Au Cameroun le 9 août 2016, en prélude à la rentrée scolaire 2016/2017, le ministre du commerce a rendu publique sa décision fixant les prix de vente des livres et manuels scolaires.
Il s’agit d’un « prix plafond applicable de manière uniforme sur l’ensemble du territoire national » malgré la différence des prix de revient.
Depuis 2008, des restrictions gouvernementales sur les prix du marché ont déjà été observées dans le commerce de l’huile de palme, du riz, de la bière, puis de la formation en médecine dans les établissements privés, etc.
Est-ce vraiment efficace ?
La loi du marché (de l’offre et de la demande) est-elle une filouterie comme de plus en plus insinué au Cameroun ?
Où se trouve le vrai problème et que faut-il faire ?
Pour mémoire, le gouvernement avait librement opté pour « l’économie du marché » le 28 juillet 1989 par la loi n°89/011 et avait institué la concurrence par la loi n°98/13 du 14 juillet 1998. Mais paradoxalement, le pays pratique toujours la notion d’homologation des prix définie à l’article 2 de l’ordonnance n°72/18 du 17 octobre 1972 portant régime général des prix.
Dans l’esprit, il s’agit de l’approbation des prix proposés par l’opérateur économique qui a ainsi l’obligation de justifier toute hausse. C’est l’article 4(c) qui parle de dépôt de barèmes ou de tarifs avec approbation préalable ou non de l’administration. L’article 2(1) du décret n°90/1476 du 09 novembre 1990 définit le mécanisme de fixation d’une liste de produits et services soumis à cette procédure. C’est ainsi qu’il existe jusqu’à nos jours une mercuriale des prix au Cameroun. Cette activité a été institutionnalisée au sein de la Direction des prix, de la Métrologie et de la Protection du consommateur.
C’est aussi l’esprit de la note circulaire n°00025/MINEFI/DPM/SDEL du 03 janvier 2001 portant fonctionnement des services chargés du contrôle des prix et de la métrologie. Ce cadre juridique crée la confusion avec la politique de concurrence du Cameroun définie à l’article 12 de la loi n°90/031 du 10 Août 1990 régissant l’activité commerciale. Il contrarie la liberté des prix qui peut évoluer de façon avantageuse pour les consommateurs. Par exemple, un stylo (bic) coûtait jusqu’à FCFA 150 dans la mercuriale alors que la concurrence en vendait 3 à 100 FCFA sur le marché. Pis, il suscite la corruption dans la mesure où les contrôleurs de prix qui descendent dans les marchés sont régulièrement indexés. Par exemple, en 2015, à la Délégation régionale du commerce du Littoral, l’on rappelait sans cesse au public pour le déplorer le travail du contrôleur des prix qui doit se limiter à dresser une fiche de mise en demeure mentionnant l’infraction constaté chez le commerçant.
Le vrai problème est que pendant que le gouvernement optait pour la « libéralisation », il n’avait pas effectué des réformes préalables nécessaires à la lutte contre la sous-production au point où en février 2008, le pays avait affronté de violentes émeutes de la faim. En réaction à cette situation de carence, le gouvernement avait accru son interventionnisme, par ordonnance du chef de l’état signée le 7 mars 2008, pour accroître le contrôle du marché des produits dits de «première nécessité» au lieu de prendre des mesures incitatives pour augmenter la production nationale.
Ce faisant, le gouvernement s’était substitué davantage aux acteurs économiques. Par exemple, pour combler rapidement le déficit de 200 000 tonnes de riz au Cameroun, le gouvernement avait défiscalisé l’importation du riz et en avait fixé lui-même le prix. Au 30 août 2016, un marché témoin de riz existait toujours au ministère du commerce au Cameroun. Mais, au lieu de produire l’effet escompté sur le consommateur, le gouvernement camerounais avait plutôt alimenté les réseaux de contrebande vers les pays voisins. Par exemple, selon un rapport de la Seaport Terminal Operators Association of Nigeria (STOAN) en 2014, le Cameroun avait contribué à la redirection d’environ 600 000 tonnes de riz vers le Nigéria au moyen de la contrebande.
Comme le disait Murray Rothbard (1995) : «Le contrôle des prix n’a pas fonctionné pendant la Première Guerre mondiale lorsqu’il était « sélectif » ; il n’a pas marché non plus, pendant la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’il a été « généralisé »… les contrôles des prix n’ont jamais fonctionné». Dès juin 2016, les prix du riz ont plutôt augmenté de 3 à 15% sur les différents marchés camerounais contrairement aux prévisions du ministre du commerce de janvier 2016. La raison est que le prix plafond a pour conséquence économique l’absence des investissements de la part des entreprises, le déclin de la qualité et la pénurie des marchandises.
En effet, le prix plafond fixé souvent en-dessous du seuil de rentabilité rend la production non-rentable. Cela pose un problème d’incitation car, les producteurs existants offriront moins et les investisseurs potentiels iront ailleurs. Au final, pendant qu’on a moins d’offre, on note un excès de la demande, ce qui fait hausser les prix. C’est exactement l’effet non-désiré qui se produit.
Que faire ?
Le Cameroun doit plutôt lutter contre sa crise de sous-production en stimulant la production au lieu d’intensifier le contrôle des prix, le protectionnisme et l’interventionnisme. Il convient donc de produire davantage et de mettre sur pied un large éventail de politiques susceptibles de modifier ou d’influencer les prix du marché. Le seul vrai moyen de modifier durablement le prix en faveur du consommateur est de faire en sorte que l’offre dépasse la demande.
Cela passe par la promotion de la bonne gouvernance qui manque dans les actions publiques et la promotion des investissements privés même dans les entreprises en faillite ou en manque de capitaux. D’autres leviers sur lesquels il faudrait agir pour stimuler l’offre sont : la réduction des coûts de transactions (bureaucratie), la levée des barrières à l’entrée aux secteurs concernés, l’allégement de la pression fiscale, l’amélioration du climat des affaires, etc. Somme toute, le contrôle des prix est au mieux une solution de facilité, au pire une mesure contreproductive car il ne fait que consolider la rareté.
Par Louis-Marie Kakdeu, PhD& MPA