David Malpass expose les moyens de relancer la croissance, de lutter contre le recul de l’égalité entre les sexes et du développement humain, et de faire face à l’augmentation des inégalités et au changement climatique.
Le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, a qualifié aujourd’hui de « période de bouleversements » l’époque actuelle, tant elle est marquée par de fortes inégalités et des revirements dans les progrès jusque-là dans le développement mondial. Il a énoncé les mesures à prendre pour stimuler la croissance économique, raccourcir la crise, relancer le développement et poser des bases solides pour un avenir plus prospère et mieux préparé à faire face à des catastrophes mondiales telles que la COVID-19.
« La perte des acquis du développement menace la vie des populations, leurs emplois et leurs moyens de subsistance. Dans de nombreuses régions du monde, la pauvreté augmente, le niveau de vie et les taux d’alphabétisation baissent, et les acquis en matière d’égalité des sexes, de nutrition et de santé reculent. Pour certains pays, le poids de la dette était insoutenable avant la crise et il ne cesse de s’alourdir. Loin de voir leur situation s’améliorer, les pauvres sont laissés à la traîne dans une tragédie mondiale de l’inégalité. Ce rétrécissement radical du progrès économique et social crée une période de bouleversements dans l’économie, la politique et les relations géopolitiques. »
S’exprimant à Khartoum en tant que premier président du Groupe de la Banque à se rendre au Soudan depuis près de 40 ans, David Malpass a souligné les progrès récemment accomplis par le pays. « Au cours des dernières années, vous avez fourni des efforts considérables pour mettre les populations sur la voie du progrès, malgré des conditions très difficiles. Il y a deux ans, le gouvernement de transition du Soudan a hérité d’une économie et d’une société profondément endommagées, qui avaient subi des décennies de conflit et d’isolement. Alors même que les Soudanais se sont résolus à rompre avec le passé, le pays a dû faire face à d’extraordinaires vents contraires : la pandémie de COVID-19, une invasion de criquets, des inondations sans précédent et un afflux de réfugiés fuyant le conflit de l’autre côté de la frontière. »
« Pourtant, le pays est allé de l’avant en adoptant des réformes audacieuses, en renouant avec la communauté internationale, en réglant ses arriérés auprès de la Banque mondiale avec l’aide d’un prêt-relais des États-Unis et en atteignant en juin le point de décision pour l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Bien qu’il reste beaucoup à faire, je félicite les autorités soudanaises, civiles et militaires, pour les efforts et les réalisations accomplis ensemble en vue d’un avenir meilleur. Il est essentiel d’éviter les dérapages politiques, car il n’y a pas de développement sans paix ni stabilité. Je voudrais également saluer la remarquable résilience du peuple soudanais : votre volonté de construire un Soudan meilleur malgré les défis est une réelle source d’inspiration. »
David Malpass a indiqué que la pandémie mondiale a eu des effets considérables en matière de pauvreté. « La crise de la COVID-19 a entraîné une nouvelle augmentation des taux de pauvreté après des décennies de baisse constante. Elle a fait basculer près de 100 millions de personnes dans l’extrême pauvreté, plusieurs centaines de millions d’autres dans la pauvreté, dont beaucoup dans les pays à revenu intermédiaire. »
Il a relevé que si un redressement est possible, des risques subsistent. Il a rappelé comment la terrible grippe espagnole de 1918 à 1920 a été suivie d’une croissance économique extrêmement rapide, mais aussi d’une augmentation des inégalités et de dangereuses vulnérabilités financières qui ont abouti à l’interminable Grande Dépression.
David Malpass a posé la question suivante à la communauté internationale : Que devons-nous faire pour stimuler une croissance qui soit inclusive, large et durable, et éviter une décennie perdue pour le développement ? « Tout d’abord, nous devons nous concentrer davantage sur les priorités clés, en clarifiant notre manière de les aborder et de les mesurer. Nous devons en outre œuvrer à une échelle beaucoup plus grande pour obtenir un impact. »
Le président du Groupe de la Banque mondiale a relevé quatre domaines dans lesquels une action déterminée devrait faire la différence : atteindre la stabilité économique, tirer parti de la révolution numérique, rendre le développement plus vert et plus durable et investir dans les personnes.
