Un diplomate de l’entourage de Kadhafi a réitéré les accusations de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par l’ancien régime libyen, dans une interview à l’émission « Complément d’enquête », diffusée sur France 2, jeudi 20 juin.
Dans un extrait de la vidéo publiée par Mediapart, Moftah Missouri, conseiller diplomatique et interprète personnel du Guide de la révolution libyenne, affirme que Kadhafi lui a dit, en personne, « verbalement, que la Libye avait versé une vingtaine de millions de dollars ».
Lors de l’interview à « Complément d’enquête », M. Missouri accrédite l’authenticité d’un document officiel libyen dévoilé par Mediapart en avril 2012 qui affirme que Tripoli avait accepté de financer pour « 50 millions d’euros » la campagne de M. Sarkozy. « Ça, c’est le document de projet, d’appui ou de soutien financier à la campagne présidentielle du président Sarkozy », affirme-t-il avant de conclure : « C’est un vrai document. »
Les juges chargés du dossier sur les accusations de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, lancées par l’homme d’affaires Ziad Takieddine, n’enquêtent pas sur ce document. Moussa Koussa, l’ex-chef des services de renseignements extérieurs libyens, et Bachir Saleh, ex-directeur de cabinet de Kadhafi, ont démenti avoir été respectivement l’auteur et le destinataire de la note publiée par Mediapart. En 2012, le président du Conseil national de transition (CNT), au pouvoir en Libye, Mustapha Abdeljalil, avait également estimé que cette lettre était « fausse et fabriquée ».
Mediapart a pourtant publié dans la nuit de jeudi à vendredi les extraits d’e-mails qui lui ont été adressés par Mohammed Ismail, présenté comme l’ancien directeur de cabinet de Saïf al-Islam Kadhafi, décrivant les circuits présumés du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
« Au sujet du financement de la campagne », écrit M. Ismail, selon Mediapart, « une partie des fonds a transité par la North Africa Commercial Bank à Beyrouth, et, à partir de là, vers un compte bancaire en Allemagne relié à Ziad Takieddine ; d’autres montants ont été canalisés par l’entremise de comptes bancaires au Panama et en Suisse ».
Selon Mediapart, M. Ismail, qui vit dans la clandestinité, a envoyé dès mai 2012 des éléments sur cette affaire au site d’information. Mediapart précise que la NACB fait partie des établissements contrôlés par l’Etat libyen et que les circuits bancaires utilisés par M. Takieddine en Allemagne ont déjà été identifiés par les juges, notamment plusieurs comptes ouverts à la Deutsche Bank de Frankfort, au nom d’au moins trois sociétés offshore, Tristar, Rossfield et Como.
Selon la même source, deux de ces entités ont d’ailleurs encaissé, en 2007 et 2008, des sommes provenant de commissions occultes sur des marchés de sécurité en Libye, liées à la société française Amésys.
Dans son mail, Mohammed Ismail souligne aussi que « l’accord » pour libérer les infirmières bulgares en 2007 « impliquait l’achat par la Libye d’un réacteur nucléaire d’Areva, et l’approvisionnement de l’armée libyenne en missiles Milan ».
Il assure également qu‘« une des principales préoccupations de Sarkozy était de vendre l’avion de chasse Rafale pour un montant dépassant les 2 milliards d’euros ».
Ce n’est pas la première fois que des anciennes figures du régime libyen mettent en lumière aussi directement les liens avec la France. « C’est nous qui avons financé sa campagne et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. Nous avons les détails », avait déjà affirmé Saïf al-Islam, le fils de l’ancien dictateur libyen, dès mars 2011, avant la chute de son père.
Un peu plus d’un an plus tard, l’avocat tunisien de l’ex-premier ministre libyen, al-Baghdadi al-Mahmoudi, emprisonné en Tunisie, avait enfoncé le clou : « Mouammar Kadhafi, son régime et les responsables qui travaillaient avec lui ont financé la campagne électorale de Sarkozy en 2007 », avait déclaré Me Bechir Essid, évoquant quelque 50 millions d’euros.
Thierry Barbaut
Avec LeMonde