Les rebelles, qui campent depuis mercredi aux portes de la capitale centrafricaine, rêvent de cueillir le pouvoir en douceur.
SUIVRE L’ACTUALITE EN DIRECT ICI
Cette opération de séduction tardive n’a pas soulevé l’enthousiasme. Bozizé a aussi tenté de rompre son isolement diplomatique et de trouver du soutien à l’étranger. «Nous demandons à nos cousins français et aux États-Unis d’Amérique, qui sont des grandes puissances, de nous aider à faire reculer les rebelles», a appelé le président. Washington a fait la sourde oreille. La France, dont l’ambassade a été la cible d’une manifestation «spontanée» de partisans du président mercredi, a repoussé cette option. Les 250 militaires français présents à l’aéroport de Bangui n’ont pas pour mission de «protéger un régime», a expliqué le président François Hollande. Les Bérets rouges du RPIMa se contenteront de rassurer les 1 200 Français présents en Centrafrique ainsi que les Européens.
Le parfum de la victoire
Les pays voisins d’Afrique centrale ne se sont pas non plus pressés au secours de Bozizé. «L’immobilisme du chef de l’État a lassé la patience de ses pairs», explique Roland Marchal, professeur au CNRS. Une réunion d’une délégation de pays de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) avec des représentants du pouvoir et de l’opposition devait se tenir jeudi à Bangui. Elle devait définir l’ordre du jour des négociations censées s’ouvrir le 10 janvier à Libreville. «Toute la stratégie du Séléka était de gagner un maximum de terrain pour arriver en position de force à ces négociations», indique Thierry Vircoulon, chercheur à l’International Crisis Group (ICG). Conséquence, selon un acteur proche du dossier, l’ordre du jour «devrait se fixer sur les conditions d’un départ de Bozizé».
Cette tentative de trouver une sortie de crise sans heurts est loin d’être encore une réalité. François Bozizé, d’un caractère brusque, peut s’enliser dans une politique du pire. Le Tchad, puissance tutélaire, influence le cours des choses. Parrain de François Bozizé, qu’il a aidé à prendre le pouvoir en mars 2003 puis soutenu en 2010, le président Idriss Déby reste muet. Sauvera-t-il une fois de plus son voisin? La chose n’est pas certaine.
Les relations entre N’Djamena et Bangui se sont considérablement dégradées ces dernières années. Ainsi, les 100 hommes des troupes d’élite tchadiennes qui assuraient la sécurité rapprochée de François Bozizé depuis 2003 ont été rappelés il y a deux mois. Et la force d’interposition déployée par N’Djamena il y a deux semaines en Centrafrique reste curieusement peu active. Basé à Sibut, le corps expéditionnaire tchadien s’est laissé contourner par les hommes de Séléka sans réagir.
La dernière inconnue tient à la rébellion elle-même. «Il faut faire attention. Le Séléka n’est pas composé non plus d’enfants de chœur, et cette guerre n’oppose pas des bons et des méchants», prévient Roland Marchal. S’il se montre relativement discipliné et organisé sur le terrain, les composantes du Séléka n’ont pas de programme commun. Son union tient sur la seule opposition farouche au régime auquel il reproche «sa corruption», «son népotisme» et «son clientélisme». Son leader, Michel Am Nondokro Djotodia, un ancien fonctionnaire de 63 ans, au long passé de rebelle, n’a donc qu’une emprise relative sur ses troupes. Le parfum de la victoire pourrait réveiller des ambitions enthousiastes, difficiles à faire taire.
Thierry Barbaut