S’il y a une sélection qui était attendue à cette phase finale de la CAN du Gabon, c’est bien celle des Éléphants de Côte d’Ivoire
Pour trois raisons principales : elle a une longue et respectable tradition de la Can depuis l’époque des légendaires Eustache Manglé, Laurent Pokou, Kallet Bialy, jusqu’à celle, récente des Serge Aurier, Max Gradel, en passant par la génération de Gadji Céli, Ben Badi et celle d’Arouna Dindané, Baky et autres, Yaya Touré, marquée et conduite par Didier Drogba.
La deuxième raison est la présence de cette équipe dans le football mondial : les Eléphants sont crédités de trois expéditions de Mondial (2006, 2010, 2014) qui en ont ajouté à leur gloire. Enfin, c’est l’équipe détentrice du trophée (deux fois vainqueur de de la Can – 1992 et 2013).
Voilà donc, sur la carte de visite, le poids dont pèse l’équipe de Côte d’Ivoire. Tous les spécialistes s’accordaient sur le fait qu’elle défendrait fièrement et crânement son titre acquis de haute lutte en 2015 en Guinée Equatoriale face aux Black Stars du Ghana, aux termes de tirs au but, tout aussi historiques que ceux de 1992, à Dakar, qui ont vu le sacre des « pachydermes » de Côte d’Ivoire.
Hervé Renard, cet autre vrai sorcier blanc
Mais voilà, les choses se sont plutôt mal passées pour la sélection ivoirienne : deux matchs nuls et une défaite, sur un total de 3 rencontres. L’analyse technique des matchs donne une équipe en déficit d’inspiration et de leader. En réalité, aucun joueur de cette sélection ne peut faire la décision au cours d’une rencontre. C’était peu, sinon trop insuffisant pour contrarier les héritiers de Faras conduits par un entraîneur des plus géniaux, et qui fait le bonheur des sélections qu’il encadre : Hervé Renard. Rusé et malicieux comme l’animal dont il porte le nom.
La vedette et le grand vainqueur de ce match, c’est incontestablement lui, Hervé Renard, cet autre vrai sorcier blanc, qui aura donc, à l’examen de ses performances face aux Eléphants de Côte d’Ivoire, décidé de contrarier l’équipe ivoirienne qu’il se plaît à mystifier à chaque rencontre. Qu’on en juge :
- Dans un stade Félix Houphouët-Boigny rempli de supporteurs euphoriques et confiants, Hervé Renard, alors à la tête de la sélection nationale locale de Zambie, bat les Eléphants locaux lors du match d’ouverture du championnat d’Afrique des nations (CHAN) au stade Félix Houphouët-Boigny, en présence du Chef de l’Etat d’alors, Laurent Gbagbo. Et d’un.
- Gabon. Finale de la CAN co-organisée par le pays de Bongo et la Guinée équatoriale. Hervé Renard, sélectionneur de l’équipe de la Zambie, brise le rêve de la Côte d’Ivoire. Et toujours dans un stade plein de supporters ivoiriens avec, à leur tête un autre Chef d’Etat ivoirien, Alassane Ouattara. Et de deux.
Enfin, ce 24 janvier 2017. Il vient encore de faire descendre les Eléphants de leur piédestal. Le tenant du titre est ainsi tombé, comme les Super Eagles du Nigeria, en 2015. Et de trois donc.
Cette élimination prend un autre sens, extra-sportif, dans le contexte social que traverse la Côte d’Ivoire : les résultats des Eléphants montrent que cette équipe ne réalise presque jamais de performances quand le pays est en proie à des divisions socio politiques. C’est une sélection qui échoue toujours, et souvent, proche du but.
Comme ce fut le cas sous l’ère du Président Gbagbo qui aura pourtant donné des moyens colossaux aux footballeurs ivoiriens de hisser haut le drapeau du pays et, par ricochet, donner du crédit à son image et à sa politique. Didier Drogba et ses compagnons n’ont jamais pu remporter le trophée ; et les Ivoiriens durent se contenter en 2006 de fêter des finalistes perdants, qu’ils se complurent à considérer comme des héros ! Idem en 2012, au Gabon. N’oublions pas les échecs des campagnes de 2008 et 2010 au Ghana et en Angola. L’expérience montre donc que les Eléphants ne réussissent que lorsque leur pays baigne dans une atmosphère de paix et de concorde relative.
Ne nous voilons donc pas la face : nombreux sont les Ivoiriens qui sont satisfaits de cette défaite, car elle consacre un peu l’échec des dirigeants du pays. C’était le cas sous l’ère de Laurent Gbagbo où les militants et supporteurs du camp politique adverse n’ont fait que souhaiter l’échec de la sélection nationale ! Les Ivoiriens gagneraient donc à s’unir autour de leur sélection. Mais à un seul prix : que le peuple lui-même soit uni.
Au-delà de la déception morale, c’est près de quatre milliards de francs que le pays aura investis dans une entreprise qui n’aura rien donné. Quatre milliards ! De quoi construire un grand marché communal, ou quelques centres hospitaliers ruraux, ou doter les hôpitaux, vétustes, de médicaments de première nécessité. Quatre milliards, c’était pour toute la campagne. Mais les Eléphants sont éliminés avant terme. Les Ivoiriens ont donc le droit de s’interroger sur l’utilisation du reste de cette somme : ne pourrait-on pas l’affecter à des œuvres d’intérêt collectif ?
En attendant, saluons sportivement la performance d’Hervé Renard. Et disons tout tristement : Dommage ! Car une victoire des Eléphants à cette Can aurait été une belle occasion de célébrer Laurent Pokou dont les obsèques ont été reportées à la fin de cette 31è édition de la fête du foot africain. Ce football africain qu’il aura marqué de son talent.