Les élections municipales du 21 avril en Côte d’Ivoire, qui étaient censées être disputées entre les membres de la coalition gouvernementale actuelle, ont vu les candidats indépendants obtenir plus de sièges que chacun des deux principaux partis de cette alliance.
Ce comportement des électeurs insinue une possible insatisfaction des citoyens ivoiriens vis-à-vis du président Alassane Ouattara au niveau local.
Landry Kuyo, secrétaire général du réseau ‘My Wazy Network’, une organisation de jeunes qui fait la promotion de la participation politique, a déclaré à IPS qu’il croyait que la force des candidats indépendants au niveau national insinuait que la population était agacée par Ouattara et les partis politiques en général.
« La population n’a pas confiance dans les partis politiques », a-t-il dit. « Elle veut écouter les candidats qui développeront leurs quartiers, pas les politiciens. C’est pourquoi les candidats indépendants font appel à elle ».
Les résultats officiels publiés le 26 avril ont montré que les candidats indépendants ont obtenu 72 sièges, contre 65 pour le Rassemblement des républicains (RDR) de Ouattara, et 49 pour le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de l’ancien président Henri Konan Bédié. Le taux de participation pour ces élections était de 36,44 pour cent, selon la Commission électorale indépendante.
Les plateformes de chacun des candidats présentaient essentiellement des projets de développement locaux, tels que des propositions d’amélioration des écoles, centres de santé, marchés et des systèmes de transport.
Toutefois, plusieurs candidats ont cité l’emploi des jeunes et la réconciliation comme étant des questions plus importantes qu’ils espéraient aborder. Ouattara a été crédité du fait d’avoir relancé l’économie depuis son arrivée au pouvoir, bien qu’au niveau local cela ne se soit pas nécessairement traduit par une amélioration significative de la qualité de la vie.
« Le succès des candidats indépendants a été la principale surprise de ces élections, qui semblent avoir été plus disputées que prévu au début malgré la décision du FPI (Front populaire ivoirien de l’ancien président Laurent Gbagbo) de boycotter les élections », a expliqué à IPS, Samir Gadio, un analyste des marchés émergents basé à Londres chez Standard Bank.
« Cela insinue que le processus démocratique se développe et que divers appareils de parti commencent peut-être à perdre progressivement leur influence auparavant grande sur la société ivoirienne ».
Le scrutin de 21 avril était la première occasion pour les Ivoiriens de choisir des dirigeants municipaux et régionaux depuis plus d’une décennie, en raison d’une crise politique prolongée qui a rendu impossible l’organisation des élections locales.
La crise s’est soldée par cinq mois de violences qui ont tué au moins 3.000 personnes après que Gbagbo a refusé de quitter le pouvoir bien qu’il ait perdu au second tour de l’élection présidentielle de novembre 2010 au profit de Ouattara. Gbagbo a été arrêté en avril 2011 suite à une intervention de la France et des Nations Unies.
Le FPI de l’ancien président a choisi de boycotter les élections locales, tout comme il avait boycotté les élections législatives en 2011.
Cette situation semblait laisser le champ libre au RDR et au PDCI, dont le soutien pour Ouattara en 2010 a permis de le propulser à la victoire.
Mais, plusieurs des soi-disant candidats indépendants étaient en réalité des membres du FPI qui se sont opposés à la décision du parti de boycotter le scrutin. Le FPI a ouvertement reconnu cela dans une déclaration annonçant la suspension de 15 candidats qui avaient décidé de se présenter.
D’autres candidats indépendants avaient des liens avec le RDR ou le PDCI mais n’ont pas été choisis pour représenter ces partis dans les élections locales.
C’était le cas de Farikou Soumahoro, un candidat indépendant dans le quartier d’Adjamé, à Abidjan, qui était autrefois un organisateur pour le RDR. Il n’a pas été retenu lors de la sélection officielle pour les élections municipales, et il a perdu au profit du candidat du RDR par seulement 1.000 voix, incitant ses partisans à descendre dans les rues pendant deux jours en signe de protestation.
Mais bien que certains candidats indépendants aient des liens clairs avec la coalition, ils se présentaient encore comme des outsiders, rivalisant avec les candidats officiellement retenus qui ont bénéficié des ressources financières et des bases de soutien des partis.
Pendant toute la période de campagne de deux semaines, il y a eu peu de débats sur des questions nationales. Néanmoins, beaucoup de candidats du RDR se présentaient comme des champions des politiques nationales de Ouattara, promettant d’aider à les mettre en œuvre sur le terrain.
Kafana Koné, un ancien ministre du gouvernement, qui a réussi à être élu sur le ticket du RDR dans le quartier de Yopougon, à Abidjan, se vantait d’une plateforme de 10 points qui comprenait l’amélioration des systèmes de transport et des marchés locaux. Mais lorsqu’on lui a demandé pourquoi les électeurs devraient le choisir par rapport à son rival du PDCI, il a d’abord évoqué sa loyauté au programme du président.
« Nous avons connu quelques années difficiles, mais maintenant, nous avons installé Alassane Ouattara comme chef de l’Etat et accordé au RDR le contrôle de l’Assemblée nationale », a-t-il dit à IPS. « Maintenant, nous devons nous assurer que le RDR a le contrôle au niveau local pour garantir la meilleure mise en œuvre du programme du président. Je ne suis rien d’autre qu’un soldat de la mise en œuvre de ce programme ». (FIN/2013)
Robbie Corey-Boulet
Pour IPS