Voilà un livre très bien conçu et extrêmement agréable à lire.
Que vous soyez un passionné du continent, un businessman ou que vous soyez a la recherche d’une information sur l’histoire d’un pays, cet ouvrage saura vous présenter les grandes lignes de la géopolitique au long des 53 pays du continent Africain.
Cet ouvrage, Géopolitique de l’Afrique de Eric Nguyen, se décompose en deux parties, une introduction de 41 pages qui permets de comprendre l’histoire, les événements et d’imaginer l’avenir de l’Afrique en abordant dans son introduction différents thèmes tous aussi passionnants les uns que les autres:
– Le sous-développement
– Les problèmes alimentaires
– La démographie
– L’émigration
– Le Sida
– La drogue
– Les conflits
– Le problème des frontières
– La question de l’état
– La question de l’ethnie
– Les facteurs d’espoir
– Intégration régionale
– L’Afrique: Enjeu des grandes et moyennes puissances.
Les sujets importants comme « la drogue », « l’intégration régionale » ou « les problèmes alimentaires » permettent de bien comprendre les différentes actions possibles afin de tenter de pousser le continent vers le haut. Mais aussi d’en interpréter les dangers du aux nouveaux modes de communications et de corruptions.
Je vous propose, en accord avec l’auteur de rendre disponible un chapitre, celui du Libéria.
Liberia
Fondé par des esclaves noirs américains affranchis, le Liberia constitue un cas unique dans l’histoire du continent noir.
En 1821, une société philanthropique, la Société américaine de colonisation, entreprend de favoriser le retour en Afrique des esclaves noirs libérés. La société américaine de colonisation achète à un chef de tribu local un petit territoire côtier.
Des Afro-Américains s’installent progressivement dans la petite colonie qu’ils baptisent Liberia (comme Liberté). La capitale reçoit le nom de Monrovia en hommage au président américain James Monroe. Les Afro-Américains se heurtent aux Africains autochtones.
Il est vrai que les esclaves affranchis venus des Etats-Unis n’éprouvent que du mépris pour les indigènes locaux qu’ils tiennent pour des primitifs. En outre, le gouvernement américain ne leur accorde initialement aucun soutien. Le 26 juin 1847, le Liberia proclame son indépendance. Celle-ci est reconnue par toutes les grandes puissances à l’exception des Etats-Unis qui attendront 1862.
La Constitution de 1847 exclut les indigènes de la citoyenneté. Par la suite, le Liberia absorbe Harper, un autre foyer d’esclaves libérés, situé plus à l’est (1857). Sous l’égide des Etats-Unis, le Liberia délimite ses frontières avec la Grande-Bretagne pour la Sierra-Leone (1885) et avec la France pour la Guinée (1892) et la Côte d’Ivoire (1910). Au début du XXe siècle, les Afro-Américains du Liberia (ou Libéro-Américains) et leurs descendants représentent à peine 5 % de la population du pays (22 000 personnes).
Sinistre ironie de l’Histoire, les Libéro-Américains, esclaves libérés ou descendants d’esclaves libérés, créent une société de type colonial dans laquelle les autochtones sont systématiquement exploités. Pire encore, les Libéro-Américains se livrent à la traite des Noirs en vendant les indigènes du Liberia à la Guinée espagnole. Ceux-ci sont envoyés travailler sur l’île de Fernando Poo (actuelle Bioko). Les esclaves affranchis se transforment en esclavagistes. Les plantations d’Hévéa constituent la seule ressource du Liberia. En 1926, Monrovia attribue à la société américaine Firestone une concession de 400 000 hectares d’hévéa. Autre source de revenus, le pavillon libérien devient un pavillon de complaisance pour les compagnies maritimes du monde entier.
Le Liberia constitue avec l’Ethiopie le seul pays indépendant d’Afrique subsaharienne. Toutefois Monrovia demeure sous l’influence des Etats-Unis. En 1944, William Tubman devient président du Liberia. Il favorise l’installation de compagnies américaines et développe l’exploitation des mines de fer. Dans les années 1950-1960, le Liberia détient le taux de croissance le plus élevé du monde (11,5 % en moyenne). Le président Tubman profite de la prospérité économique pour réduire le fossé entre l’aristocratie des Libéro-Américains qui détient la richesse et le pouvoir politique et la population autochtone, pauvre et exploitée. Les autochtones du Liberia obtiennent le droit de vote en 1963.
