L’ancien ministre français du Budget Jérôme Cahuzac a cherché à placer 15 millions d’euros en Suisse en 2009, affirme dimanche la télévision publique suisse (RTS).
Pour l’affaire OffShoreLeaks, des Africains commencent à tomber !
«Il aurait tenté de placer cet argent dans un établissement de gestion financière à Genève mais l’établissement aurait refusé par crainte de complications ultérieures, Jérôme Cahuzac étant une personnalité exposée politiquement, selon des informations bancaires recueillies par la rédaction de la RTS», écrit la RTS sur son site.
Un peu plus tôt dans la journée, Darius Rochebin, journaliste pour le média helvète avait indiqué que Jérôme Cahuzac aurait détenu non pas 600.000 euros mais 15 millions d’euros sur des comptes suisses.
Le journaliste explique qu’il tient ces informations de banques privées genevoises. Il ajoute que pour réaliser un montage financier tel que celui effectué par l’ancien ministre du budget le ticket d’entrée doit être de un million minimum sinon ce n’est pas intéressant.
En l’an 2000, la petite société financière Reyl & Cie, établie à Genève, est entrée en piste. A l’époque elle n’avait pas de licence bancaire, mais travaillait comme une société de Bourse. A ce titre, elle relevait de la surveillance de la FINMA, l’autorité suisse de surveillance des marchés financiers. En tant qu’intermédiaire financier, Reyl & Cie n’était pas soumise aux mêmes règles que les banques et ne devait pas fournir de renseignement sur les détenteurs de ses comptes.
Reyl & Cie a ouvert auprès d’UBS un compte «omnibus», soit un compte comprenant les fonds de plusieurs clients, seulement connus par la banque, et parmi lesquels figurait Jérôme Cahuzac, dont l’argent est resté de facto à l’UBS. En 2009, après que la Suisse s’est déclarée prête à accorder l’aide judiciaire en cas d’évasion fiscale, Jérôme Cahuzac a estimé que la situation devenait trop dangereuse à Genève et a demandé à Reyl & Cie de transférer les fonds sur un compte ommnibus à Singapour, auprès de la filiale de la banque Julius Baer.
Prudence de Julius Baer à l’époque
La banque Julius Baer a réagi avec prudence, écrit le journal. Elle a réclamé à Reyl & Cie, bien que rien ne l’y obligeait, un formulaire appelé «formulaire A», qui fait apparaître le nom du détenteur des fonds. Lorsque les banquiers de Julius Baer ont vu qu’il s’agissait d’un homme politique, ils ont demandé un document certifiant que les fonds avaient bien été déclarés au fisc compétent.
Selon des recherches effectuées par le Tages Anzeiger, Jérôme Cahuzac a également assuré que ces 600.000 euros provenaient de son activité de chirurgien esthétique, ajoute le journal. En conséquence, Julius Baer a autorisé l’opération de transfert de fonds.
Sources RTS
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Pour l’affaire Offshore Leaks, des Africains commencent à tomber !
Dévoilée par une poignée de journaux dans le monde, la base de données récupérée par l’International Consortium of Investigative Journalist, qui contient des millions d’informations sur des sociétés basées dans les paradis fiscaux, révèle ses premiers noms.
Parmi eux, certaines personnalités nigérianes, djiboutiennes tanzaniennes et zimbabwéennes ressortent.
Les informations arrivent de manière parcellaire, mais c’est un véritable tremblement de terre dans le monde de la finance.
Des millions de courriers, des centaines de milliers de sociétés, et des milliers de noms, reliés à des paradis fiscaux, sont révélés au compte goutte par une poignée de journaux sélectionnés à travers le monde par l’International Consortium of Investigative Journalist (ICIJ).
L’organisation, créée en 2011 et composées de 86 journalistes d’investigation répartis à travers le monde, a récupéré il y a quinze mois ce qui s’apparente à la plus grande fuite de l’histoire, l’équivalent de 162 fois Wikileaks, soit 260 gigabits de données. Baptisé Offshore Leaks, le contenu a été fourni par les anciens salariés de deux entreprises de services financiers offshore, Portcullis TrustNet et Commonwealth Trust Limited.
Ces dernières ont aidé à la création de centaines de milliers de sociétés, à partir de la fin des années 1990 et tout au long des années 2000, dans les îles Vierges britanniques, aux Caïmans, aux îles Cook, aux Samoa, et à Singapour.
Blanchiment
Dans cette galerie de portraits éclectiques, quelques noms africains ressortent déjà.
Après un travail de fourmi réalisé par les enquêteurs de quelques journaux dont Le Monde en France, The Guardian en Angleterre, ou encore le Premium Times au Nigeria, les noms de personnalités, d’hommes d’affaires, de trafiquants d’armes ou parfois même d’agriculteurs (Grèce) ou de hackers (Italie), sont révélés depuis jeudi 4 avril.
