La publication par Thomas Piketty de son bestseller « Le Capital au XXIe siècle » a conduit à attirer l’attention sur l’écart croissant entre riches et pauvres, et à multiplier les appels populistes au gouvernement pour redistribuer les revenus et la richesse.
Les pourvoyeurs de cette rhétorique occultent le fait que lorsque l’État c’est l’Etat qui lisse les différences de revenus, la liberté économique est érodée. La réalité est que : la liberté économique est le véritable moteur de progrès pour tous les peuples.
Revenus et richesses sont créés dans un processus de découverte et d’expansion de nouveaux marchés. L’innovation et l’entrepreneuriat étendent l’éventail des choix offerts aux personnes. Et pourtant, tous ne sont pas égaux dans leur contribution à ce processus. Il existe des différences entre les personnes de par leurs capacités, leurs motivations et leur talent entrepreneurial, sans parler de leurs conditions de vie.
Ces différences sont à la base de l’avantage comparatif et des gains provenant des échanges volontaires sur les marchés libres. Aussi bien les riches que les pauvres gagnent en participant aux marchés libres ; le commerce n’est pas un jeu à somme nulle ou négative. Attaquer les riches, comme s’ils étaient coupables de crime, et appelant à une action de l’Etat pour assurer une répartition plus « équitable » des revenus et des richesses bloque de l’envie, ce qui n’est pas favorable aux bases de l’abondance: la propriété privée, la responsabilité personnelle et la liberté.
Dans un système de marché ouvert, les entrepreneurs qui créent de nouveaux produits et des services prospèrent, comme le font les consommateurs. Les entrepreneurs créent de la richesse et de nouvelles options de choix. Le rôle de l’Etat devrait être de sauvegarder les droits de propriété et de laisser les marchés fleurir.
Lorsque la puissance de l’État l’emporte sur les marchés libres, les choix sont restreints et les opportunités de création de richesses sont perdues. Tout au long de l’histoire, les gouvernements ont fait preuve de discrimination contre les riches, mais au final ils n’ont fait que nuire aux pauvres. La planification centralisée aurait dû nous apprendre que le remplacement des entrepreneurs privés par des bureaucrates du gouvernement politise simplement la vie économique et concentre le pouvoir ; il ne permet pas d’élargir les choix ou d’augmenter la mobilité des revenus. Le gouvernement a le pouvoir de contraindre, mais les entrepreneurs privés doivent convaincre les consommateurs d’acheter leurs produits et convaincre les investisseurs de soutenir leur vision. Le processus de «destruction créatrice », comme décrit par Joseph Schumpeter, signifie que la richesse dynastique est souvent de courte durée.
Peter Bauer préfère utiliser le terme de « différences économiques » plutôt que « inégalités économiques ». La rhétorique de l’inégalité favorise le populisme et l’extrémisme, même dans la quête de résultats égalitaires. En revanche, parler de différences est reconnaitre la réalité et se rappeler que « les différences dans la disposition à saisir les opportunités économiques – volonté d’innover, de prendre des risques, d’organiser – sont déterminantes pour expliquer les différences économiques dans les sociétés ouvertes ».
Ce qui intéressait Bauer était de savoir comment augmenter la gamme des choix offerts aux personnes, pas comment utiliser le gouvernement pour réduire les écarts de revenu et de richesse. Comme nous l’a rappelé Bauer, « le pouvoir politique implique la capacité des dirigeants à utiliser la coercition pour restreindre les choix offerts à ceux qu’ils gouvernent. La réduction ou la suppression forcée des différences économiques résultant d’arrangements volontaires creuse et intensifie l’inégalité du pouvoir coercitif ».
La même liberté à tous dans un Etat de droit et un gouvernement limité ne signifie pas que toutes les personnes auront les mêmes dotations, motivations, ou aptitudes. Interdire ces différences détruit la force motrice derrière la création de richesses et la réduction de la pauvreté. Il n’y a pas de meilleur exemple que la Chine.
Sous Mao Zedong, les entrepreneurs privés avaient été interdits, tout comme la propriété privée, ce qui est le fondement de marchés libres. Des slogans tels que « frapper fort contre le moindre signe de la propriété privée» laissaient peu de chance pour améliorer le sort des pauvres. La mise en place des communes au cours du « Grand Bond en avant » (1958-1961) et la centralisation des décisions économiques n’ont conduit qu’à la Grande Famine, l’érosion de la société civile, et l’imposition d’une clôture de fer autour de l’individualisme, tout en suivant une politique d’égalitarisme forcé.
En revanche, le leader suprême Deng Xiaoping a permis la résurgence des marchés et a ouvert la Chine au monde extérieur. Désormais, la Chine, plus grande nation commerçante dans le monde, a démontré que la libéralisation économique est le meilleur remède pour élargir les choix des gens et permettre à des centaines de millions de personnes de se sortir de la pauvreté. Le slogan de Deng « devenir riche est glorieux » est en contraste frappant avec les systèmes de nivellement de Mao. En 1978, et aussi récemment qu’en 2002, il n’y avait pas de milliardaires chinois. Aujourd’hui, il y en a 220. Ce changement n’aurait pas été possible sans le développement de la Chine comme une nation commerçante.
Quoiqu’il en soit, certains politiciens vont utiliser une rhétorique incendiaire pour faire des différences entre les riches et les pauvres le coeur de leurs campagnes électorales. Ce faisant, ils devraient reconnaître les problèmes que l’intervention du gouvernement dans la création et la distribution des revenus et des richesses pose pour une société libre et pour la prospérité de tous.
Les politiques gouvernementales peuvent élargir le fossé entre riches et pauvres à travers des subventions aux entreprises, des politiques monétaires non conventionnelles qui pénalisent les épargnants tout en gonflant les prix des actifs, des lois sur le salaire minimum et d’autres lois qui mettent les travailleurs peu qualifiés hors-marché et donc entravent la mobilité des revenus.
Un programme positif destiné à favoriser la croissance économique – tout en laissant les gens libres de choisir – ciblant la baisse des taux marginaux d’imposition sur le travail et le capital, la réduction de réglementations coûteuses, le ralentissement de la croissance de l’appareil étatique, et la normalisation de la politique monétaire, serait le meilleur remède qui profitera à la fois au riches et aux pauvres.
James A. Dorn, rédacteur en chef du Cato Journal. Article initialement publié en anglais par la Foundation for Economic Education – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 13 janvier 2016