Assurer la stabilité économique
David Malpass a souligné que de nombreux pays en développement ont déployé des efforts extraordinaires pour soutenir leur population et maintenir l’activité économique pendant la pandémie. « Beaucoup sont allés au-delà de ce qu’ils pouvaient se permettre, d’autant plus que la dette dans les économies en développement atteignait des sommets lorsque la pandémie a frappé. »
Lorsque l’initiative de suspension du service de la dette expirera à la fin de cette année, les pays à faible revenu qui recommenceront à payer le service de la dette verront leur marge de manœuvre budgétaire se réduire pour acheter des vaccins et financer d’autres dépenses prioritaires, a soutenu David Malpass. « Il est temps d’entreprendre un assainissement des finances publiques progressif et axé sur la population et de restructurer la dette insoutenable. Une mise en œuvre renforcée et accélérée du cadre commun du G20 sera essentielle à cet égard. »
David Malpass a appelé à une plus grande coopération mondiale, y compris la participation du secteur privé, pour alléger la dette des pays les plus pauvres du monde et financer des investissements favorisant la croissance. « Au Soudan, par exemple, une coopération mondiale incluant les États-Unis, la France et le Royaume-Uni a permis au pays d’apurer ses arriérés auprès de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et d’autres institutions financières internationales, rendant possible un allégement de la dette de plus de 50 milliards de dollars dans le cadre de ce qui sera la plus grande initiative PPTE jamais lancée. »
Outre une meilleure gestion de la dette, David Malpass a déclaré que les pays doivent éliminer les dépenses publiques inutiles, rendre la prestation de services plus efficace et réaffecter les ressources publiques à leurs usages les plus productifs. « C’est également le moment de gérer la dette de manière proactive afin de reprofiler les paiements tant que les taux d’intérêt internationaux restent bas. Des mesures concrètes doivent être prises pour améliorer la transparence des accords de prêt, accroître la responsabilité financière et garantir que les décisions s’appuient sur des informations complètes. Les pays à faible revenu doivent donner la priorité aux financements concessionnels et éviter les financements à taux d’intérêt élevés qui sont devenus de plus en plus problématiques. Il sera essentiel d’adapter cet ordre du jour à chaque pays et de mesurer les progrès réalisés. »
Tirer parti de la révolution numérique
L’adoption plus rapide de solutions numériques peut élargir radicalement l’accès au financement et créer de nouvelles opportunités économiques, a affirmé David Malpass, notant que les solutions numériques peuvent accroître la concurrence sur les marchés de produits et permettre aux individus de vendre des services en ligne, en leur donnant accès aux marchés national et mondial. « Le soutien à cette transformation nécessite de nombreuses mesures à grande échelle : investir dans l’infrastructure numérique, éliminer les monopoles dans le secteur des télécommunications, fournir des identifiants nationaux et créer un environnement réglementaire favorable. »
« La révolution numérique peut également transformer le secteur public. Par exemple, elle permet de repenser complètement les systèmes de protection sociale. Dans le monde entier, nous voyons des programmes passer de la fourniture de prestations en nature et en espèces à une distribution numérique, directement sur le compte bancaire des individus ou visible sur leur téléphone. De même, dans les secteurs formel et informel, de nouveaux systèmes de paiement permettent d’effectuer des achats quotidiens par téléphone, en utilisant des codes QR et d’autres technologies. Le Kenya et de nombreux autres pays africains possèdent une grande expérience en la matière », a relevé David Malpass.
Rendre le développement plus vert et plus durable
David Malpass a indiqué que la communauté internationale est fermement engagée à ralentir l’augmentation du carbone atmosphérique et à réduire les effets du changement climatique sur les plus vulnérables. « Une étape clé consiste à arrêter la création de nouvelles centrales à charbon, à déclasser les centrales existantes et à les remplacer par des sources d’énergie plus propres. Nous devrions encourager les pays sur la voie d’une transition « juste », qui inclut la prise en charge des travailleurs affectés. »
« C’est également le moment de relancer les réformes du secteur de l’électricité, souvent bloquées. Les subventions à l’énergie sont coûteuses et faussent la concurrence, et leur suppression doit se faire de manière à résoudre les défaillances sous-jacentes et à améliorer l’accès. Pour parvenir à une énergie propre et à un prix abordable, il faut une concurrence dans la production et la distribution d’électricité, ainsi qu’un régulateur véritablement indépendant. Le transport est une autre source importante d’émissions. L’urbanisation devant s’intensifier dans les pays en développement, les infrastructures et la conception des villes peuvent faire une énorme différence. Au lieu de métropoles tentaculaires où les navetteurs passent des heures sur la route, les gouvernements peuvent viser des villes plus compactes avec des systèmes de transport public efficaces et propres.
Dans le cadre des efforts de lutte contre le changement climatique, qu’il s’agisse d’atténuation ou d’adaptation, et des initiatives de développement au sens large, nous devons établir des priorités et concentrer nos efforts sur l’obtention du plus grand impact par dollar investi et rechercher des solutions rapidement extensibles. »
Investir dans les personnes
David Malpass a souligné l’importance d’investir dans la santé et l’éducation à long terme des personnes — le programme de développement du capital humain. « Pour renforcer les systèmes d’éducation et de santé, il ne suffit pas de fournir des ressources budgétaires de manière efficace et suivant un ordre de priorité. Par exemple, il est important d’aligner les mesures d’incitation pour les enseignants et les prestataires de soins de santé — publics ou privés — sur les besoins des personnes qu’ils servent. Il est également essentiel de trouver des solutions modulables pour améliorer les soins de santé et la qualité de l’enseignement, notamment par le biais de l’apprentissage à distance.
« L’accumulation de capital humain n’est nulle part aussi importante que dans les pays touchés par des conflits, où vivent aujourd’hui la plupart des personnes pauvres. L’aide aux réfugiés et aux communautés d’accueil est une priorité absolue. La sécurité est essentielle, mais les soldats ne peuvent pas gagner la bataille du développement. Le changement a plus de chances de venir de petites victoires remportées par des millions de ménages au fil du temps. »
David Malpass a insisté sur le rôle que peut jouer le Groupe de la Banque mondiale. « Le Groupe de la Banque mondiale dispose d’une capacité et d’une position uniques pour aider les pays à réaliser les quatre priorités que j’ai énoncées — en fournissant des financements et un savoir-faire aux gouvernements, tout en mobilisant le secteur privé. Nous possédons une expérience inégalée de collaboration avec les pays, en faisant appel à des experts techniques dans tous les secteurs clés. »
Préserver les acquis du développement
« Cette crise sans précédent a déclenché une période de bouleversements. Les nombreux choix qui seront opérés dans les années à venir détermineront si les pays en développement subiront une décennie perdue ou s’ils verront l’avènement d’une croissance et d’une transformation économique rapides », a affirmé David Malpass.
Pour réussir, il faudra la participation active des secteurs public et privé de tous les pays, des sociétés civiles et des fondations, voire de l’ensemble de la communauté internationale. Ces efforts exigent des dirigeants qu’ils soient ambitieux pour la prospérité des personnes. Et ils exigent que l’on se concentre sur eux et qu’on leur donne de l’ampleur tout au long de notre travail de développement. »