Dans cette galerie de portraits éclectiques, quelques noms africains ressortent déjà. C’est le cas au Nigeria, où le Premium Times prévient : « Le conseiller politique spécial du président Goodluck Jonathan, Ahmed Gulak, est en haut d’une liste qui ne cesse de grossir, de personnalités politiques et du monde des affaires qui ont détenus ou détiennent encore des compagnies secrètes et des comptes en banque offshore où ils cachent leur fortune pour échapper à l’impôt, blanchir de l’argent ou commettre des fraudes. »
Ramifications
Ahmed Gulak, proche du président et homme d’affaires diversifiés notamment dans la fourniture de matériel militaire pour le gouvernement, détient les clés d’Erojim Group of Companies, basé à Lagos mais aussi aux Iles Vierges britanniques. Dans cette même liste apparaissent Edmund Daukuru, ancien ministre du Pétrole, et Bello Gwandu, un homme politique du parti au pouvoir, ancien directeur de Nigeria Ports Authority. Tout deux siègent au Conseil d’administration de Caverton Offshore Support Group, ayant elle aussi des ramifications dans les Iles Vierges Britanniques.
Instabilité politique
De l’autre côté du continent, à Djibouti, l’homme d’affaire et opposant malheureux à l’élection présidentielle de 2011, Abdourahman « Charles » Boreh, actuellement exilé à Dubaï, possède lui deux sociétés dissimulées : Net Support Holdings Ltd aux Iles Vierges Britanniques et Value Additions Ltd aux Iles Samoa. Interrogé par l’ICIJ, M. Boreh a indiqué utiliser ces compagnies pour piloter ses investissements à travers le monde afin de mettre ses actifs à l’abris d’une éventuelle instabilité politique.
En Tanzanie, Mehbub Yusufali Manji, issu d’une des familles les plus riches du pays à la tête d’un conglomérat (Quality Group Limited) diversifié dans l’automobile ou l’agroalimentaire, était, de 2007 à 2009, directeur et actionnaire d’Interstrade Commercial Services Limited basé aux Iles Vierges. Toujours dans le même paradis fiscal, l’ICIJ a remonté la piste d’Artemis Group, qui appartient en réalité au Zimbabwéen Conrad Billy Rautenbach, un proche du président Mugabe. Blacklisté par les États-Unis car soupçonné d’aider le régime à détourner l’argent du pays. D’après son avocat, Ian Small Smith, l’entreprise qui aurait servi à investir en Russie, n’existe plus.
Si la liste des personnalités africaines risquent de s’allonger dans les jours qui viennent, elle n’apportera peut être pas toutes les réponses aux multiples questions qui se posent désormais : à quoi servent concrètement ces sociétés ? Simple optimisation fiscale ou fraude ? Détournement ? Blanchiment ? Sûrement un peu de tout ça à la fois…
Jérôme Cahuzac a reconnu dans un communiqué avoir eu un compte à l’étranger depuis une vingtaine d’années.
Le communiqué de Jérôme Cahuzac :
Par lettre du 26 mars 2013, j’ai demandé à Messieurs les juges d’instruction Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke de bien vouloir me recevoir afin que, délivré des obligations de ma fonction, je puisse enfin donner les explications qui s’imposent au regard de la détention à l’étranger d’un compte bancaire dont je suis le bénéficiaire depuis une vingtaine d’années.
J’ai rencontré les deux juges aujourd’hui. Je leur ai confirmé l’existence de ce compte et je les ai informés de ce que j’avais d’ores et déjà donné les instructions nécessaires pour que l’intégralité des actifs déposés sur ce compte, qui n’a pas été abondé depuis une douzaine d’années, soit environ 600.000 €, soient rapatriés sur mon compte bancaire à Paris.
A Monsieur le Président de la République, au Premier Ministre, à mes anciens collègues du gouvernement, je demande pardon du dommage que je leur ai causé. A mes collègues parlementaires, à mes électeurs, aux Françaises et aux Français j’exprime mes sincères et plus profonds regrets. Je pense aussi à mes collaborateurs, à mes amis et à ma famille que j’ai tant déçus.
J’ai mené une lutte intérieure taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel j’ai manqué et le souci de remplir les missions qui m’ont été confiées et notamment la dernière que je n’ai pu mener à bien. J’ai été pris dans une spirale du mensonge et m’y suis fourvoyé. Je suis dévasté par le remords.
Penser que je pourrais éviter d’affronter un passé que je voulais considérer comme révolu était une faute inqualifiable. J’affronterai désormais cette réalité en toute transparence.
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Dans son enquête publiée le 4 décembre, le site d’investigation prétend que Jérôme Cahuzac a détenu un compte «non déclaré» à l’Union des banques suisses (UBS) de Genève, clôturé en 2010 et dont les avoirs ont ensuite été déplacés à Singapour.
