Le 03 juillet dernier, les sociétés de téléphonie mobile MTN et GLO ont écopé d’une amende correspondant à 0,3% de leurs chiffres d’affaires respectifs, pour n’avoir pas respecté leurs cahiers des charges
Cette décision intervient dans un contexte de ras-le-bol des abonnés qui croient à tort que c’est la faute à la libéralisation du secteur.
Qu’en est-il réellement ?
La libéralisation du secteur des télécommunications a été lancée depuis 1999. Pourtant, le Bénin continue d’enregistrer de mauvaises performances du fait de la mauvaise gouvernance qui prévaut dans le secteur.
Après un contrôle effectué du 02 mars au 18 avril 2017, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste du Benin (Arcep-Bénin) a constaté la persistance de la mauvaise qualité des prestations des réseaux de téléphonie mobile. Pour l’ensemble des réseaux, la conformité par rapport aux obligations des cahiers des charges varie entre 49% et 75% pour la 3G, et de 4% à 75% pour la 2G selon l’Arcep, et ce depuis les audits de 2016 et même bien avant.
Des pratiques de fraude ont été également constatées, incluant des complicités internes et externes au secteur et un manque à gagner de plusieurs milliards pour l’Etat Béninois et les opérateurs concernés chaque année.
Cela en dépit de l’obligation faite aux réseaux de sécuriser leurs installations.
Si tous ces maux existent en dépit de la libéralisation, c’est parce que celle-ci a été mal implantée en ignorant les préalables de mise en œuvre. La première étant bien évidemment l’existence d’un état de droit. La corruption, le manque de contrôle dans le secteur et surtout le silence complice des autorités sont les premiers responsables des maux du secteur. Déjà lors de la libéralisation du secteur en 1999, à cause de l’impréparation des acteurs, et une forte corruption, les licences avaient été bradées, souvent de gré à gré, à 120 millions FCFA aux réseaux pendant que le prix variait entre 800 millions FCFA au Togo et 70 milliards FCFA au Sénégal à la même période.
Les différentes réévaluations à 5 milliards FCFA puis à 30 milliards FCFA respectivement intervenues en 2004 et en 2007 souvent de façon arbitraire alors que les anciennes licences étaient toujours en cours.
Les appels d’offres étaient uniquement pour la forme. Cela a poussé les opérateurs à une course à la rentabilisation de leurs investissements, notamment la partie pots-de-vin. Le résultat a été : des tarifs élevés sans amélioration de la qualité des services. L’exaspération des abonnés a donc conduit au mouvement de boycott des services GSM largement suivi le 5 juillet 2017. L’existence d’une Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste est certes une avancée.
Mais la cooptation à peine voilée des membres de ladite autorité ne garantit pas l’autonomie de son fonctionnement. La « capture » de cet organe par les politiques et les hommes d’affaires ayant cautionné l’arrivée de ces membres, en a entaché l’impartialité et l’efficacité. Pour preuve, l’ancienne équipe de l’Arcep installée par le gouvernement passé et n’ayant pas fini son mandat, a purement et simplement été mise à la porte par un nouveau décret abrogeant les précédents à l’arrivée de l’actuel gouvernement. Déjà l’opinion publique soupçonne la nouvelle équipe de l’Arcep, à tort ou à raison, d’être le bras armé de l’exécutif contre les hommes d’affaires ou politiques dissidents exerçant dans le secteur.
En cause, la décision de retrait de licence à l’opérateur Bell Bénin précédemment propriété d’un député opposé au régime actuel. Au-delà de cette prise en otage de l’organe, ce qu’il faudrait pointer du doigt est la défaillance du cadre législatif, notamment la non-effectivité d’un code numérique devant servir de gouvernail. Même si la loi sur le code numérique a été adoptée au parlement le 13 juin 2017, elle n’est pas encore mise en application. Par ailleurs, l’Arcep ne dispose pas encore de tout l’équipement nécessaire à l’exercice de toutes ses attributions. Pour cette raison elle n’a que des réactions sporadiques alors que les préjudices sont quotidiens.
Au Bénin, les services GSM en plus d’être de mauvaise qualité, coûtent excessivement chers
Ainsi, en matière d’accès à internet, le gigabyte coûte au minimum l’équivalent de 16,60% du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) d’après le rapport 2017 de l’Alliance pour Internet abordable.
Cela vaut au Bénin d’être classé 29ème sur 57 pays pris en compte.
Mais ce mauvais rapport qualité/prix s’explique par l’inexistence d’une concurrence saine entre les différents réseaux de téléphonie mobile. En effet, le Bénin dispose encore de trois réseaux actifs dont deux (Moov et MTN) contrôlent près de 90% du marché après la cessation d’activités de deux d’entre eux pour endettement massif.
Mais à en croire les tarifications, il y a une entente tacite entre les différents réseaux sur les prix et les parts de marchés au détriment des abonnés. Cela explique la forte similarité des offres, l’immobilité des tarifs et surtout l’absence de compétition directe entre les réseaux.
Face à ces constats amers, les sanctions ne suffisent pas à assainir le secteur. L’urgence est à l’instauration d’une veille sur le marché pour prévenir les pratiques anti-concurrentielles. En ce sens un conseil de la concurrence compétent et indépendant serait le bienvenu non seulement dans le secteur des GSM mais également pour les autres secteurs. Mais cela ne suffit pas pour améliorer la gouvernance du secteur. Il faudrait encore garantir un respect strict des cahiers des charges. Pour ce faire, les organisations de la société civile et l’Arcep ont un rôle important, particulièrement les associations de défense des consommateurs qui devraient redoubler de vigilance et être associées aux activités par l’Arcep afin de mieux protéger les intérêts des consommateurs.
En outre une ligne verte devrait être mise en place pour recueillir les plaintes des consommateurs. Enfin, les médias aussi doivent jouer leur partition en relayant les plaintes et informations utiles.
Sans une attention particulière au secteur des services GMS à travers l’instauration d’une meilleure gouvernance, et une autorité de régulation compétente et autonome, les bienfaits de la libéralisation espérés seront hors de portée.
Pire, le Bénin risque de rater l’émergence d’une économie numérique créatrice de richesse et d’emplois.
Mauriac AHOUANGANSI, doctorant-chercheur béninois.
Avec Libre Afrique.