Carnet de voyage: Congo, Smartphones, infrastructures et… Importations

C’est dans un « nganda » de Nkayi, dans la région du Niari que je vois pour la première fois le Smartphone « Made in Congo »

Thierry Barbaut, rédacteur en chef d’Info Afrique en direct de la « république » du Congo
J’ai beau être considéré comme Afro Optimiste la je me confronte a une dure réalité en revenant au Congo 10 ans après ma dernière visite. Alors que le Rwanda, le Kenya ou la Côte d’Ivoire affichent une croissance digne des plus grandes économies mondiales, le Congo régresse.

cahrgementDirection la brousse. Après 220 kilomètres entre Pointe Noire, Mvouti et Dolisie j’arrive à Nkayi ou il y a 10 ans les gens du train m’avaient conseillé de descendre à cause des rebelles du Pool de Brazza.

Je suis couvert de poussière, ma moto « Djakarta » tient le coup mais quelques vis, surement inutiles » sont restés sur la piste.

La serveuse nonchalante, le regard au loin, me propose le saka saka riz, poulet ou bar braisé comme quasiment partout au Congo et avec la bière Ngok bien sur… Je choisi le poulet et de la vont s’enchainer une à une les circonstances qui me font évoquer le titre de cet article.

 

Depuis 10 ans je n’étais pas venu au Congo et c’est la première fois (hormis la Somalie et Madagascar en 2010) que je constate une telle régression.

Les infrastructures, les voitures, l’eau et l’électricité font défaut comme jamais. Les Congolais ne roulent plus qu’en taxi ou en « cent cent » les bus ultra bondé qui prennent 100 CFA la course. Plus personne n’a les moyens d’entretenir une voiture, d’ailleurs il n’y a quasiment pas de concession ou de pièces de rechanges et les taxes douanières sont tellement élevées que c’est a fuir.

Thierry Barbaut évoque le Congo
I24News VIDEO

Infrastructures et entretiens ?…

accident-2Il y a bien la nouvelle route de Brazzaville à Pointe Noire, 50% de bitume et 50% d’une des pire piste Africaine. Néanmoins une partie du tronçon est en cours d’achèvement et si vous payez cher aux Chinois et au Congolais qui forment ici une vrai équipe mafieuse vous pourrez faire passer votre camion ou épave et ainsi éviter de laisser quelques pans de votre carrosserie sur la piste.

Quand au reste de la route de meilleure qualité vous y croiserez de terribles accidents, des containers tombés d’un camion dont les portes sont restés ouvertes et les contenus pillés il y a plusieurs mois. Des bus ayant pris feu et des crevasses capables d’engloutir une berline sans difficultés. Une route construite donc a moitié mais dont l’entretien ou la finition est inexistante ce qui augure un très mauvais signe pour les prochaines années. Je pense même que quand elle sera achevée la partie neuve sera détruite… Bon voyage.

Pensez aussi à faire des réserves de carburant, les pénuries sont fréquentes et les stations sont des simples bidons sur les routes.

station-essence

A Brazzaville comme à Pointe Noire, qui représentent les deux plus grandes villes du pays, les « délestages » sont si fréquents que vous serez plus en panne de courant que connecté ! Ne comptez pas sur les groupes électrogènes souvent en panne de pièces… L’eau arrive quand a elle de temps en temps, parfois couleur terre, parfois plus claire.

Les enfants travaillent tous au Congo et je verrais lors de mes 1 500 kilomètres en brousses des dizaines de « briqueteries » ou les enfants parfois de 5 ans triment de 5 heures du matin à 18h le soir… Le tout dans des conditions indignes.

briquetteurs

Pour ce qui est de l’Internet, miracle, le Congo dispose du top: la fibre optique !

