L’opération commando menée par la Françe en Somalie, dans la nuit de vendredi à samedi 12 janvier, a tourné a la guérilla. L’otage Denis Allex, entre les mains de ses geôliers depuis juillet 2009, serait mort selon le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, qui souligne que 17 combattants shebabs ont été tués ce samedi.
Mises à jour:
Jeudi 17 Janvier 2013:
Les chebab somaliens annoncent sur leur compte twitter avoir exécuté leur otage français Denis Allex hier en fin d’après-midi…
Les insurgés islamistes somaliens Shebab ont déclaré mercredi 16 janvier dans un communiqué avoir « décidé unanimement d’exécuter » l’otage français Denis Allex, qu’ils détiennent en Somalie depuis 2009, et que Paris considère comme mort depuis l’échec samedi d’une opération de sauvetage.
« Il a été condamné et ce verdict ne sera pas modifié, pour les shebab cet homme doit mourir », a déclaré sans autre détail de son côté un responsable shebab interrogé par l’AFP au téléphone depuis Nairobi.
Le chef d’état-major des armées Edouard Guillaud a accusé les insurgés islamistes somaliens shebab de pratiquer la « manipulation médiatique » en annonçant leur décision d’exécuter l’otage français Denis Allex, vraisemblablement mort depuis cinq jours.
« Nous soupçonnons, et nous n’avons, je crois, pas tort de le faire, les shebab somaliens de pratiquer de la manipulation médiatique, nous n’avons aucun élément depuis le raid de vendredi soir sur le fait que Denis Allex soit vivant, nous pensons qu’il est vraisemblablement mort« , a déclaré mercredi l’amiral Guillaud sur Europe 1.
Les insurgés islamistes somaliens shebab ont publié sur leur compte Twitter une photo du cadavre d’un Blanc, présenté comme le chef du commando ayant échoué à libérer samedi l’otage français Denis Allex.
Plus de trois jours après les faits, ce «ratage» interpelle les spécialistes de ce type d’opération clandestine. S’il est avéré que les cinq hélicoptères transportant la cinquantaine d’hommes du Service action de la DGSE et d’autres régiments spécialisés se sont bien posés à 3 kilomètres de la cible, comme l’ont indiqué des habitants de Bulo Marer, le choix d’un tel héliportage suscite des interrogations.
La déterminantion des chebab
«Ou bien on se pose à 20 ou 30 km de l’objectif la veille, et on fait ensuite une infiltration longue et silencieuse jusqu’à l’objectif, explique un ancien membre des forces spéciales. Ou alors, on fait un assaut sur l’objectif. Quand les hélicoptères se posent, nos ennemis se retrouvent avec les gars du Service action sur leurs têtes.»
Ce modus operandi permit l’élimination d’Oussama Ben Laden en mai 2011 au Pakistan par les forces spéciales américaines. «Mais se faire larguer à 3 kilomètres, c’est à la fois trop loin et pas assez loin de la cible», ajoute notre source. «À mode découvert, il faut déjà quinze minutes pour les parcourir, alors vous pensez avec 40 kg d’équipements sur le dos, il faut compter au moins le double», selon l’ancien militaire.
Pour ce type d’opération, chaque membre du commando dispose en plus de son armement de caméras thermiques et d’obus de nuit. Des habitants de Bulo Marer ont raconté avoir vu débarquer les commandos dans les champs, avant d’en informer les miliciens d’al-Chebab qui se sont préparés à affronter les militaires français. Au ministère de la Défense, on refuse de livrer le moindre détail opérationnel. «Ça a raté non pas en raison d’un manque de préparation, mais plutôt d’un manque de chance», souligne un porte-parole, qui insiste sur «l’extrême détermination» des chebab et «la violence inouïe» des combats qui les ont opposés aux Français.
Selon nos informations, six autres membres du commando auraient été blessés, et seraient actuellement soignés à Djibouti. Depuis plusieurs mois, l’option de l’assaut était à l’étude à la DGSE, qui avait acquis la certitude que l’otage était vivant. Mais, pour l’entreprendre, il fallait être absolument sûr de la localisation de Denis Allex, ce qui fut fait au cours des derniers mois. Mais, en interne, certains critiquaient la lenteur dans la gestion de cette crise.
Lundi 14 Janvier 2013: Les miliciens islamistes d’Al Chabaab ont annoncé ce matin la mort du membre du commando de la DGSE blessé pendant la tentative de libération d’un otage français détenu en Somalie depuis trois ans, dont le sort est en revanche toujours incertain.
Un soldat avait été tué pendant l’opération aéroportée menée par la Direction générale de la sécurité extérieure dans la nuit de vendredi à samedi. Le second, blessé, était porté disparu. « Le deuxième commando a succombé à ses blessures par balles. Nous allons montrer les corps des deux Français », a déclaré au téléphone à Reuters le porte-parole des opérations militaires d’Al Chabaab, Cheikh Abdiasis Abou Mousab.
