2020 et 2021 nous le prouve, nous sommes désormais tous Acteurs du Développement, entreprises, fondations, états, associations et collectivités, quel que soit le statut sous lequel nous œuvrons nous sommes aussi avant tout des citoyens et devons faire en sorte que nos actions soient menées en suivant des priorités afin que ce monde soit durable.
Il me semble clair que les ODD et les indicateurs associés sont d’excellents repères afin de prioriser nos actions pour les 10 prochaines années. En 2030 il faudra tirer les leçons et faire un bilan afin de réajuster les indicateurs des ODD.
Se projeter avec des technologies durables
En 20 années les technologies se sont imposées dans nos modes de travail, nous sommes en majorité équipés d’ordinateurs et surtout de smartphones devenus de véritables couteaux suisse des technologies. Les perspectives qu’ils offrent ne sont plus à démontrer.
Bien sûr le numérique de manière générale est indubitablement un levier et un accélérateur puissant sur les projets ou programmes de développement en Afrique et particulièrement dans toutes les grandes thématiques du développement que sont l’éducation, l’énergie, l’agriculture, l’eau, l’entrepreneuriat, la protection de l’environnement, la mobilité. Les GAFA s’emparent des données et des plateformes et l’intelligence artificielle, la blockchain ou les monnaies électroniques sont déjà là.
Compréhension des enjeux, anticipation et agilité pour créer de la croissance
Une grande partie des acteurs s’accordent sur le fait que le numérique est un allié précieux mais nous accusons aussi un retard car deux freins majeurs persistent, ils sont :
- Le manque d’agilité sur les technologies dans les usages déployés. Des technologies utilisées qui évoluent sans cesse et très rapidement. Bien souvent, entre l’étude, la conception, le déploiement, les formations, et les mises à jour des mois voire des années passent et l’obsolescence devient la norme. Il faut donc accroître l’agilité de ceux qui portent ces projets sur l’usage de ces technologies et mettre l’anticipation et la vision des développements au cœur des stratégies.
- La mise à niveau de l’ensemble de la chaîne des usagers impliqués dans les projets. Non seulement la formation fait souvent défaut mais comme dans le premier point les technologies évoluent et il faut faire évoluer la prise en main des technologies avec. Ajouter également le sujet crucial de l’emploi qui doit être le véritable enjeu et cheval de bataille des 54 Etats du continent africain pour que la jeunesse puisse s’emparer du numérique, pour réussir à développer des compétences porteuses d’emplois. Le cas contraire aurait un effet boomerang avec un développement des projets mais une pénurie de compétences… Ce qui est déjà le cas dans de nombreux pays en Afrique mais pas seulement.
Tiers lieux, HUB, fédérer les acteurs
Il faut accroître les soutiens aux programmes de formations avec agilité. C’est complexe mais indispensable. Edtech, codage, nocode, campus technologique, inclusion du numérique dans les cursus scolaires sont des solutions, y intégrer la compréhension des ODD serait un atout supplémentaire. Bien souvent je vois des formations ou des technologies mises en œuvre en Afrique mais inadaptées localement car incompatibles avec l’écosystème culturel ou économique local. Ajoutez à cela des applications ou systèmes dont les mises à jour refondent littéralement les interfaces et vous avez la recette d’un échec redoutable.
La solution viendra en partie de l’essor des HUB du numérique. Ils étaient 60 en 2017 et 750 en 2021.
Les ODD sont interconnectés. Prenons l’ODD 9 “Industrie innovation et infrastructure”. “Accroître nettement l’accès aux technologies de l’information et de la communication et faire en sorte que tous les habitants des pays les moins avancés aient accès à Internet à un coût abordable d’ici à 2020”.
Il est donc indispensable de développer de la transversalité entre les actions et surtout s’aligner dans une logique commune de développement. Il m’est souvent demandé sur les programmes utilisant des nouvelles technologies en Afrique pourquoi tel ou tel projet ne s’inspire pas de ce qui est fait ailleurs, et bien c’est justement à cause de ce non-alignement. Les développements de programmes agissent en dispersion sans respecter les indicateurs présents.