Hélas celle ci n’est pas raccordée et vous n’aurez que les cybers pour vous connecter ou la connexion justement est digne de la pire que nous avions en France en 1994. Bon courage pour afficher une simple page et ne comptez pas charger des dossiers.
La aussi nous nous retrouvons en 2000 ou il fallait des heures pour imprimer un courrier ou une feuille envoyé par un collègue d’un pays éloigné. Désabusés, les Congolais utilisent très peu Internet, c’est d’ailleurs la première fois que des gens me disent qu’ils n’ont pas d’adresses email !

salete-.koufolijJe suis souvent interrogé par les TV internationales sur le numérique en Afrique. Alors que le Rwanda est au top de la connexion avec la fibre même en brousse et un débit puissant, que le Cameroun, le Kenya, le Sénégal et en moyenne deux tiers des pays d’Afrique affichent du haut débit le Congo lui est terriblement à la traine. Pas de connexion mais aussi pas de dématérialisation, pas de sites internet, pas d’informatique. Quelques initiatives voient le jour mais elle sont souvent isolées et sans développement. Dans tous les cas les Congolais en sont au balbutiement du Web 2.0 et c’est économiquement dramatique pour le développement du pays et en particulier l’information et l’éducation.

Revenons à Nkayi

Quand le poulet arrive je rêve, une grosse cuisse arrive, comme seul certains élevages en pleine nature peuvent permettre ou alors ce sont des élevages en batterie de la pire qualité… Méfiance ?

Les poulets Africains sont communément appelés poulets « bicyclette » et sont maigres et délicieux. Alors je questionne et aucune réponse ne vient. C’est le lendemain matin sur le marché de Nkayi que la réponse arrive, sous les stands sont stockés des cartons « made in Europe » remplis de cuisse de poulets. Des poulets d’élevages intensifs bourrés d’hormones et d’antibiotiques envoyés en masses en Afrique car ils ne passeraient pas nos contrôles sanitaires… Je prendrais le bar braisé la prochaines fois.
Après mure réflexion et voyant les fameux poulets bicyclettes dans les caniveaux en train de picorer entre plastique et déchets je m’abstiendrais tout court… Pas de poulets tout court. Un Congolais m’expliquera que quelques ONG révélèrent que de graves problèmes hormonaux sont observés chez les jeunes suite à la consommation de ces produits de mauvaise qualité.
Le Congo importe pour 2 milliards d’Euros par ans de produits divers et exporte 9 milliards d’Euros dont 95% de pétrole. Ce qui n’empêche pas les station d’être régulièrement en « rupture » de carburants !

Le Smartphone Elikia, premier téléphone « made in Congo »

C’est justement la « maman » du marché de Nkayi qui importe et vends les poulet qui fièrement me montre son téléphone. Alors que seulement 12% de la population d’Afrique dispose d’un Smartphone elle fait partie justement de ces 12% avec son Elikia, modèle assemblé à Brazzaville et distribué au Congo et a certain pays limitrophe comme le Cameroun.

Le modèle fonctionne bien et coute 100 euros. Il permets de charger des applications et fonctionne sous le système Android. Armé de son GPS et de son appareil photo c’est une petite révolution. Une aide de l’état à permis à Vérone Mankou le directeur de la société VMK de relocaliser son modéle de la Chine au Congo. Un marché très porteur puisque l’Afrique compte plus de 700 millions de mobile, plus qu’en Europe ou aux Etats Unis.

Politiquement correct

Si de l’éxtérieur tout semble aller bien

Les ponténegrins, Brazzavillois et Congolais en général attendent le mot du président, la constitution devrait être « remaniée » afin de permettre au président Denis Sassou N’Guesso de se présenter pour les troisième fois, la deuxième consécutive en fait. Quelle va être l’évolution de la situation de la politique au Congo, le pays va t’il régresser encore ou suivre l’élan de développement fièrement afficher par les voisins ? De nombreuses questions auxquelles nous allons rapidement pouvoir vous en dire plus.
En attendant la fête nationale du 15 Aout vient de se terminer dans un calme inquiétant.

Thierry Barbaut

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.