Par Franck Bousquet de la Banque Mondiale
Le fléau mondial de la fragilité, des conflits et de la violence continue de faire des millions de victimes et menace à la fois le développement et la paix. Face à cette situation, un consensus mondial sans précédent s’impose au plus haut niveau : la collaboration entre les acteurs œuvrant pour la paix, la sécurité et le développement — peu habitués à travailler de concert — doit devenir la « nouvelle norme » pour relever ensemble le défi posé par les situations de fragilité, de conflit et de violence.
Les chiffres militent pour une action urgente. L’ampleur des conflits violents n’a jamais été aussi importante depuis 30 ans et plus de 70 millions de personnes sont déracinées à travers le monde, deux fois plus qu’il y a seulement 20 ans. Et alors que l’extrême pauvreté recule à l’échelle mondiale, la tendance s’inverse dans les pays en situation de fragilité, de conflit ou de violence. D’ici à 2030, si rien ne change, près de la moitié des personnes les plus pauvres du monde vivront dans des régions en proie aux conflits. Pour un acteur du développement tel que le Groupe de la Banque mondiale, s’attaquer au problème de la fragilité, des conflits et de la violence est une mission prioritaire.
La semaine dernière, lors d’une session du Conseil de sécurité de l’ONU (a) consacrée à la consolidation et à la pérennisation de la paix, j’ai eu l’occasion de présenter la première stratégie institutionnelle du Groupe de la Banque mondiale sur les problèmes posés par la fragilité, les conflits et la violence. La session était axée sur la priorité du secrétaire général de l’ONU consistant à renforcer les partenariats pour pérenniser la paix, en particulier dans le contexte de transitions après des opérations de maintien de la paix. Dans mon allocution (a), j’ai souligné la complémentarité de la démarche de développement à long terme du Groupe de la Banque mondiale pour répondre au problème de fragilité, de conflits et de violence. Celle-ci fait partie intégrante de notre stratégie et nous y consacrons déjà des investissements par l’intermédiaire de l’IDA. Le Cadre de partenariat entre le Groupe de la Banque mondiale et l’ONU pour les situations de crise est un exemple concret de cette démarche. Il nous a aidés à renforcer notre coopération dans plus de 40 pays.
La session du Conseil de sécurité s’inscrivait dans la droite ligne du soutien vigoureux apporté début juillet par le G7 à ces enjeux. Dans leur déclaration intitulée Lutter contre les fragilités et prévenir les crises dans les pays en développement, les membres du G7 ont souligné l’importance des leviers d’action mis en avant par notre directrice générale Kristalina Georgieva, au nom de la Banque mondiale : renforcer la légitimité et la responsabilisation des institutions publiques dans les contextes de fragilité, de conflit et de violence ; lutter contre les principaux facteurs de fragilité en donnant la priorité aux investissements dans la bonne gouvernance, la création d’emplois — notamment pour les jeunes —, l’égalité des sexes et la lutte contre le changement climatique ; agir pour prévenir les conflits et renforcer les partenariats garantissant la cohérence des dimensions d’action humanitaire, de paix et de développement.« Un consensus mondial sans précédent s’impose au plus haut niveau : la collaboration entre les acteurs œuvrant pour la paix, la sécurité et le développement — peu habitués à travailler de concert — doit devenir la “nouvelle norme” pour relever ensemble le défi posé par les situations de fragilité, de conflit et de violence. »
Franck BousquetDirecteur principal de la cellule Fragilité, conflit et violence à la Banque mondiale
Un communiqué conjoint du G7 et du G5 sur le Sahel a par ailleurs fortement insisté sur le rôle majeur du Groupe de la Banque mondiale au Sahel où, en partenariat étroit avec d’autres acteurs, nous avons contribué à investir 6,7 milliards de dollars dans des zones en proie à l’insécurité. Parallèlement à un appel à l’intensification des efforts dans le Sahel, le communiqué a apporté un ferme soutien à notre stratégie relative à la fragilité, aux conflits et à la violence ainsi qu’à la réussite de la dix-neuvième reconstitution des ressources de l’IDA (IDA-19), l’institution du Groupe de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres, ce qui nous permettrait d’accentuer notre lutte contre la fragilité.
La première stratégie du Groupe de la Banque mondiale destinée à remédier aux facteurs de fragilité, de conflit et de violence, en cours d’élaboration, met l’accent sur quatre domaines clés : la prévention en s’attaquant aux causes profondes de la fragilité, le maintien de l’engagement dans les zones touchées par les conflits en liaison avec les partenaires humanitaires et les Nations Unies, l’aide aux pays en transition pour sortir de la fragilité, et le soutien aux réfugiés et aux communautés d’accueil.
Cette approche se traduisait déjà dans IDA-18, qui a doublé le volume des ressources de l’IDA allouées aux situations de fragilité, de conflit et de violence pour les porter à 14 milliards de dollars — un montant sans précédent mobilisé par le Groupe de la Banque mondiale. IDA-18 a également marqué un tournant en orientant l’action de l’Association dans de nouvelles voies, en particulier le soutien au secteur privé qui fournit la majorité des emplois dans les contextes de fragilité. Cette approche stratégique est totalement en phase avec les priorités d’IDA-19 et avec l’augmentation générale de capital, afin de maximiser l’impact du Groupe dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
Nous venons de terminer la première phase des consultations sur notre stratégie en matière de fragilité, conflit et violence. En trois mois, nous avons recueilli l’avis de plus de 1 400 parties prenantes dans 85 pays et territoires, lors de réunions en présentiel, au moyen d’un questionnaire en ligne, par courrier électronique et sur les réseaux sociaux. Le vif intérêt et l’appui manifeste de l’ensemble des partenaires et parties prenantes nous motivent encore davantage à élaborer une stratégie qui confortera encore la détermination de notre institution à relever le plus grand défi du monde : mettre fin à l’extrême pauvreté et bâtir une prospérité partagée.