L’avenir des réseaux sociaux s’écrira-t-il en arabe ? Facebook et Twitter ont révolutionné les paysages médiatiques du Maghreb mais également ceux de la péninsule arabique. En Arabie Saoudite, au Bahreïn ou au Qatar, le web 2.0 a le vent en poupe.
Ils sont devenus incontournables. Depuis la révolution tunisienne, aussitôt suivie de son homologue égyptienne, les réseaux sociaux sont parties prenantes de la vie politique du monde arabe. Ce n’est plus un secret, les échanges en ligne sur les mouvements de protestation ont souvent précédé de peu le déclenchement des mobilisations dans la rue, dont les vidéos ont ensuite été, pour le cas de l’Égypte, visionnées à plus de 5,5 millions de reprises, au cours de la semaine précédant la chute d’Hosni Moubarak.
Al Jazira : les réseaux sociaux et la voie du Qatar
Avec le Printemps arabe, Al Jazira a fortement contribué à la métamorphose du paysage médiatique dans le monde arabe. En se faisant le relais de contenus mis en ligne par des activistes politiques sur leur blog puis repris sur les réseaux sociaux, le groupe qatari a participé, selon Paloma Haschke, du Centre d’études et de recherches internationales de Paris, à un « nouvel équilibre, caractérisé par l’intrication entre chaînes satellitaires et médias sociaux ». Mais, Al Jazira pourrait être rapidement dépassée par ce nouveau système médiatique. Considérée comme la voix de la diplomatie qatarie, notamment dans son traitement de la crise au Bahraïn, la chaîne peine en effet à représenter les différentes tendances du monde arabe qu’elle prétend incarner, et qui, en revanche, s’épanouissent sur Internet.
À moins que l’empire qatari finisse par triompher des voies du numérique. Pour l’écrivain tunisien, Taoufik Ben Brik, dans une tribune à Slate Afrique, « depuis la chute de Ben Ali, les téléspectateurs n’ont d’yeux que pour Al Jazira. Tunis 7, Tunis 21, Hannibal, Nessma TV; les télévisons locales sont zappées. Mais, ce sont surtout les relais traditionnels de la rue survoltée – Internet, Facebook, Twitter, YouTube – qui ont sombré dans l’oubli ».
L’engouement pour le web 2.0 n’a pas manqué de s’exporter à l’ensemble du monde arabe et, en particulier, à l’est, à la péninsule arabique. Du mois de septembre 2011 au mois de mai 2012, le Bahreïn totalisait à lui seul près de 60 millions de messages postés sur Twitter quand l’Arabie Saoudite et ses 393 000 inscrits, en ont envoyé environ 50 millions.
En Arabie Saoudite, entre fracture sociale et émancipation
Le royaume de Riad, sur la même période de huit mois, a vu le nombre d’utilisateurs de Twitter bondir de 208%, la plus forte augmentation de la zone. Sébastien Marteau, vice-Président de la société de nouvelles technologies Intigral, explique ainsi que, sur les 47% de Saoudiens qui utilisent l’internet mobile, « 93 % expliquent fréquenter les réseaux sociaux ». « Cela s’explique par des raisons culturelles et de composition de la population. Celle-ci est très jeune : 60% des habitants sont âgés de moins de 25 ans. »
Alors que le pays est dirigé par un triumvirat qui atteint allégrement les 80 ans de moyenne d’âge, les réseaux sociaux se sont faits les relais d’une fracture sociale. D’un côté, l’élite saoudienne et ses trois dirigeants vieillisants. De l’autre : une population jeune, souvent instruite mais dont 40% souffrirait de la pauvreté, en raison notamment du chômage, le secteur privé étant saturé par 90% de travailleurs étrangers. Sans oublier les femmes, qui seraient très actives sur ces réseaux, et qui semblent y trouver une alternative à un quotidien cadenassé par le wahhabisme au pouvoir.
Oasis numériques
Les réseaux sociaux se sont imposés comme les voix de la protestation. Au Bahreïn, dès le début des révoltes, en février 2011, Facebook a vu se multiplier les appels à la fin de torture ou à la démission du Premier ministre Cheikh Khalifa Ben Salmane Al-Khalifa. Le hashtag #Bahraïn a même été utilisé 2,8 millions de fois sur Twitter, dans les seuls mois de février et mars 2012.
Et les deux poids lourds du secteur ne s’y sont pas trompés. En mars dernier, la plateforme de micro-blogging a lancé sa version arabe. Deux mois plus tard, Facebook se lançait également dans une conquête plus poussée du monde arabe en installant un de ses bureaux à Dubaï. Alors qu’il semble s’essouffler aux États-Unis, le mouvement Facebook a encore de beaux jours devant lui, dans les déserts de la péninsule arabique.
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