Au mois de juillet dernier, plusieurs manifestations ont eu lieu au Zimbabwe suite à l’interdiction d’importation de certains produits de première nécessité (céréales, eau en bouteille, fèves au lard et produits laitiers). Les produits ciblés sont pourtant une bouée de sauvetage pour l’économie informelle du pays et pour les consommateurs. Comment expliquer ce choix politique ?
Au-delà des conséquences potentiellement dévastatrices pour le secteur informel, l’autre préoccupation soulevée par cette interdiction est que le gouvernement préfère traiter les symptômes plutôt que le mal. En effet, le contrôle des marchandises importées ne résoudra pas les problèmes fondamentaux de l’économie zimbabwéenne. Le pays a plutôt besoin d’une stratégie à long terme et non pas de solutions de bricolage.
Cette tendance à traiter les symptômes plutôt que les problèmes réels n’est cependant pas l’apanage du Zimbabwe, elle touche de nombreux pays en développement. Ces mauvaises politiques touchent particulièrement les marchés des biens alimentaires, où les gouvernements s’ingèrent en arguant de sécurité alimentaire, de protection d’industrie naissante ou encore de soutien des revenus des agriculteurs.
Le cas du Zimbabwe
Depuis l’effondrement de l’économie formelle, dans les années 2000, le secteur informel du Zimbabwe est devenu la pierre angulaire de l’économie, la source de subsistance pour de nombreux Zimbabwéens chômeurs qui ont perdu des emplois dans le secteur formel. Le commerce transfrontalier est devenu plus important que le secteur informel, ce qui a donné un nouvel élan de croissance dans les villes frontalières.
L’interdiction des importations s’inscrit dans la continuité des mesures politiques strictes telles que l’expropriation des exploitations agricoles commerciales et l’indigénisation des entreprises étrangères. Ces deux mesures ont conduit à la fuite des capitaux et à l’érosion de l’assiette fiscale de l’économie formelle.
Beaucoup considèrent les nouveaux contrôles à l’importation comme une tentative, par le gouvernement, d’augmenter sa base d’imposition, surtout après des années de mauvaises performances économiques préjudiciables aux recettes fiscales. Le gouvernement a certes fait valoir que les restrictions imposées visaient à soutenir l’industrie nationale, mais c’est un argument fragile dans un pays qui n’a pas la capacité suffisante pour produire ou fabriquer lui-même les biens concernés.
Sans aborder les vrais problèmes, les nouvelles politiques ne serviront qu’à renforcer les résultats négatifs actuels. Pour apaiser le climat politique fragile, le gouvernement doit relever les défis macroéconomiques et traiter les problèmes de la politique monétaire et de la productivité industrielle. Ce seraient quelques-unes des premières mesures pour instaurer la confiance, relancer la production et attirer les investissements directs étrangers.
Le cas de l’Afrique du Sud : inadéquation des politiques
L’Afrique du Sud a elle aussi pris des mesures politiques contraires aux problèmes qu’elle cherchait à résoudre. En début d’année, elle a augmenté la taxe à l’importation du blé de 34%. Avant cela, elle avait imposé un quota de 65.000 tonnes pour l’importation de la viande de volaille originaire des États-Unis.
Les décisions ont été justifiées par la protection des emplois, des revenus des agriculteurs et de l’industrie locale. Bien que ces arguments semblent louables, malheureusement les causes profondes des problèmes ont été ignorées. L’Afrique du Sud consomme actuellement plus de blé qu’elle n’en produit. En effet, depuis les années 1980, les agriculteurs sont passés à d’autres cultures plus rentables, alors que la consommation n’a cessé d’augmenter. Ainsi, une hausse du tarif douanier ne permettra pas l’augmentation de la production. Elle pourrait, certes, permettre d’accroitre les revenus des agriculteurs à très court terme, mais cette hausse va encore nuire aux consommateurs en augmentant les prix du pain, un produit alimentaire de base.
Différents outils pour différents problèmes
Dans une boîte à outils, vous ne pouvez pas utiliser le même outil pour faire toutes les réparations. De la même façon, il y a beaucoup d’alternatives politiques qui doivent être considérées et l’utilisation systématique des tarifs douaniers et des restrictions commerciales est contreproductive.
Le risque d’agitation sociale est certes moins élevé en Afrique du Sud qu’au Zimbabwe mais il n’en demeure pas moins important de réfléchir à la racine d’un problème pour ne pas mettre en place des politiques populistes inefficaces et contreproductives. D’évidence, quand la demande dépasse la production d’un pays, recourir à l’importation n’est pas un crime ! Dès lors, la solution durable est de résoudre le problème du déficit d’offre en créant un environnement incitatif pour les producteurs. C’est surement plus stratégique pour le consommateur qui gardera une offre de produits à des coûts accessibles.
Matlou Kalaba, Maître de conférences en économie agricole, Université de Pretoria