Aujourd’hui, en Afrique, les jeunes sont plus nombreux et plus instruits que jamais.
Ces jeunes représentent une grande opportunité, mais aussi des défis énormes que les pays africains doivent relever. La croissance économique soutenue de l’Afrique au cours de la dernière décennie s’est traduite par des emplois, mais qui ne sont pas assez nombreux, surtout pour les jeunes entrant sur le marché du travail.
Les travailleurs pauvres et la précarité de l’emploi demeurent une réalité pour une majorité de jeunes africains, surtout dans les pays les plus pauvres. Dans les pays qui sont plus avancés sur le chemin du développement économique, les taux des jeunes NEET augmentent, car le secteur informel fait face à une baisse de la demande de la part d’une classe moyenne qui préfère des produits de meilleure qualité, tandis que l’économie formelle encore restreinte évolue vers un équilibre se formant autour d’un niveau de compétences plus élevé, laissant de côté tous ceux qui n’ont pas les bonnes qualifications.
En Afrique, le problème de l’emploi des jeunes est surtout de nature structurelle, et appelle donc des solutions structurelles. Les initiatives visant spécifiquement à faire entrer dans la vie active une catégorie donnée de jeunes peuvent produire des effets positifs, mais elles ne suffiront pas à engendrer un changement de dynamique substantiel. Même si à court terme, l’environnement reste difficile, à long terme, les perspectives sont favorables, à condition que les pays d’Afrique parviennent à lever les obstacles auxquels se heurtent les jeunes.
Pour ce faire, les autorités doivent remédier aux goulets d’étranglement qui compriment la demande de travail, tout en aidant les jeunes à se doter des compétences nécessaires pour réussir sur un marché du travail rude.
L’analyse présentée dans ce chapitre a clairement montré que toute politique pour l’emploi des jeunes doit s’attacher à la création d’emplois dans le secteur privé et instaurer les conditions propices au développement des entreprises de toute taille, qui pourront alors augmenter leurs effectifs. Les freins qui entravent les entreprises évoluent avec leur taille et le niveau de revenu du pays. L’électricité constitue le principal problème pour toutes les entreprises.
Les grandes entreprises ont aussi tendance à souffrir du coût élevé du transport, qui érode leur compétitivité. De leur côté, les petites entreprises sont bridées par un accès insuffisant au financement et aux actifs fonciers. Le microcrédit peut remédier à une partie de ces problèmes, mais seulement dans le cas des très petites entreprises, et il ne peut pas financer l’expansion de ces entités. Dans les conditions actuelles, rares sont les petites entreprises qui parviennent à une taille moyenne.
La réglementation du travail, à laquelle on impute souvent la responsabilité des mauvais chiffres de l’emploi des jeunes, ne constitue pas un obstacle insurmontable dans les pays pauvres. En effet, bien qu’elle soit rigide sur le papier, elle est en fait peu appliquée dans la pratique. Toutefois, à mesure que les pays s’enrichissent et font appliquer les règles plus efficacement, cette réglementation du travail excessivement stricte peut devenir un sujet de préoccupation. Il convient donc d’adopter des réformes avant d’atteindre ce stade. La mise en place de systèmes de protection sociale liés à l’individu, quelle que soit sa situation vis-à-vis de l’emploi, pourrait alléger le fardeau imposé aux entreprises par les indemnités de départ.
Compte tenu de la taille restreinte du secteur formel dans la plupart des pays d’Afrique, les autorités doivent envisager le secteur informel et les zones rurales sous une nouvelle perspective et y promouvoir également la création d’emplois. Ensemble, ces secteurs totalisent la grande majorité de l’emploi des jeunes et renferment un potentiel exploitable non négligeable.
Les recherches montrent que parmi les nombreux microentrepreneurs du secteur informel, certains réalisent un retour sur investissement très substantiel et affichent des capacités entrepreneuriales prometteuses, mais bridées par de multiples freins. Si l’on repère ces jeunes entrepreneurs au fort potentiel, qu’on les aide et qu’on lève les obstacles auxquels ils se heurtent, surtout pour l’accès au financement, aux marchés et à l’assurance contre les risques, on leur donne les moyens de créer des emplois pour d’autres jeunes. Le passage dans le secteur formel doit être appuyé par des incitations et des informations, et non par des sanctions et la coercition.
Dans les zones rurales, les activités des entreprises familiales non agricoles progressent de manière notable ces dernières années, permettant aux ménages de diversifier leurs sources de revenu et aux jeunes de trouver des opportunités économiques. Les jeunes qui ont un emploi non agricole en milieu rural sont en moyenne mieux lotis que ceux qui travaillent dans l’agriculture. Aujourd’hui, dans toute l’Afrique, 53 % des jeunes vivant en zone rurale sont d’ores et déjà actifs en dehors de l’agriculture. Les entreprises familiales des zones rurales requièrent davantage d’aide. Elles ont des besoins similaires à ceux d’autres entreprises, mais nécessitent aussi de meilleures interactions avec les marchés et les centres urbains, ainsi que des compétences et une formation adaptées à l’environnement rural.
Si elles veulent doter les jeunes de compétences utiles et remédier au décalage entre les compétences et les besoins des entreprises, les autorités doivent pousser les jeunes à faire des études au-delà de l’école primaire et améliorer la qualité et la pertinence de l’enseignement. L’analyse développée dans ce chapitre montre qu’un meilleur niveau d’études s’accompagne d’un taux de chômage plus élevé, mais aussi d’une situation plus favorable vis-à-vis de l’emploi, d’une meilleure rémunération et d’un taux de chômage inférieur à l’âge adulte.
Le décalage entre les compétences et les besoins du marché est très répandu. Cette analyse montre également que les études offrent un rendement beaucoup plus significatif à partir du secondaire, ce qui justifie de poursuivre ses études au-delà du primaire. La longueur de la période de transition entre l’école et l’emploi pour de nombreux jeunes indique en effet que l’enseignement dispensé à ce niveau est trop général et n’inculque pas aux élèves les compétences pratiques requises dans les petites entreprises ou pour un emploi indépendant. Le DCTP peut constituer un outil important, surtout lorsqu’il est mis en œuvre en coopération avec les entreprises, mais joue un rôle minime pour le moment. Une proportion beaucoup plus élevée de jeunes passe par l’apprentissage informel.
Les autorités doivent trouver un moyen de reconnaître ces apprentissages et de les combiner à des études formelles. Au niveau universitaire, l’Afrique affiche une proportion de diplômés en lettres, sciences humaines et sciences sociales plus élevée que celle de toutes les autres régions, et le plus faible pourcentage d’ingénieurs. Comme dans les pays de l’OCDE, 2 % seulement des étudiants sont inscrits dans une filière agricole, alors que l’agriculture constitue incontestablement un avantage comparatif pour l’Afrique. Les études dans les domaines techniques coûtent cher et demandent un savoir rare. Les pouvoirs publics doivent donc coopérer avec le secteur privé pour offrir un enseignement technique de grande qualité, au niveau secondaire et supérieur.
Enfin, si l’on veut améliorer les programmes pour l’emploi des jeunes, il faut renforcer les évaluations et les systèmes d’information sur le marché du travail. En effet, les enquêtes sur la population active et les évaluations des programmes relatifs aux marchés du travail se caractérisent par une couverture très restreinte en Afrique par rapport à celles des autres régions. Les autorités et les concepteurs des programmes ne peuvent donc pas s’appuyer sur des données suffisamment étoffées, et de nombreux programmes sont inopérants.
Les pays et les donneurs doivent s’attacher à combler ce déficit.
Thierry B