- La République du Congo vient de boucler la première phase du projet de dorsale à fibre optique en Afrique centrale en interconnectant son réseau terrestre de fibre optique avec celui du Gabon.
- Grâce à cette nouvelle infrastructure de près de 504 kilomètres de fibre optique, le pays dispose désormais d’un deuxième point d’accès internet très haut débit.
- La République du Congo renforce ainsi son intégration régionale numérique qui devrait contribuer au développement des technologies de l’information et de la communication et à la création d’emplois.
BRAZZAVILLE, 9 avril 2018‒Étudiante à la faculté des sciences de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville, Marinette Moyo n’envisage pas de réussir ses études sans internet. Comme pour ses camarades, qu’elle soit en classe ou à la maison, elle ne lâche pas son téléphone et ordinateur portables. Comment se passer des moteurs de recherche en ligne pour faire un exposé ou bachoter un examen ?
C’est pareil pour Gilles Massamba, jeune promoteur cinématographique hyperconnecté et pour de nombreux autres Congolais pour qui internet est devenu un outil social, administratif et professionnel incontournable. Le problème, c’est que lorsque la connexion rame, est irrégulière et coûte cher, on perd du temps, de la patience et de l’argent. Dur d’attendre vingt minutes pour télécharger un document ou d’être déconnecté en permanence pendant une conversation Skype avec un proche à l’intérieur du pays.
Du très haut débit grâce à la fibre optique
« Pour la majorité des Congolais, la fibre optique restait une notion abstraite », estime Gilles. « Jusqu’à ce qu’un bateau naviguant le long de la côte de Pointe-Noire sectionne accidentellement le câble sous-marin à fibre optique. Là, tout le monde a fait le lien parce que plus personne n’avait internet à Brazzaville. C’est flippant de penser que tout cela ne tient finalement qu’à un fil au sens propre comme au sens figuré ».
À bien des égards, le développement de l’économie numérique et la réalisation de l’intégration régionale en Afrique centrale ne tiennent en effet « qu’à un fil ». Plus précisément à celui de la fibre optique en train d’être installée par le projet Central African Backbone (CAB), dont la première phase vient de s’achever ce 6 avril 2018 par l’interconnexion de la dorsale à fibre optique entre la République du Congo et la République du Gabon.
Devenir une région interconnectée
Initié en avril 2007 par les pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), lors du sommet de Ndjamena, au Tchad, le projet Central African Backbone (CAB) vise à favoriser l’intégration sous-régionale et à réduire la facture numérique grâce à des infrastructures terrestres de haut débit à fibre optique. L’enjeu est d’augmenter la capacité de liaison numérique entre les 11 pays de la Communauté.
« C’est l’aboutissement d’une décennie d’efforts continus et la concrétisation d’une ambition forte exprimée par les dirigeants de la sous-région pour arrimer les pays à l’économie numérique et favoriser ainsi l’intégration régionale », explique Yvon-Didier Miehakanda, coordonnateur du projet CAB en République du Congo.
En République du Congo, la première phase de ce projet a été lancée en juillet 2011 grâce à un financement conjoint du gouvernement et de la Banque mondiale de 30 millions de dollars. Objectif ? Construire une dorsale de 521 km de fibre optique (ramené plus tard à 504 km) entre la station d’atterrissement de Matombi (rattachée à la ville océane de Pointe-Noire), et celle frontalière de Mbinda. Les travaux ont été menés par la société chinoise Huawei, leader mondial des télécommunications, avec le concours du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO) qui a facilité la pose de la fibre tout le long du chemin de fer.
La dorsale congolaise poursuit son parcours jusqu’à la ville frontalière de Lekoko où elle se raccorde aux 1100 km du réseau terrestre gabonais qui court jusqu’à Libreville.
Cette nouvelle infrastructure d’interconnexion avec le Gabon donne justement à la République du Congo un deuxième point de connexion à la fibre optique qui lui permettra de garantir une connexion relais dans l’éventualité d’une nouvelle défaillance du câble sous-marin mis en service en 2012, ou du point de connexion de Matombi, dans le Kouilou.
La première phase du projet CAB ainsi bouclée laisse place à la deuxième qui prévoit la construction de deux nouveaux réseaux à fibre optique au nord du pays, afin de raccorder d’ici 2020 le réseau congolais à celui du Cameroun et de la Centrafricaine. Cofinancé par la Banque africaine de développement (BAD) et l’État congolais à hauteur de 66,56 millions d’euros, cette deuxième phase prévoit, entre autres, la construction d’un centre national d’hébergement de données (Datacenter) et d’une technopole pour développer les nouvelles technologies et l’économie du numérique.
Enfin, la troisième phase, exclusivement financée par la Banque mondiale pour un montant de 5 millions de dollars, devrait créer un fonds de développement de l’économie numérique destiné à financer le développement de start-ups et la création d’emplois dans ce secteur.
Une offre plus rapide et moins chère
« Si cette infrastructure contribue effectivement à augmenter l’offre d’internet dans le pays, alors la conséquence logique devrait être la baisse des coûts de connexion pour les utilisateurs », soutient Aymar Kodia, jeune internaute chevronné. « Et ça, c’est une bonne nouvelle parce que les tarifs pratiqués actuellement par les opérateurs, aussi bien publics que privés, sont simplement exorbitants (1 Mo à 65 000 francs CFA soit 122 dollars !) ».
Dans la foulée de l’installation du réseau de fibre optique, le projet CAB a aussi équipé l’université publique d’outils informatiques, et interconnecté les 11 établissements d’enseignement supérieur de Brazzaville. Les étudiants attendent à présent que l’opérateur national de télécommunication, Congo-Telecom active l’accès à internet très haut débit pour profiter pleinement du nouvel environnement technologique mis à leur disposition. « Je me vois déjà accéder à des ressources documentaires illimitées, télécharger à volonté des fichiers lourds, faire mes recherches ou suivre des cours en ligne comme le font les étudiants des pays développés, ça sera vraiment génial ! », confie Marinette.
« Des études menées en Afrique notamment par la Banque mondiale en 2010, prouvent qu’une hausse de 10% du nombre de connexions internet à haut débit entraîne, entre autres, une augmentation de croissance économique de 1,3% », explique Jérôme Bezzina, chargé de projet et spécialiste en télécommunication à la Banque mondiale. « En République du Congo, on estime que le secteur des TIC représente 4% du PIB. Avec de meilleures infrastructures, sa contribution devrait être encore plus importante, surtout dans le secteur tertiaire où il occupe déjà une place prépondérante. »
Avec la Banque Mondiale