La population indigène se compose d’ethnies diverses : Gio, Krahn, Krou, Mandingue, Mano. Le président Tubman meurt en 1971. Il est remplacé par William Tolbert. Sous son règne se développent la corruption, le clientélisme et le népotisme. Le clivage s’accentue entre les Libéro-Américains et les autochtones. En avril 1980, le président Tolbert est renversé par un coup d’état militaire mené par le sergent Samuel Doe, un Krahn. Tolbert est assassiné, après quoi treize de ses ministres sont fusillés sur une plage. L’avènement de Samuel Doe marque la revanche des « natives » sur l’élite des Libéro-Américains.
Toutefois, Samuel Doe appartient lui-même à une ethnie minoritaire. (Les Krahn ne représentent que 5 % de la population libérienne.) Le président Doe met en place une dictature ubuesque en appuyant son pouvoir sur les Krahn et leurs alliés les Mandingue. En 1985, sous la pression des Etats-Unis, Samuel Doe, qui a échappé à plusieurs tentatives de putschs, organise des élections truquées au terme desquelles il est élu président. Son élection est suivie par une tentative de coup d’état menée par des Gio et des Mano. L’armée libérienne mène une répression féroce.
Fin 1989, Charles Taylor fonde le NPFL (Front national patriotique du Liberia). Basé près de la frontière avec la Côte d’Ivoire, le mouvement recrute essentiellement parmi les Gio et les Mano. Le NPFL bénéficie du soutien direct de la Côte d’Ivoire et du Burkina-Faso. Ancien ministre de Samuel Doe, Charles Taylor est d’ethnie Gio par sa mère et comme son nom l’indique Libéro-Américain par son père. Le NPFL déclenche l’insurrection fin 1989 dans le nord du pays. Les combats tournent à la guerre civile.
En quelques mois, le NPFL s’empare des 9/10e du territoire libérien avant de parvenir aux portes de Monrovia, la capitale. 700 000 personnes (le tiers de la population) se réfugient à l’étranger. Au mois de juillet 1990, alors que les rebelles sont sur le point de prendre la capitale, les pays de la région, regroupés au sein de la CEDEAO (Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest), mettent sur pied une force militaire d’interposition entièrement africaine : l’ECOMOG (Force ouest-africaine d’interposition). Le Nigeria, poids lourd de la CEDEAO, fournit la majeure partie des troupes de l’ECOMOG, forte de 3 000 hommes. L’ECOMOG déploie ses forces autour de Monrovia, privant ainsi le NPFL de sa victoire.
En septembre 1990, une faction dissidente du NPFL menée par Prince Johnson, ancien bras droit de Charles Taylor, parvient à s’introduire dans la capitale et à capturer le président Doe. Ce dernier est assassiné après avoir été atrocement torturé. Six partis politiques en exil réunis par la CEDEAO élisent un président par intérim, Amos Sawyer. La guerre civile se poursuit opposant le NPFL de Charles Taylor à l’ULIMO (un mouvement formé par les anciens partisans de Doe), soutenu par l’ECOMOG. Fin 1992, les rebelles lancent vainement un nouvel assaut sur la capitale. L’une des pires abominations de la guerre civile libérienne est constituée par l’utilisation des enfants-soldats.
Les troupes de Charles Taylor recrutent de force de très jeunes enfants (souvent après avoir assassiné leurs parents). Endoctrinés, fanatisés, parfois drogués, souvent violentés, les enfants-soldats sont amenés à commettre les pires exactions comme d’exécuter des membres de leur propre famille. En novembre 1992, poussé par l’OUA et la CEDEAO, le Conseil de sécurité de l’ONU vote un embargo total sur les armes à destination du Liberia.
