Pour la première fois, la fondation mondiale du poumon publie son Atlas du tabac en français. Car les industriels du secteur ont trouvé une nouvelle proie : l’Afrique.
L’Africain fume plus aujourd’hui qu’il y a dix ans. Selon la World Lung Foundation (WLF), « la consommation de cigarettes a augmenté de 57 % » sur le continent en une décennie.
Une avancée du tabagisme qui a poussé l’ONG internationale basée à New York à publier pour la première fois une édition française de son Atlas du tabac, le 1er octobre. Objectif : plaider en faveur de la lutte antitabac face aux interférences croissantes des fabricants, qui profitent de l’absence ou de l’inefficacité des législations en la matière dans nombre de pays africains.
Illustration éloquente à Dakar même, où un projet de loi antitabac on ne peut plus stricte traîne dans les tiroirs du ministère de la Santé depuis 2008. L’implantation sur le territoire sénégalais de trois grands fabricants de cigarettes – le géant américain Philip Morris, British American Tobacco et la MTOA, filiale sénégalaise d’Imperial Tobacco – ne serait pas étrangère à ce blocage. Il s’agirait « de préserver un environnement propice à leurs affaires », selon les associations locales antitabac.
Interdiction en Côte d’Ivoire
L’Atlas a quant à lui été présenté début octobre dans le pays. Massamba Diouf, de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab), espère qu’une législation conforme à la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac sera votée « d’ici la fin de l’année », ainsi que l’a annoncé le gouvernement. « Cela permettrait au pays d’augmenter les taxes sur le tabac, d’interdire les publicités incitant les jeunes à fumer, et de créer des espaces pour fumeurs », explique le militant. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a franchi le pas le 10 octobre en interdisant la cigarette dans les lieux publics.
Une stratégie qui a fait ses preuves dans la plupart des pays occidentaux où, en dix ans, la consommation a baissé de 26 %. Pour compenser ce manque à gagner, l’industrie du tabac s’est tournée vers des pays moins bien armés pour se défendre, expédiant des cigarettes à des prix dérisoires tout en renflouant ses caisses.
Mais l’Afrique n’en sort pas encore tout à fait noircie avec ses quelque 3 % de fumeurs à l’échelle mondiale, loin derrière les 24 % de l’Europe et les 38 % d’une Chine bien enfumée. Pour autant, les militants africains antitabac ne baissent pas leur garde.
Thierry Barbaut