Les Etats-Unis sont intervenu:
Le commando de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) n’a pas réussi à récupérer le ressortissant français lors de cette opération d’exfiltration. Ce dernier a peut-être été tué par ses ravisseurs tandis qu’un soldat français engagé dans l’intervention aurait trouvé la mort.
Présenté par les insurgés islamistes somaliens shebabs comme blessé et capturé lors du raid, il serait décédé de ses blessures, a affirmé ce lundi 14 janvier un porte-parole militaire des rebelles.
Le ministère français de la Défense a précisé que dix-sept militants somaliens ont été tués dans les combats. « Un appareil de combat américain a brièvement pénétré dans l’espace aérien somalien pour soutenir l’opération de sauvetage. Cet appareil n’a pas fait usage d’armes au cours de l’opération », précise le courrier du président américain adressé aux parlementaires.
Cette lettre entre dans le cadre des dispositions de la War Powers Resolution qui impose au chef de l’Etat américain de tenir informés dans un délai de 48 heures les élus de toute action militaire menée sans autorisation préalable du Congrès. Barack Obama précise que les troupes américaines concernées « n’ont pas pris une part directe à l’assaut des bâtiments dans lesquels l’otage français était censé être détenu ».
Aucune source indépendante n’a pu confirmer si Denis Allex était mort comme l’affirment les Français, ou vivant et bientôt jugé comme le déclare le mouvement shebab dans un communiqué.
L’incertitude règne également concernant le soldat français porté disparu après l’opération. Le mouvement shebab affirme l’avoir fait prisonnier, ce qui rendrait l’issue de cette opération encore plus problématique.
Depuis la prise d’otage des deux agents de la DGSE le 14 juillet 2009, la présence des renseignements français à Mogadiscio s’est considérablement renforcée.
Ils sont principalement basés dans la zone de l’aéroport, bien visibles dans l’enceinte de Bankroft, société américaine contractée par l’Amisom, et plus discrets dans d’autres bases militaires de la capitale.
Après la diffusion de la vidéo en octobre dernier où Denis Allex lançait un appel à François Hollande, les contacts auraient, selon plusieurs sources, repris après avoir été interrompus pendant de nombreux mois.
Les intermédiaires érythréens auxquels la DGSE avait fait appel n’étaient en effet pas parvenus, après plusieurs contacts, à le faire libérer.
Selon un des témoins, les insurgés islamistes ont été prévenus par des habitants de l’atterrissage de plusieurs hélicoptères d’assaut à trois kilomètres environ de Bulomarer. « Des gens ont vu [les commandos français] débarquer dans des champs, les chebaabs ont été informés que des hélicoptères avaient atterri et qu’ils avaient débarqué des soldats, et ainsi ils [les islamistes] ont pu se préparer ». Un commandant local islamiste a confirmé avoir été prévenu de l’arrivée des soldats français, sans préciser comment.
Jean-Yves Le Drian, a reconnu samedi que la résistance avait été « plus forte que prévu » pour les commandos français qui étaient, selon une source dans les milieux du renseignement français, une cinquantaine à avoir éte amenés dans le sud somalien à bord d’au moins cinq hélicoptères.
Au moins huit civils somaliens ont été tués samedi au cours du raid français affirment des habitants de Bulomarer, où l’otage était réputé être détenu. Quatre de ces civils ont été tués lors de la progression au sol des commandos français vers la localité. Quatre autres civils sont morts dans les combats qui ont suivi entre ces commandos et les insurgés islamistes, ont rapporté ces témoins, interrogés par téléphone depuis Mogadiscio.
« Quatre civils, dont trois d’une même famille, sont morts. Ils ont été tués hors de Bulomarer, là où les commandos français ont atterri avant d’entrer dans cette ville », a affirmé un habitant. « Nous ne savons pas pourquoi ces civils ont été tués » hors de Bulomarer, a indiqué pour sa part un notable local, ajoutant que leurs corps ont été retrouvés près d’un lieu appelé Dhaydog. « Quatre autres civils ont également été pris dans les échanges de tirs et sont morts dans la localité de Bulomarer », a ajouté cet habitant.
Plusieurs habitants expriment leur colère au lendemain du raid français. « Ils ont tué des civils innocents et ils sont repartis sans avoir rien obtenu, les gens ici sont très déçus du gouvernement français en raison de ces victimes civiles », a déclaré un autre habitant de Bulomarer. « Ces gens (les commandos français) étaient fous », a estimé un employé somalien d’une agence humanitaire locale, s’exprimant sous couvert d’anonymat. « On nous dit qu’ils étaient environ une quarantaine face à plus de cent combattants shebab lourdement armés. Leur mission était impossible et très peu professionnelle », ajoute-t-il.
Thierry Barbaut
Avec RFI