L’ECOMOG, qui n’est pas concerné par l’embargo, reprend le contrôle de la zone côtière, de Monrovia à Buchanan. Les combats meurtriers se poursuivent. L’imbroglio politique se complique du fait de dissidences au sein de chaque camp (ULIMO-K contre ULIMO et INPFL de Prince Johnson contre NPFL de Charles Taylor). En juillet 1993, les belligérants entament des négociations de paix à Genève sous l’égide de l’ONU, de l’OUA et de la CEDEAO. Le NPFL et l’ULIMO signent un cessez-le-feu.
Un Conseil d’Etat est mis en place afin de préparer les élections. Charles Taylor obtient le retrait partiel des forces de l’ECOMOG, estimant qu’elles représentent plus un allié de l’ULIMO qu’une force d’interposition. Sur le terrain, le cessez-le-feu est constamment violé. En mai 1996, Monrovia est le siège d’affrontements sanglants.
Il faut que le Nigeria exerce des pressions diplomatiques, relayées sur le terrain par l’ECOMOG, pour que les élections puissent enfin avoir lieu en juillet 1997. Supervisées par l’ONU et par l’ECOMOG, les élections se soldent par une victoire éclatante pour Charles Taylor, élu président avec 75 % des voix. (Il ne faut surtout pas y voir un mouvement d’adhésion populaire au chef rebelle mais bien plutôt une marque de résignation d’une population lassée des combats.) A cette date, la guerre civile au Liberia a causé la mort de 200 000 personnes et entraîné l’exode de 2,5 millions de Libériens, soit la moitié de la population.
La guerre s’est propagée à la Sierra-Leone où Taylor a soutenu le mouvement rebelle du RUF à partir de 1991.
Deux ans à peine après son accession à la tête de l’Etat, le président libérien se retrouve confronté à deux nouveaux mouvements rebelles : le MODEL (Mouvement pour la démocratie au Liberia) qui rassemble les anciens partisans de Doe et le LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), organisation fédérant tous les opposants à Charles Taylor. Le LURD bénéficie du soutien de la Guinée et des Etats-Unis. A partir de 2001, l’armée gouvernementale passe à la défensive. En 2003, elle se retrouve acculée dans la capitale Monrovia.
Sous la pression des Etats-Unis, Charles Taylor est contraint de quitter le pouvoir. Le 11 août 2003, il s’exile au Nigeria. L’ancien chef de guerre devenu président n’en a pas fini avec la justice internationale. La Cour internationale de justice réclame l’extradition de Charles Taylor non pour les atrocités commises au Liberia, mais pour sa complicité dans les exactions perpétrées par ses alliés du RUF en Sierra-Leone. En mars 2006, les autorités nigérianes l’arrêtent avant de l’extrader. Charles Taylor est actuellement jugé à La Haye par le Tribunal spécial des Nations Unies pour la Sierra Leone pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité.
A partir de 2003, l’ONU déploie 15 000 casques bleus au Liberia (la MINUL ou Mission des Nations Unies au Liberia) afin de désarmer les diverses factions (100 000 ex-combattants dont 20 000 enfants-soldats). Le 23 novembre 2005, l’économiste Ellen Johnson-Sirleaf est élu présidente avec 60 % des voix. Elle est d’ailleurs la première femme chef d’Etat en Afrique. Ravagé par la guerre civile (1989-2003), le Liberia doit compte sur l’aide de la communauté internationale pour se reconstruire.
La MINUL est toujours présente sur le sol libérien. 64 % des 4 millions de Libériens vivent en dessous du seuil de pauvreté. L’espérance de vie au Liberia est de 46 ans.
En 2010, le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation, organisme chargé d’enquêter sur les crimes commis durant la guerre civile recommande de faire juger une dizaine d’anciens chefs de guerre libériens pour crimes contre l’Humanité au risque de ranimer la guerre civile. En outre, la Commission Vérité et Réconciliation accuse l’actuelle présidente d’avoir jadis collecté des fonds pour Charles Taylor (ce qu’elle a reconnu publiquement) et recommande sa destitution.
Vous pouvez commander le livre ici
Et bien sur nous contacter pour tout renseignements complémentaires.
Thierry Barbaut
Directeur www.info-afrique.com