Le 1er novembre 2011, en s’adressant à une séance commune de l’Assemblée nationale et du Conseil national des provinces, le président Zuma a exprimé son inquiétude au sujet des « tribunaux» qui semblent jouer un rôle « au-dessus » de celui des représentants élus par le peuple. Le Parlement et l’exécutif, a-t-il dit, ont été élus pour représenter la volonté du peuple ; les tribunaux, avec des juges non élus, ne représentent pas directement les populations. Les différends politiques, a-t-il proclamé, devraient donc être résolus politiquement.
L’adhésion au Congrès national africain (ANC), qui dispose d’une majorité de près des deux tiers au parlement, est évidente. Si tous les différends politiques doivent être réglés «politiquement», ils seront d’évidence tous résolus en faveur du parti au pouvoir. Dès lors, nous assisterons à une dictature des représentants de la majorité.
Les pensées de Zuma ont été relayées par de nombreux commentateurs. Certains suggèrent que, puisque les tribunaux semblent avoir usurpé le rôle des représentants démocratiquement élus, il y a peu d’intérêt à participer au processus démocratique.
Au risque de contrarier les partisans de l’ANC, si les élus et en particulier ceux du parti au pouvoir, respectent la loi, le problème disparaîtrait. Le problème n’existe que si les élus se croient au dessus de la loi en vigueur et qu’ils pensent pouvoir agir en toute impunité.
Il arrive qu’un projet de loi débattu au Parlement contienne des clauses manifestement inconstitutionnelles. Malgré les avertissements des juristes, le processus d’approbation de la loi va jusqu’au bout, et la loi défectueuse finit par être votée.
Les hommes politiques perçoivent trop souvent la gestion des affaires publiques uniquement en termes de rapport d’autorité (supérieur/subalterne). C’est ce qui crée la véritable source de confusion. L’état de droit ne désigne pas la supériorité d’un bureau ou d’une institution particulière. Ce qu’il désigne c’est avant tout la suprématie de la loi pour tous sans aucune histoire politique. Si la loi doit être la même pour tout le monde. Telle est la suprématie de la loi socle de la garantie des libertés individuelles.
Ainsi, la loi exhorte tous les fonctionnaires à s’abstenir, de toutes les manières, d’abuser de leur pouvoir. En Afrique du Sud, la Constitution, qui, dans l’Etat de droit, est supérieure à toute loi, exige du président et de tous les parlementaires qu’ils prêtent serment de fidélité à ce texte fondateur. Une violation de ce serment est un fait grave, comme il a été démontré récemment par l’arrêt de la Cour constitutionnelle dans la saga Nkandla (du nom de la luxueuse propriété que Zuma a rénovée avec l’argent des contribuables). Le président malgré sa vision des autorités judiciaires a été contraint, non pas par les tribunaux, mais par la loi, de reconnaître son erreur et de faire des excuses publiques sans même qu’il ne soit cité à comparaître devant le tribunal pour rendre compte de sa conduite. Ses représentants légaux l’ont fait en son nom dans une atmosphère de débat respectueux.
La question légitime à poser alors est : qui aurait été le mieux qualifié pour entreprendre cette tâche: le président lui-même? Un fonctionnaire désigné par lui-même, comme son ministre de la police? Les tribunaux?
Somme toute, les tribunaux sont un outil pour appliquer et faire respecter la loi, grâce à leurs méthodes et procédures spécialisées. Ces méthodes, aiguisées au fil des siècles et léguées d’une génération à l’autre, sont le résulta d’un processus long et continu en constante évolution. Malgré quelques imperfections, de ce processus naturel émerge une sagesse qui n’est rien d’autre que le fruit des réflexions, des actions et interactions des différentes générations. Une sagesse sans notion de subordination, mais seulement une reconnaissance pour qu’elle puisse s’imposer d’elle-même dans la société. C’est la condition de l’Etat de droit. Nul n’est au dessus de la loi, même s’il a été désigné par le vote populaire.
Rex van Schalkwyk est ancien juge de la Cour suprême d’Afrique du Sud. Article initialement publié en anglais par la Free Market Foundation – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 6 mai 2016.