L’Afrique, nouveau filon pour les banques internationales

Avec un taux de croissance économique deux fois supérieur à celui des pays développés et un milliard d’habitants, l’Afrique aiguise les appétits des banques internationales. Des établissements américains, chinois et qataris y jouent désormais des coudes avec les acteurs européens traditionnels.

La crise de la dette en Europe et le spectre de la récession qui plane sur les économies développées poussent les géants de l’industrie bancaire mondiale à viser de nouveaux réservoirs de croissance. L’Afrique semble, dans ce cadre, tirer le meilleur parti de cette nouvelle orientation stratégique. Et pour cause: à l’heure où les principaux marchés bancaires émergents comme la Chine, le Brésil et la Russie arrivent à maturité, le continent constitue un marché quasi-vierge, avec un taux de bancarisation de moins de 15%.

Devenue un partenaire privilégié des économies émergentes asiatiques très gourmandes en matières premières, l’Afrique affiche également un dynamisme économique certain. Sur la dernière décennie, le PIB africain s’est accru à un rythme moyen de 5% par an, un taux deux fois supérieur à celui des économies développées. En 2012, le continent au milliard d’habitants devrait enregistrer une croissance économique de 5,8%, selon les prévisions du FMI.

Autant d’atouts qui en font une nouvelle terre d’opportunités pour les banques de stature internationale. En novembre 2011, la banque d’affaires américaine JP Morgan a ouvert une filiale spécialisée dans la couverture de change en Afrique du Sud. «C’est maintenant qu’il faut être présent en Afrique pour un retour sur investissement dans les cinq à dix ans à venir surtout que nous voyons nos clients s’installer de plus en plus sur ce continent», explique John Coulter, directeur de la division Afrique de JP Morgan, cité par le Financial Times.

La filiale africaine de la première banque américaine en termes d’actifs devrait aussi jouer le rôle d’éclaireur pour sa maison mère. «Nous voulons développer notre activité de trésorerie et de services aux entreprises à travers toute l’Afrique, mais aussi préparer la voie pour notre activité de banque d’investissement», ajoute John Coulter, indiquant que son établissement est en négociations pour ouvrir une filiale au Nigéria et des bureaux de représentation au Kenya et au Ghana.

Etablissements européens en embuscade. Bien qu’elles opèrent des réductions massives d’effectifs sur leurs marchés domestiques (92.000 emplois supprimés en 2011), les banques européennes s’efforcent, de leur côté, d’étoffer leurs réseaux africains, notamment au sud du Sahara. Ainsi Barclays a délocalisé fin 2011 sa direction Afrique de Dubaï à Johannesburg et fusionné son entité dédiée à l’Afrique avec celle de sa filiale sud-africaine Absa. Ce groupe britannique implanté dans onze pays africains envisage notamment développer des services de banque commerciale

sur le continent. Son directeur général, Bob Diamond, a, d’ailleurs, promis récemment aux actionnaires de porter la contribution des opérations en Afrique aux bénéfices de 16% en 2011 à 25% en 2016.

Déjà présente dans seize pays africains, Standard Chartered compte, par ailleurs, multiplier les agences en Égypte et en Angola et projette d’ouvrir une filiale en Libye. De son côté, le groupe Crédit Suisse a ouvert sa première filiale africaine à Johannesburg en juillet 2011.

Moins timorée que ses consœurs françaises BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole qui semblent avoir opéré un repli stratégique en Afrique, la Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE) a, quant à elle, racheté, en juillet dernier, 75% de la Banque malgache de l’océan Indien et 19,4% de la Banque nationale du développement agricole, au Mali.

Groupes chinois et qataris à l’affût. Les banques originaires des pays émergents et des riches Etats pétroliers du Golfe ne sont pas en reste. Le géant chinois Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) vient, ainsi, d’ouvrir un bureau de représentation à Cap Town, en Afrique du Sud. Selon les analystes, ce bureau devrait servir de base pour une nouvelle stratégie d’expansion en Afrique à la banque la plus rentable au monde (32 milliards de dollars de bénéfice en 2010), qui avait a déboursé 5,4 milliards de dollars pour racheter 20% du capitale de la sud-africaine Standard Bank en 2008.

«Notre décision d’ouvrir un bureau de représentation en Afrique du Sud reflète notre forte conviction dans le développement de l’Afrique, ainsi que l’importance du partenariat stratégique Chine-Afrique», a précisé Jiang Jianqing, président du conseil d’administration d’ICBC.

Pour sa part, la Bank of China a entamé des négociations avec les banques centrales du Cap-Vert et de la Guinée Bissau en vue d’ouvrir des filiales dans ces deux pays.

Présente en Afrique à travers des accords de partenariat avec des banques locales, China Exim Bank, a, quant à elle, débloqué des crédits d’un montant global de 67,2 milliards de dollars pour l’Afrique entre 2001 et 2010, soit davantage que les prêts accordés au continent par la Banque Mondiale sur la même période.

Au Maroc, Qatar national Bank (QNB) semble en bonne position pour reprendre entre 10 et 20% du capital du groupe panafricain d’Attijariwafa Bank, une part qui sera cédée par la Société nationale d’investissement d’ici à fin mars. La banque qatarie, qui a annoncé en janvier dernier l’acquisition d’une part majoritaire dans le capital de l’Union Marocaine des Banques, pourrait ainsi s’implanter indirectement Afrique subsaharienne, où Attijariwafa Bank possède une dizaine de filiales.

Walid Kéfi, Tunis
Les Afriques

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.