Directeur au sein du groupe bancaire sud-africain, en charge de la banque d’affaire pour la zone Afrique de l’Ouest, Greg Goeller commente le projet récemment annoncé, d’expansion de Standard Bank Group sur Afrique francophone, une zone qui selon la banque, bénéficie de fondamentaux solides et de perspectives importantes de croissance.
Info Afrique : Le groupe Standard Bank a récemment annoncé son projet d’expansion sur l’Afrique francophone, quelle est pour vous la valeur de ce marché, pourquoi seulement maintenant ?
Greg Goeller : L’ambitieux Plan national de développement (PND) de la Côte d’Ivoire a pour objectif de la transformer en un marché global et émergent en 2020. Le gouvernement prévoit d’investir jusqu’à 20 milliards $ dans des projets d’infrastructure et de développement à court et à moyen terme. Les autorités ont récemment obtenu un engagement de 8,6 milliards de dollars dans des engagements multi et bilatéraux pour financer ce niveau d’investissement
Les données collectées par Standard Bank indiquent que cette intensification des investissements publics et les premières étapes vers une plus grande diversification de la production avec une attention accrue sur l’exploitation minière, pétrolière et gazière et de l’agroindustrie, ainsi qu’un regain d’activités dans le secteur privé, devraient assurer un taux de croissance robuste de 7,6% en 2014. La dynamique et l’engagement du secteur privé dans le processus de développement et la capacité du gouvernement à exécuter ses programmes de transformation prioritaires, sont des facteurs limitant de risque. La croissance devrait rester vigoureuse entre 2014 et 2016, et les investisseurs répondent positivement à des perspectives de stabilité politique plus longue.
A.E : Vous envisagez de débuter votre expansion en Afrique francophone par la Côte d’Ivoire, pourquoi ce pays, quelles sont les opportunités qui en font votre cible initiale, pour en faire le hub de vos activités dans cette partie du continent ?
G.G : Nous avons près de 145 clients ayant des activités en Afrique francophone dans des secteurs aussi variés que les mines, l’agriculture, le pétrole et le gaz, l’énergie et la grande distribution. Sur cette base, notre directeur général, Sim Tshambalala estime que l’investissement conséquent explique l’intérêt pour l’Afrique de l’Ouest et pour la Côte d’Ivoire, elle est membre de l’UEMOA, qui comprend aussi le Togo, le Sénégal, le Benin, le Burkina-Faso, le Niger, le Mali, et la Guinée Conakry.
Pour ma part, la région possède tous les ingrédients pour tirer profit du prochain boom minier et infrastructurel, ce qui, à son tour, devrait conduire à la croissance économique dans d’autres secteurs. Nos clients se ruent sur les zones francophones d’Afrique de l’Ouest et nous avons l’intention de les y accompagner. D’un autre côté, l’économie ivoirienne contribue à 40 % du produit intérieure brut de l’UEMOA. Elle est la 9ème économie d’Afrique subsaharienne et la plus diversifiée de la sous-région.
A.E : Quel est l’agenda de votre expansion, combien de pays comptez-vous pénétrer, à quelle échéance?
G.G : En plus des pays qui sont membres de l’UEMOA, Standard Bank envisage aussi de pouvoir s’implanter en Afrique centrale, où on retrouve le Cameroun, le Tchad, la République du Congo, le Gabon et la Guinée équatoriale. Il faut noter que ces deux sous-régions représentent un marché cumulé de 148 millions d’habitants, et un Produit Intérieur Brut global de 168 milliards $. Ces pays pris individuellement, présentent un avantage lié au fait que leurs réserves de change communes, près de 50 milliards $ sont gérées par le trésor public de France et que la monnaie commune (FCFA Ndlr), utilisée dans les deux sous-régions, est rattachée à l’euro. Standard Bank estime aussi que la Sierra Leone et la Guinée Conakry sont des marchés essentiels, même s’ils n’appartiennent pas aux deux communautés monétaires, et nous y avons des intérêts et des investissements.
A.E : Un défi sera de faire face à la concurrence des banques françaises bien implantées dans les pays de ces sous-régions, est-ce que cela fait l’objet d’une quelconque préoccupation ?
G.G : Nous entretenons déjà des relations avec des banques françaises en Afrique francophone, comme dans d’autres pays et zones du continent. Notre intention est de poursuivre avec ces relations, et même dans certains cas, nouer des partenariats.
A.E : Un autre défi sera de faire face à un environnement réglementaire des banques dans les pays francophones, qui sur certains points, présente des différences avec les règles en vigueur dans les pays africains de tradition anglo-saxonne. Est-ce que cela fait l’objet de réflexion de votre part ?
G.G : Oui c’est le cas ! Cela fait partie des considérations importantes prises en compte dans chaque pays ou région, où Standard Bank veut s’implanter. Nous avons une expérience historique des services bancaires dans certains des pays de l’UEMOA et de la CEMAC et par conséquent, nous ne sommes pas complètement ignorants des cadres règlementaires qui y sont en vigueur et aussi des dispositions relatives aux contrôles de change. Toutefois, la question de la règlementation sera au centre des préoccupations de nos prochaines représentations dans ces pays-là.
A.E : Dans le communiqué qui annonce votre projet d’expansion, il est dit, que Standard Bank vise un rôle majeur, jamais joué en Afrique francophone. A quoi faites-vous référence au renforcement des marchés financiers ou à une plus grande implication dans le financement des infrastructures via des partenariats public-privés par exemple?
G.G : Il faut dire que les investissements directs étrangers (IDE) en Afrique francophone ont jusqu’ici, été largement liés à l’exploitation minière et des ressources naturelles, le secteur représentant 83,9% de la valeur totale des transactions réalisées au Gabon, en Côte-d’Ivoire, au Cameroun, en Guinée, au Sénégal, en Sierra Leone et en République du Congo entre 2008 et 2012. Cependant, on note que cela est en train de changer au fil du temps. Standard Bank estime aujourd’hui que d’autres secteurs, tels que ceux du pétrole, du gaz, des infrastructures, des télécommunications, de la grande consommation en pleine évolution, ainsi que l’agriculture, attireront de plus en plus les investisseurs étrangers, à mesure que les pays de l’UEMOA continueront de se développer.
A.E : Dans quel état d’esprit abordez-vous cette nouvelle aventure en Afrique francophone ?
G.G : Les entreprises sud-africaines et d’autres pays européens, mis à part la France, ont rarement joué un rôle déterminant en Afrique francophone. Nous pensons qu’on ne peut pas continuer d’ignorer le potentiel de croissance que présentent ces pays. L’histoire de l’Afrique francophone est celle de la redécouverte des richesses minières, après des années d’instabilités politiques et de conflits. La Côte d’Ivoire est l’exemple parfait de la manière dont le potentiel de croissance économique peut positivement impacter la dynamique de changement.
Propos recueillis par Idriss Linge