Une visite historique de l’état Français en Algérie
En dépit de la déclaration de l’ancien ambassadeur français Hubert Colin de Verdière en 2005 qualifiant les massacres de civils à Sétif, Guelma et Kherrata de « tragédie inexcusable », et de quelques mots de François Hollande lors d’une visite d’Etat en 2012, aucun officiel français n’avait jusqu’alors fait le déplacement pour un hommage.
La visite de deux jours en Algérie de Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d’Etat aux anciens combattants, s’inscrit donc, à quelques jours du soixante-dixième anniversaire des faits, dans une démarche inédite de reconnaissance.
La visite anticipée en raison des commémorations qui se dérouleront en France pour les 70 ans de l’Armistice de la Deuxième Guerre Mondiale a donc eu lieu en marge des commémorations nationales algériennes. Elle a débuté dimanche 19 avril 2015 par un passage à Sétif et le dépôt d’une gerbe de fleurs devant le mausolée de Saal Bouzid, première victime algérienne des événements qui débutèrent le 8 mai 1945 au cours d’un défilé du Parti Populaire Algérien (PPA).
Sétif, Guelma, Kherrata
Le 8 mai 1945, à Sétif, ville du Nord-Est de l’Algérie, un millier de partisans du PPA descend dans la rue lors d’un défilé autorisé par l’administration française. Au décours de cette marche, les manifestants affichent des velléités indépendantistes en brandissant le drapeau algérien et clamant des slogans en faveur de la décolonisation. Ces manifestations sont réprimées par des tirs de policiers français tuant un jeune scout musulman porteur du drapeau, Saal Bouzid.
Le 8 mai et les jours qui suivirent la mort du jeune homme, les slogans dégénèrent en émeutes et exactions à l’encontre des colons (assassinats, viols et mutilations) et firent 103 morts parmi les ressortissants européens dont le maire de Sétif.
Le Général de Gaulle ordonne pour endiguer ces émeutes et sanctionner les responsables des crimes, l’intervention de l’armée à partir du 11 mai. S’en suivent des répressions brutales contre les populations civiles algériennes de la part de miliciens et de l’armée française. Les militaires français auront entre autres recours aux canons et à l’aviation jusqu’au 22 mai.
Les chiffres du nombre de victimes sont toujours un sujet de controverse. Ils varient de 1.500 admis à l’époque des faits par l’administration française qui se basait sur les cartes de rationnement (et leur utilisation après les faits) à 45.000 victimes pour l’Algérie, qui à ce jour, conserve ce chiffre comme officiel. Les historiens quant à eux estiment le nombre de tués entre 5.000 et 15.000 et 340 villages détruits. Certains d’entre eux considèrent que ces dix jours sanglants ont constitué l’impossibilité d’une conciliation et d’une résolution pacifique entre les Algériens et la France colonisatrice et représente le préambule de la guerre de 1954-1962.
Un séjour au-delà de Sétif
Le secrétaire d’Etat a prolongé son voyage par différents hommages aux soldats ayant combattu dans les armées françaises. Il s’est ainsi rendu au cimetière de Mers-el-Kébir près d’ Oran, où sont enterrés un milliers de marins français qui perdirent la vie sous les bombardements britanniques du port militaire en 1940. Il a poursuivi son séjour, lundi 20 avril, à Alger par le dépôt d’une gerbe de fleurs au cimetière chrétien et juif de Bologhine en présence d’anciens combattants, de représentants des autorités locales et d’une délégation de l’Ambassade de France puis un passage au Lycée français. Cette visite en Algérie s’est achevée à l’Ambassade de France par la remise de la Légion d’honneur à six anciens combattants.
Une visite qui a été jugée par un membre de la classe politique algérienne comme un premier pas dans l’espoir d’une restitution commune de l’histoire franco-algérienne basée sur des recherches conjointes d’historiens des deux pays.
Les Algériens commémoreront, pour leur part, ces semaines macabres au mois de mai notamment par l’organisation de colloques d’historiens nationaux et internationaux.
Adrien Deguil, Alger pour Info Afrique