Deux jours plus tard, suite aux premières dénégations du ministre, Mediapart met en ligne un enregistrement sonore, qui daterait de 2000. Dans cette bande, issue, selon le site Internet, d’un répondeur téléphonique, un homme présenté comme étant Jérôme Cahuzac évoque son compte en Suisse. «Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas. L’UBS, c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques», dit l’homme à un interlocuteur non identifié sur la bande.
D’où vient l’enregistrement?
Mediapart n’a jamais levé le voile sur l’identité de la source qui lui a transmis l’enregistrement. Mais, fin décembre, le site d’information publie le nom du détenteur d’origine de la bande.
Il s’agit de Michel Gonelle, un ancien élu RPR, qui a perdu en 2001 la mairie de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) au profit de Jérôme Cahuzac, alors député. Selon Mediapart, après avoir appelé Michel Gonelle, Jérôme Cahuzac l’aurait rappelé quelques minutes plus tard, sans s’en rendre compte.
Il était en pleine conversation avec son gestionnaire de fortune. Leur discussion aurait alors été enregistrée par le répondeur téléphonique du maire de Villeneuve-sur-Lot. Michel Gonelle laisse entendre que la bande a été donnée à Mediapart par un autre opposant local du ministre, l’ex-juge Jean-Louis Bruguière, à qui il avait transmis une copie de l’enregistrement. Lequel affirme pour sa part avoir «détruit» cet enregistrement sans l’avoir écouté.
La voix sur la bande est-elle celle de Jérôme Cahuzac?
«Oui!» jure Michel Gonelle, qui s’est même manifesté auprès de l’Élysée pour confirmer l’authenticité du document. Dans le doute, le procureur de Paris, François Molins, a pris l’initiative d’ouvrir le 7 décembre une enquête préliminaire et de requérir une expertise sur la bande. Selon le communiqué du parquet de Paris publié mardi, l’enquête a conclu qu’elle n’avait «subi aucune altération ou modification». Trois témoins ont dit reconnaître la voix de l’ancien ministre, et un autre a reconnu «des intonations de la voix», précise le parquet.
La police technique scientifique qui a comparé la voix de la bande avec celle de Jérôme Cahuzac conclut: «Sur une échelle de -2 à +4, la puissance de l’indice, c’est-à-dire de notre comparaison phonétique et automatique se situe à +2. Autrement dit le résultat de notre analyse renforce l’hypothèse que Jérôme Cahuzac est le locuteur inconnu.»
Qu’est-ce que le blanchiment de fraude fiscale?
Les juges d’instruction Le Loire et Van Ruymbeke, en charge de l’information judiciaire ouverte mardi, ont mis en examen l’ancien ministre pour des faits présumés de blanchiment de fraude fiscale, et non pas directement sur la fraude elle-même. Une manœuvre habile, car les poursuites pour fraude fiscale sont soumises à un avis de la commission des infractions fiscales, placée sous l’autorité du ministère du Budget. Un conflit d’intérêt patent dans le cadre de l’affaire Cahuzac.
Le blanchiment de fraude fiscale est un délit qui consiste à réinjecter dans l’économie le fruit d’une évasion fiscale, par exemple en achetant un appartement avec l’argent placé sur un compte en Suisse. Dans le cas de Jérôme Cahuzac, les juges devront d’abord vérifier l’existence du fameux compte et la provenance des fonds. Selon le parquet, un des témoins entendus par les enquêteurs affirme que les sommes versées «proviendraient de laboratoires pharmaceutiques», une industrie pour laquelle Jérôme Cahuzac a été consultant dans les années 1990. Les enquêteurs chercheront ensuite à déterminer comment cet argent – s’il existe – a été utilisé. Si le délit de blanchiment de fraude fiscale est constitué, le ministre démissionnaire risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.
La Suisse va-t-elle collaborer à l’enquête?
Le 31 janvier, les autorités suisses ont transmis des informations aux services fiscaux français indiquant, selon des proches du ministre cités par le JDD et Le Nouvel Observateur, que Jérôme Cahuzac n’a pas été titulaire d’un compte bancaire à l’UBS depuis 2006. Le document n’a cependant pas été rendu public et Mediapart, tout comme une source judiciaire française citée par l’agence Reuters, conteste l’interprétation qui en est faite par Bercy.
Dans le cadre de l’information judiciaire ouverte mardi, la justice genevoise a reçu une demande d’entraide judiciaire venue de Paris. Les autorités suisses doivent désormais décider si elles y donnent suite ou pas. Aucun délai pour donner une réponse n’est imposé par la loi. Attachée au secret bancaire, la Suisse n’est pas réputée pour sa collaboration en matière fiscale.
«Elle traîne des pieds. Sur 300 demandes, seulement 40 à 50 réponses sont jugées satisfaisantes par Paris», expliquait fin 2012 François d’Aubert, président du groupe d’évaluation du Forum fiscal mondial, à l’Agefi. Mais, face à la forte médiatisation de l’affaire Cahuzac, les autorités helvètes pourraient être forcées de collaborer, surtout si la justice française a recours à une commission rogatoire internationale.
Thierry Barbaut