Le Mouvement du M23 a annoncé « mettre un terme à sa rébellion », après avoir été chassé des dernières positions qu’il occupait depuis avril 2012 dans le Nord-Kivu, région de l’est de la République de Congo.
Zobel Behalal, de l’ONG CCFD-Terre Solidaire, revient d’une mission sur place. Pour lui, ce succès militaire est un premier pas, mais on ne doit pas en rester là.
À l’heure où, à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), l’armée congolaise multiplie les victoires sur les rebelles du M23, l’espoir de voir la fin d’un conflit vieux de près de deux décennies renaît.
Lors d’une mission sur le terrain il y a quelques jours, j’ai pu me rendre compte que cet espoir était dans tous les esprits, aussi bien parmi la population que chez les autorités.
Si cet espoir est bien compréhensible, il ne doit pas faire oublier que les causes de la crise existent toujours.
Les succès militaires rassurent incontestablement les troupes congolaises longtemps humiliées par les rebelles, mais n’apportent pas de solution durable au conflit. Néanmoins, ils créent un environnement propice à un certain nombre d’actions politiques plus déterminantes en faveur d’une paix durable, qui impliqueraient à la fois la RDC, les pays voisins et la communauté internationale. Cependant c’est sur la seule dimension économique que je me suis penché lors de cette mission dans la région des grands lacs avec des députés européens.
Notre visite était centrée sur la question du lien entre l’exploitation des ressources minières et l’instabilité dans la région, alors que l’Union européenne s’apprête à formuler des règles en la matière : une réalité qui a beaucoup évolué, mais n’a pas disparu pour autant. Il est vrai que nous n’avons vu aucun militaire ou groupe rebelle à l’œuvre sur les sites miniers que nous avons visités. J’ai cependant noté la présence d’un camp d’anciens miliciens Mai Mai Nyatura aujourd’hui intégrés à l’armée nationale autour du grand centre minier de Rubaya, dans le territoire du Masisi.
Les lacunes de l’exploitation des ressources minières
Plusieurs témoignages m’ont confirmé que ces hommes en armes imposent une « taxe de sécurité » aux personnes impliquées dans l’exploitation minière. Le 23 octobre dernier, un élément ex Nyatura a tué un membre de la police des mines, seul corps armé autorisé à sécuriser les sites miniers.
Nous avons par ailleurs visité le site minier de Kalembi, situé non loin de Bukavu. Ce site est aujourd’hui le lieu de l’expérimentation d’un système développé par l’ITRI, principal regroupement des entreprises qui utilisent l’étain extrait de la cassitérite, qui abonde dans la région. Le principe est de garantir que les minerais en provenance de Kalembi n’ont pas contribué à alimenter des conflits ou la violence.
Cela passe notamment par l’apposition d’un marquage sur chaque sac de cassitérite sortant de cette zone. Des entreprises comme Philips ont accepté de s’impliquer dans ce projet garantissant ainsi un débouché à ce minerai. Ce dispositif est appréciable, il est le signe d’une prise de conscience progressive de la part des différentes parties prenantes.
Malheureusement, il comporte de nombreuses lacunes. Kalembi est un site ouvert, situé à proximité d’autres sites qui ne sont pas soumis aux mêmes règles de contrôle. Il semble évident que des minerais provenant de ces sites « sales » sont blanchis à travers le système de Kalembi. Pour preuve, les services officiels de l’État chargés d’apposer les marquages ferment au plus tard à 18 heurs, alors que les mineurs sont autorisés à travailler 24h/24. Sans contrôle des autorités pendant la nuit, toutes les fraudes sont possibles.
Il faut légiférer sur le commerce des ressources naturelles
Dans ce contexte, la législation que prépare actuellement l’Union européenne pour mieux contrôler l’approvisionnement de ses entreprises en minerais issus des zones en conflit ou à haut risque trouve toute sa pertinence (voir à ce sujet mon précédent billet).
Il me semble utile de rappeler à la Commission européenne qu’elle doit doter l’Europe d’un instrument qui contribuera à prévenir et résoudre les conflits et consolider la paix. « Prévenir et résoudre les conflits » car, depuis plusieurs années, le commerce des ressources naturelles est bien le « nerf de la guerre » dans les grands lacs et dans plusieurs autres régions du monde. Légiférer sur la question contribuera à tarir les ressources des belligérants.
« Consolider la paix », car la situation actuelle prive les populations et les États de ressources utiles pour leur développement. On estime par exemple à plus de 500 millions de dollars le montant que les groupes armés gagnent chaque année grâce au contrôle de la filière de l’or à l’est de la RDC.
Autant d’argent que le pays n’investit pas dans l’éducation de ses enfants ou dans la création d’activités génératrices de revenus pour ses nombreux chômeurs…