Des échelles pour agir en passerelles sur les projets avec des ODD compris par les acteurs
Les ODD permettent donc d’anticiper et d’avoir une vision plus claire sur les stratégies à adopter mais aussi sur les axes de développement. Ils permettent également de définir des piliers dans les tailles de projets. Les nanos, qui sont les plus petits, les intermédiaires : les micros et les mésos et enfin les macros qui définissent souvent les projets d’infrastructures. Ils se distinguent par trois indicateurs clés : le coût, la vitesse de déploiement, et l’impact.
Des ODD au cours de projets entre citoyens et politique publique, exemple avec l’application citoyenne de la ville de Kigali
Un contrat social avec les ODD
Lacina Koné – Directeur Général Smart Africa
La société Tactis qui œuvre en France et en Afrique dans le conseil en infrastructures et en services, a porté avec un financement français et la mairie de Kigali un projet de déploiement d’une application de signalement pour les citoyens de la ville et un système intelligent de capteurs de pollution fixe et mobile.
Dans le cadre de cet ambitieux projet qui a été mis sous en exergue lors de la visite historique du Président Emmanuel Macron au Rwanda en mai 2021, il est question de permettre aux citoyens avec une application intuitive et gratuite de signaler un dysfonctionnements comme un éclairage défaillant, une intervention sur la voirie, un accident, un danger, une pollution, un dysfonctionnement quelconque. Une liste de cas propose au citoyen de signaler en décrivant avec du texte dans l’application et d’y ajouter une géolocalisation et une photo. L’innovation est que les agents de la mairie, avec leurs terminaux mobiles et une plateforme de centralisation des data mise en place, va répondre au citoyen, programmer une intervention et rendre compte aussi avec une photo et une description de ce qui a été fait ou ce qui est prévu dans quelles conditions et dans quels délais.
Idem avec le système de pollution ou les capteurs vont définir les endroits les plus impactés avec des algorithmes d’analyse d’heures de trafic, de niveau, permettant ainsi de réagencer les quartiers, la circulation, l’emplacement des marchés pour par exemple moins les soumettre à la pollution et de nombreux autres usages.
Deux points fondamentaux sur ce projet innovant et ambitieux :
- C’est une vision qui est ici portée collaborativement et donc une anticipation d’interactions entre les citoyens et les politiques publiques. L’objectif est partagé entre les différents acteurs pour améliorer les interactions avec le numérique et l’humain pour être dans une réelle stratégie de ville intelligente ou ville durable (Smart city).
- Ce ne sont pas moins de 4 ODD phares qui sont mis en avant sur ce projet : ODD 9 industrie innovation et infrastructure, ODD 11 villes et communautés durables, ODD 16 paix, justice et institutions efficaces et surtout l’ODD 17 partenariat pour la réalisation pour les objectifs.
Avec la prise en compte et donc de conscience de l’ODD 17 nous sommes avec ce projet sur de nombreux indicateurs comme le 17.19 Construction d’indicateurs de développement durable : 17.19 : D’ici à 2030, tirer parti des initiatives existantes pour établir des indicateurs de progrès en matière de développement durable qui viendraient compléter le produit intérieur brut, et appuyer le renforcement des capacités statistiques des pays en développement.
Les sociétés sont bouleversées par les crises économiques et sanitaires, l’impact est réel, tant pour les pays industrialisés que ceux en voie de développement. De nombreux experts des civilisations ou de l’environnement évoquent régulièrement les défis auxquels nous allons de plus en plus être confrontés. Dans les solutions il me semble évident que savoir mieux fédérer les citoyens et donc nos sociétés est plus que jamais nécessaire. Il faut une vision commune, un monde durable bâti avec les états dans le cadre de cette troisième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies.
Thierry BARBAUT Directeur des écosystèmes innovants chez TACTIS
Article paru dans la revue CIO Mag