Pour changer le monde, les idées comptent
Et qui pourrait mieux exposer celles d’une société libre que certains des penseurs et militants les plus dynamiques et influents du mouvement pour la liberté?
L’Institut économique de Montréal (IEDM), un groupe de réflexion canadien, est à l’origine de la série Free Markets, produite en collaboration avec The World Show, une émission que diffusent en réseau les stations affiliées de PBS partout en Amérique du Nord.
Lors de sa saison initiale, la série a présenté des entrevues de fond avec des invités aussi éminents que Steve Forbes, Tom Palmer (dont les derniers ouvrages ont été traduits en français par Libréchange), Richard Epstein, Lawrence Reed et Michael Walker.
Depuis peu la série revient pour une deuxième saison avec quatre tout nouveaux épisodes proposés surle site www.freemarketseries.com, qui héberge également les épisodes de la saison 1. Cette fois, les quatre invités sont Kris Mauren, directeur général de l’Institut Acton, Charles Murray, fellow à l’American Enterprise Institute, Randy Barnett, professeur en théorie du droit à l’Université Georgetown, et LuisHenrique Ball, éditeur du PanAm Post. Ces vidéos originales sont réellement passionnantes.
Les lecteurs seront particulièrement touchés par l’exposé de Kris Mauren. Durant sonent revue, ce dernier traite notamment de sa participation à la fondation de l’Institut Acton en 1990, au moment où il devenait indéniable que le rejet de l’économie de marché était une erreur, compte tenu de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement du système communiste. La mission de l’Institut Acton est de promouvoir une société libre et vertueuse marquée par la liberté individuelle et nourrie par des principes religieux. L’an dernier, il a remporté le prestigieux prix Templeton pour la liberté que lui a décerné l’AtlasNetwork pour son film Poverty, Inc., un long métrage documentaire très critique sur « l’industrie de la pauvreté » : les milliards de dollars d’aide distribués partout dans le monde au fil des ans n’ont pas aidé les pauvres, quelle que soit la noblesse des intentions en ce sens. Le documentaire démontre comment pour sortir les pays de la pauvreté, ce sont l’état de droit, la propriété privée et les opportunités d’entrepreneuriat qui comptent.
L’entrevue avec Charles Murray, auteur controversé des livres Losing Ground et The Bell Curve (celui-ci en collaboration avec Richard J. Herrnstein), est axée sur une discussion de son plus récent ouvrage, By the People: Rebuilding Liberty Without Permission. D’après Murray, nos gouvernements parviennent à microgérer impunément nos vies avec des piles de règlementations supposément conçues pour nous préserver de dangers divers, mais pour la seule raison que nous nous plions volontairement et massivement à cette réglementation. Selon lui, nous avons peu de chances de repousser cet empiétement réglementaire par le truchement du système lui-même.
Il faudrait plutôt des moyens de défense juridique pour contester des règlements inutiles et excessifs. Ceci imposerait des coûts à la bureaucratie, et les gouvernements seraient forcés de penser un tant soit peu aux types de règlements qui valent vraiment la peine d’être appliqués. Si l’interview traite essentiellement des États-Unis, les idées présentées résonneront sans nul doute pour beaucoup en Afrique.
La première partie de l’entrevue avec Randy Barnett porte sur son expérience devant la Cour suprême lors des grands débats sur l’usage de la marijuana thérapeutique et sur la Loi sur les soins de santé abordables (Obamacare). Ensuite le professeur de droit expose la manière dont les services liés à l’organisation judiciaire peuvent être fournis en régime de concurrence. L’arbitrage privé, par exemple, est moins dispendieux et plus efficace que l’appareil judiciaire public.
Même s’il ne pense pas que les États-Unis adopteront dans un proche avenir un système juridique pleinement polycentrique, expliquer les vertus d’un tel système permet d’atténuer les craintes que susciterait un mouvement tendant généralement vers une plus grande liberté. La restauration de la Constitution américaine qu’il espère certainement voir avant longtemps, serait un bon point de départ. Les réflexions de Barnett devraient susciter l’intérêt des intellectuels en Afrique, où très souvent le système judiciaire public est critiqué pour ses carences.
Enfin, on présentera aussi Luis Henrique Ball, l’homme d’affaires prospère qui a lancé le PanAm Post en 2013 pour diffuser des nouvelles et analyses dans l’ensemble du continent américain. Son entrevue porte avant tout sur la façon dont une absence presque totale de liberté a ravagé Cuba et son pays d’origine, le Venezuela, deux pays autrefois riches. Cuba, nous rappelle-t-il, a déjà été le premier exportateur de sucre au monde mais le pays doit aujourd’hui importer le sucre dont il a besoin pour fabriquer le peu de rhum qu’il produit encore. La Havane d’Hemingway et de Fred Astaire n’existe plus et Cuba est l’un des pays les plus pauvres de la Terre. Cuba s’ouvre peut-être aux voyageurs américains mais, comme l’affirme Ball, les vacanciers seront stupéfaits quand ils s’apercevront que les cabarets et boutiques où ils sont accueillis sont réservés aux touristes tandis que la vaste majorité des Cubains vivent dans la misère et le pays demeure aussi despotique que la Corée du Nord.
Quant au Venezuela, lui aussi est en triste état. Quand il dirigeait un organisme commercial là-bas, Ball alutté contre la confiscation de biens sans indemnisation, une mesure injuste parmi d’autres, allant jusqu’à organiser une grève nationale pour protester contre les politiques du régime Chavez. Ceci a fini par l’opposer au régime et il a quitté le Venezuela après avoir été faussement accusé de rébellion civile et de trahison.
L’IEDM a fait œuvre utile en présentant les idées de liberté, telles que les ont embrassées ces éminents penseurs et hommes d’action, à un large auditoire de PBS au Canada et aux États-Unis et, ensuite, à toute la communauté des internautes par le biais du site Web Free Markets Series. Des porte-paroles comme ceux-ci offrent la meilleure justification qui soit des libertés économiques et civiles et donnent à ces dernières les meilleures chances possibles de se propager.