Seules 27 femmes – sur un total de 659 candidats – participeront aux élections municipales du 21 avril en Côte d’Ivoire.
Le retour des « ténors » des partis politiques est considéré comme l’une des principales raisons de cette faible représentation des femmes au scrutin.
Ces élections locales constitueront la dernière étape du processus de normalisation dans ce pays de l’Afrique de l’ouest, après la crise postélectorale de 2010-2011. Toutefois, l’opposition a refusé d’y participer, estimant que la Commission électorale indépendante (CEI) n’a pas été reformée et que la majorité de ses cadres est en exil ou en prison.
Sur les 27 candidates retenues, 12 sont indépendantes, sept sont issues du Rassemblement des républicains (RDR, parti au pouvoir), quatre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), trois de l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI) et une candidate du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), qui sont alliés du RDR.
« Les femmes ne sont pas parvenues à se faire une grande place pour les élections municipales, parce que les anciens et les grands bonnets dans les différents partis, dont nous attendions le retrait, ont décidé de se relancer » dans la bataille, déplore Florence Coulibaly, secrétaire générale de la Plate-forme des femmes pour gagner, une organisation non gouvernementale basée à Abidjan, la capitale économique ivoirienne.
Son avis est partagé par Damien Kouadio, un politologue basé à Abidjan. « Les partis politiques ont choisi de faire la part belle à de vieux briscards qui vont se faire une nouvelle jeunesse au détriment des femmes et des jeunes », dénonce-t-il.
« Pourtant, il s’agit d’une élection de développement des collectivités locales. C’était l’occasion de donner à de nombreuses femmes l’opportunité de démontrer leur capacité à concevoir et réaliser des projets de développement dans une sphère restreinte », explique Kouadio à IPS.
Si certaines candidates ne rejettent pas cette thèse du peu de place accordée aux femmes, elles estiment néanmoins que d’autres raisons peuvent expliquer cette faible participation féminine aux élections municipales.
« Il y a de la volonté au sein des partis politiques d’aider les femmes, mais beaucoup d’entre elles n’osent pas encore. Peut-être par peur ou autre chose; pourtant, tous les préjugés à l’endroit de la femme sont en train de se dissiper », déclare Nasseneba Touré, candidate du RDR à Odienné, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire.
Ginette Ross, candidate du PDCI à Issia (centre-ouest), regrette aussi le petit nombre de femmes candidates pour ces municipales. Mais, elle met cette situation sur le compte du peu d’engagement et de la faible présence des femmes dans les structures de gestion des partis politiques.
« Il faut dire aussi que la violence physique observée par moments dans le jeu politique dans notre pays, n’est pas faite pour encourager les femmes », déclare Sidoine Eholo, candidate indépendante dans la commune d’Akoupé-commune (sud du pays).
« La femme est fragile et lorsqu’elle est menacée ou qu’elle voit son époux menacé, généralement c’est elle-même qui conseille à ce dernier de se retirer. Evidemment, ce n’est pas elle qui viendra faire la politique », explique Eholo à IPS.
Les violences politiques consécutives à la crise postélectorale de 2010-2011, avaient fait quelque 3.000 morts en Côte d’Ivoire, dont plusieurs dizaines de femmes, selon des ONG de défense des droits humains.
En outre, après les élections législatives de décembre 2011, la Plate-forme des femmes pour gagner (PFG) avait dénoncé des intimidations et des violences contre les femmes candidates pendant la campagne électorale, ainsi que des bourrages d’urnes. Ce qui aurait défavorisé la performance des femmes, qui s’est située à 28 élues sur 253 sièges, soit environ 11 pour cent.
« Nous étions face à des loups. Il y a eu du dénigrement, du trafic d’influence. Cependant, il ne faut pas manquer de souligner cette faiblesse des femmes, caractérisée par la méconnaissance des stratégies électorales », avait reconnu Marie-Paule Kodjo, présidente de ‘Playdoo’, une ONG basée à Abidjan, lors d’un séminaire sur le bilan des législatives, organisé en mai 2012 à Grand-Bassam (sud).
Pour Lamine Kourouma, un politologue à Abidjan, une telle situation pourrait se répéter dans le scrutin local car dans le contexte actuel, la bataille pour le contrôle des mairies sera plus épique.
« Il y a certainement l’aspect du développement, mais les mairies génèrent tellement d’argent avec les taxes sur les marchés, dans les gares, dans la délivrance de documents administratifs que l’appétit des uns et des autres, notamment celui des hommes, est très féroce », indique Kourouma à IPS.
Selon Kourouma, il est à craindre que de nombreuses candidates ne puissent pas faire face à l’agressivité dont feront preuve les hommes. « Les résultats pourraient être plus catastrophiques pour les femmes », ajoute-t-il.
Toutes les femmes candidates affirment battre campagne actuellement avec leurs moyens financiers propres. Seules les candidates du RDR ont reçu chacune cinq millions de francs CFA (environ 10.000 dollars) de la direction de leur parti. Les hommes ont reçu le même montant. Au PDCI, chaque candidate a reçu un million FCFA (2.000 dollars). (FIN/2013)
Thierry Barbaut
Avec IPS