pays émergeants lance enfin des éditions africaines.
Quelle va être l’identité de Forbes Afrique et qu’est ce qui va la distinguer de l’édition anglophone Forbes Africa et l’édition américaine ?
Forbes Afrique va respecter l’esprit et la philosophie de Forbes qui est le magazine de référence des créateurs d’entreprise et des créateurs de richesse. C’est une publication qui cultive les mythes et les réalités des milliardaires avec son classement annuels fort prisé des plus grandes fortunes de la planète. Nous mettrons en avant les managers, les chefs d’entreprises, les créateurs de richesses qui opèrent en Afrique francophone. Nous allons tout naturellement mettre en place un classement annuel des plus riches en fixant des critères objectifs basés avant tout sur la transparence. Ce qui veut dire que pour être fiables et crédibles nous allons classifier les plus riches de notre zone sur des critères transparents et vérifiables. Nous écarteront les fortunes supposées réelles mais qui relèvent de la rumeur et du fantasme et nous n’inscrirons sur nos listes que les personnes dont on aura pu vérifier et recouper les données constituant leur patrimoine. Nous exclurons également par principe les hommes politiques, du moins ceux qui se sont enrichis pendant et grâce à leur position au sein de l’appareil d’Etat.
Mais Forbes Afrique ne fera pas que la place aux riches. Nous mettrons également en avant les jeunes et les moins jeunes qui innovent, ceux qui auront fait preuve d’imagination, d’audace, de créativité. Nous célébreront tout aussi bien les africains de la diaspora qui se distinguent dans le domaine des affaires à travers le monde ou ceux qui choisissent de rentrer dans leur pays et y réussissent dans les affaires. Bien entendu nous donneront une place appréciable aux femmes qui investissent dans les affaires et qui y réussissent.
Que peut apporter à l’Afrique une publication comme Forbes ?
La première chose qu’il faut constater est la faiblesse de la presse économique et financière en Afrique francophone. Il y a peu de publications dédiées au business dans notre zone. Celles qui existent sont d’une faible qualité et le traitement de l’actualité économique s’y résume très souvent à du publi-reportage. Forbes va apporter son expérience, sa connaissance, son expertise, sa crédibilité. Mais surtout il va contribuer à valoriser des modèles d’hommes d’affaires en racontant leur itinéraire, leur parcours, en mettant en évidence leur équation personnelle, c’est-à-dire en expliquant comment ils ont pu s’en sortir en dépit des obstacles, des blocages ou de l’adversité que l’on peut rencontrer dans notre environnement.
Enfin Forbes Afrique peut contribuer à faire progresser la transparence dans le domaine des affaires en Afrique francophone. Par nos classements qui exclurons les pseudo-réussites qui cultivent le flou et l’ambiguïté et mettront en évidence les réussites transparentes et avérées nous allons – du moins je l’espère – contribuer à pousser les riches d’Afrique francophone à être plus transparents, comme le sont de plus en plus les anglophones. Cela signifie pour les promoteurs publier les comptes de leurs entreprises, publier leurs résultats, cela signifie aussi être également transparents vis-à-vis des administrations fiscales, cela signifie ne plus participer à la fuite des devises que l’on planque dans des paradis fiscaux. Mais ne rêvons pas. On n’y arrivera pas pour tous mais je reste convaincu qu’une tendance réelle pourra naître de là. Car, disons le, il y a quand même de plus des hommes d’affaires transparents au Sénégal, au Cameroun, en Côte d’Ivoire.
Thierry Barbaut