La Côte d’Ivoire a démarré l’année 2017 avec une mutinerie dans les rangs de l’armée, à Bouaké (deuxième ville du pays, au Centre) du 3 au 6 janvier.
Motif : revendication de primes dues après la crise militaro politique. Ils s’en sortent bien très bien, pourrait-on dire, avec, pour chacun, une villa et la bagatelle de 12 millions ! Plus que ce qu’aurait rêvé un Maître de conférences !
Une fortune, pour un médecin de la Fonction publique. Un véritable trésor, en aurait dit un professeur certifié, un Dg de l’administration, etc.
Qui sont ces militaires récalcitrants ? Rien d’autres que les ex-rebelles du Nord du pays. On sait qu’ils ont contribué à porter Alassane Ouattara au pouvoir. Peut-on en réalité les appeler ex-rebelles ?
Finit-on d’être rebelles quand on a vu ce que rapporte dans la poche, un fusil qu’on braque sur l’Etat ?
Ils se sont fait appeler, au départ, Forces nouvelles (Fn) de 2002 à 2006. Puis, les Fn sont devenues les ex-rebelles (sous la primature de Charles Konan Banny, 2006-2007) ; ces derniers ont été convertis en Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci), en 2011, par Alassane Ouattara, alors président contesté par Laurent Gbagbo ; enfin, en Forces armées de Côte d’Ivoire (FACI), appellation pas très éloignée de l’ancienne, FANCI, nom originel de l’armée de Côte d’Ivoire. Dans la forme aussi bien que dans le fond, Fn, ex-rebelle, Frci et Faci recouvrent la même réalité : ce sont les bandes et troupes armées qui ont agressé l’Etat de Côte d’Ivoire en septembre 2002 ; et qui ont plombé le régime de Laurent Gbagbo pendant huit années. Ces troupes ont, évidemment, remis ça, sous le Président Alassane Ouattara.
On dit que c’est grâce aux efforts du Lieutenant-Colonel Ouattara Issiaka dit Wattao et certains de ses compagnons, que cette mutinerie a pu trouver un dénouement heureux. Wattao (de Ouattara), c’est un homme bien connu du sérail pour avoir été l’un des hommes forts de la rébellion.
Notons que le gouvernement ne s’est pas arrêté aux paiements des primes. Il a aussi fait des « réglages » au sein de cette armée, après les heures chaudes de la mutinerie. Une victime de taille : le Chef d’état-major des armées, le Général Soumaïla Bakayoko, remplacé par Touré Sékou (lui n’a rien à voir avec la rébellion). Tous les deux sont originaires du nord. Ainsi, Wattao, après avoir contribué au rétablissement de la paix entre mutins et gouvernement, se voit récompensé : il est le nouveau commandant de la Garde Républicaine.
Avec lui, plusieurs frères d’armes, des ex-commandants de zones de la rébellion. Koné Zakaria, Touré Hervé dit Vetcho, Fofié Kouakou Martin, Morou Ouattara, Cherif Ousmane et Fofana Losseni dit Loss étaient tous des chefs des Forces armées des forces nouvelles (FAFN). Aujourd’hui, tous ces chefs des FAFN sont à la tête des corps d’armée ou des commandants en second. Après avoir contrôlé les zones Nord, Centre et Ouest pendant les années de gloire de la rébellion. Quel sens donner alors à ces nominations ?
Depuis le déclenchement de la crise militaro politique en Côte d’Ivoire, des Ivoiriens ont toujours suspecté l’actuel Chef de l’Etat d’être à l’origine de la rébellion. Mais jamais une preuve concrète n’a été apportée à cette accusation que même Laurent Gbagbo n’a pu lui porter franchement ; pas même au cours de l’historique face à face télévisé, avec Alassane, dans le cadre du second tour de la présidentielle de 2010. Alassane Ouattara, véritable père de la rébellion ? Si cette interrogation est restée au stade de la suspicion, de plus en plus d’actes posés par le Chef de l’Etat sont en train de convaincre plus d’un, si ce n’est déjà fait, de ses accointances avec la rébellion.
On peut le dire, ces nominations, qui font une très belle part aux Chefs de la rébellion, ressemblent plus à une reconnaissance de la rébellion par le Chef de l’Etat qu’à un souci d’éteindre une mutinerie.
De nombreux Ivoiriens ont relevé le caractère tribal de ces nominations qui font part belle aux gens du nord. Sur les réseaux sociaux, les uns et les autres ont exprimé qui, leurs satisfactions, qui, leurs déceptions et peurs à voir toute une armée supposée nationale, aux mains de gens originaires d’une tribu.
On peut observer que non seulement c’est une constante dans la politique d’Alassane Ouattara, mais c’est aussi, au-delà de la peur que peut inspirer cette nordité qui est pire que l’ivoirité qui se voulait au moins nationaliste, l’expression de la fébrilité qui habite ce régime et son chef. Car Ouattara, paraît-il, a perdu le soutien militaire de la France. En tout cas, il revient, de manière crédible, que François Hollande n’a pas l’intention d’engager des troupes française dans un conflit armé ivoirien.
Que reste-t-il donc à faire, au chef d’Etat ivoirien ? Rien d’autre que le recours aux siens, pour sa sécurité. Et les siens du Président Alassane Ouattara, ce n’est pas la Côte d’Ivoire des 61 ethnies, c’est la Côte d’Ivoire du Nord. Sa tribu.