L’Afrique suscite de multiples réflexions.
Un jour, elle soulève tous les espoirs avec des taux de croissance sans précédent et un potentiel incroyable.
Le lendemain, un gouvernement démocratique est renversé en Afrique du Nord, un génocide germe en Afrique centrale et une guerre civile éclate ailleurs entre les deux. Et quand vous ajoutez à cela les dysfonctionnements chroniques du Congo, de la Somalie et du Zimbabwe, l’Afrique focalise soudainement alors l’attention des médias et devient pour le reste du monde un lieu de conflits insolubles, de maladies, de faim, de pauvreté et de politique tribale.
Mais, heureusement, au fond de nous brille un désir et un rêve lorsque nous comprenons que l’Afrique est un géant qui tarde à se réveiller pour bouleverser le monde. Un milliard d’âmes, et des ressources inégalées. Comme l’éveil tarde, nous pouvons nous projeter dans la fiction comme l’a fait le Dr Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), lors d’un discours au sommet de l’UA à Addis-Abeba le mois dernier. Elle a utilisé la fiction – par un courriel venant du futur – pour expliquer sa vision de ce que l’Afrique pourrait devenir en 50 ans.
Nous sommes en 2064. L’Afrique est un pays de deux milliards de personnes. La Confédération des États africains qui a désormais 12 ans, a été créé en 2051. Elle est membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies et « une puissante force de stabilité, de paix, de respect des droits de l’homme, de progrès, de tolérance et de justice ».
Une confédération, bien que non précisé dans le courriel, qui s’accompagne d’une unité politique de laquelle découle un ensemble de lois communes, une défense et une monnaie communes ainsi qu’un gouvernement central qui soutient tous ses membres. Le courrier électronique du futur provient de Mme Dlamini-Zuma, toujours présidente de l’Union Africaine (étrange!), et s’adresse à un ami fictif nommé Kwame. Il l’informe de ce que l’Afrique est devenue et des avancées qu’il n’a pas pu voir à l’époque où il combattait pour les indépendances dans les années 60.
La vision économique de Dlamini-Zuma est très optimiste, avec des géants du commerce africains qui ont conquis les marchés mondiaux. «Les entreprises panafricaines, du secteur minier à la finance, l’alimentation, les boissons, l’hôtellerie et le tourisme, les produits pharmaceutiques, la mode, la pêche et les TIC, drainent l’intégration et sont parmi les leaders mondiaux dans leurs secteur d’activités. »
On nous rappelle que l’Afrique est désormais la troisième plus grande économie dans le monde. Pas de classement dans la fiction, donc nous ne savons pas quels sont la première et la seconde. « L’intégration économique, couplée au développement des infrastructures a permis une progression des échanges intra africains qui sont passés de moins de 12% en 2013 à près de 50% en 2045 ».
L’Afrique est en plein essor avec d’importants centres de fabrication, la valorisation des minéraux et des ressources naturelles dans l’est du Congo, au nord-est de l’Angola et en Zambie une forte production de cuivre. Kinshasa est la « capitale de la mode» du monde (oubliez Paris!). Accra est un centre de la fabrication du chocolat (oubliez la Suisse!). Une importante «Silicon valleys» à Kigali, Alexandrie, Brazzaville, Maseru, Lagos et Mombasa. Et bien sûr, l’Afrique s’est libérée des langues héritées de leurs anciennes puissances coloniales et le swahili est désormais la langue du berceau de l’humanité.
Mon ami, écrit-elle, « D’exportateur de matières premières avec un secteur manufacturier en baisse en 2013, l’Afrique s’est transformée en un exportateur de produits alimentaires, une plaque tournante mondiale de la fabrication, un centre de connaissances, permettant la transformation industrielle de nos ressources naturelles et nos produits agricoles « .
La faim? La révolution agricole a finalement eu lieu.
Ainsi, les « mères africaines ont aujourd’hui à leur disposition des tracteurs et des systèmes d’irrigation « . Pères, désolé ! Dans la tradition africaine, «les femmes sont les travailleurs de la terre ».
Continent sombre? Cette réalité relève du passé enfoui dans nos lointaines mémoires. Le continent s’éclaire aujourd’hui grâce à l’hydroélectricité, à l’énergie solaire, à des éoliennes ou la géothermie, qui complètent les énergies fossiles.
Mobilité? Facile. Il y a des chemins de fer à grande vitesse reliant les anciens pays:
« Le réseau routier et ferroviaire qui sillonnent l’Afrique. Nos compagnies aériennes dynamiques, nos paysages spectaculaires, de séduisants couchers de soleilet les activités culturelles de nos villes, ont permis de faire du tourisme l’un de nos plus importants secteurs économiques ».
Conflits? C’est du passé. Toutes les armes à feu» ont été réduites au silence en 2020″.
C’estune belle vision rêvée par l’Union africaine. Mais, hélas, Dlamini-Zuma n’aurait pas pu faire un discours si « optimiste »s’il n’avait été une fiction. En effet, le dernier sommet était largement consacré aux conflits au Soudan et en République centrafricaine. La fiction aide. Dans une vision à long terme, la fiction pourrait être notre seul refuge. Kwame pourra t-il être enfin serein dans sa tombe en 2064 ? Nous n’en avons aucune idée. Néanmoins, c’est une bonne chose de savoir que le rêve n’est pas encore mort, même s’il est peu probable qu’il devienne réalité.
Obadias Ndaba est analyste sur Libre Afrique.
Libreafrique.org