Pays du jasmin, la Tunisie excelle aussi dans l’huile d’olive. Avec la harissa, autre emblème national, les produits du terroir procurent revenus et dignité aux femmes rurales
L’huile d’olive tunisienne ravit les plus fines papilles. L’une d’entre elles a remporté en 2017 la médaille d’or dans une prestigieuse compétition internationale. Et cette année encore, le pays connaît une production record. En 2018, les exportations du précieux liquide doré ont augmenté de 124,57% en quantité et de 157,53% en valeurs. Ces bons résultats positionnent la Tunisie au deuxième rang des producteurs mondiaux. Ainsi, le secteur, pourvoyeur d’emplois dont la plupart sont occupés par des femmes, apparaît comme une bénédiction dans un pays en crise économique depuis la révolution.
A Sidi Saâd, localité rattachée à Mornag, dans le Sud-Est de Tunis, des dizaines de femmes, de tout âge, s’affairent au petit matin sur la route. Elles sillonnent les sentiers pour atteindre les oliveraies perchées sur les hauteurs de la bourgade. La saison vient de commencer et l’heure de la cueillette a sonné. Cette année, la récolte s’annonce prometteuse. L’Office national de l’huile (ONH) espère une production de plus de 180 mille tonnes.
« La cueillette des olives, un beau spectacle. Oh ! bon vieux temps si tu reviens. »
« As-tu ramené les peignes et les bâches en plastique ? », demande Halima à sa fille Noura. Enthousiaste et débordante d’énergie, la petite répond par l’affirmative.« La cueillette des olives, c’était tout un beau spectacle. Oh ! Bon vieux temps si tu reviens » s’exclame Halima. Le champ d’olives à cueillir par Noura, sa mère et bien d’autres employées saisonnières payées à la journée (15 dinars/ 5,99 USD), compte plus de mille arbres. Une fortune considérable, de l’avis de Halima.
« Cette année, le litre d’huile est fixé à 14 dinars (5,59 dollars). Une aubaine pour les propriétaires », soupire Halima. Des propos qui ne plaisent guère à Ibrahim, le propriétaire du champ. Il rectifie : « Quand la saison est bonne, tout le monde en tire profit. L’olivier, ce présent divin, est très précieux, il peut sauver une économie aux arrêts. L’Etat s’est engagé à planter 10 millions d’oliviers entre 2016 et 2020, selon le ministre de l’Agriculture, Samir Bettaieb ».
Un million d’emplois, dont une majorité occupés par des femmes
Une orientation stratégique de l’Etat car ce secteur emploie, directement ou indirectement, plus d’un million de personnes. Il fournit 34 millions de journées de travail par an, soit 20 % de l’emploi agricole, d’après des statistiques officielles. Une activité largement occupée par les femmes, mais l’absence de recensement et la prégnance de l’informel empêchent toute évaluation. Ces femmes sont poussées vers les champs par le chômage de leurs maris.
En 2015, l’ONG Oxfam estimait que le secteur de l’huile d’olive en Tunisie favorisait l’autonomisation financière des femmes rurales « en raison d’une forte mobilisation de main-d’oeuvre féminine et de son importance comme produit d’exportation, principalement vers les pays européens et les Etats Unis ».
Les coopératives pour tirer un meilleur fruit de leur labeur
Afin de profiter au mieux des fruits de leur labeur, les autorités locales incitent les productrices à se regrouper. Le Cepex, entre autres structures, les accompagne pour améliorer leur packaging, renforcer leur compétivité et atteindre l’objectif suprême : l’export. Il en va ainsi de l’huile d’olive mais également de la harissa. Autre produit phare du terroir local, sa culture, de la production à la commercialisation, en passant par la cueillette, reste une affaires de femmes. Les paysannes dans les champs, les citadines dans les usines.
Symbole de la féminisation du secteur agricole tunisien, le gouvernement a inauguré, le 8 mars dernier, journée internationale des droits des femmes, un point de vente de produits du terroir à Sfax. Cette démarche, généralisée à toutes les régions du pays, s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale d’autonomisation des femmes rurales. Sur les étals des points de vente, de l’huile d’olive, de la harissa, mais également des épices, du pain traditionnel, ainsi que des articles de vannerie et de poterie… Désormais, les femmes de Bir Ali Ben Khelifa, Mahrès et Kerkennah, et des autres localités isolées de la région ont désormais, leur point de vente, et un revenu.
La journée s’achève à Sidi Saâd. Alors qu’Ibrahim salue ses ouvriers Halima et les autres glanent, silencieusement mais soigneusement, les graines éparpillées ici-et-là, dans les ombres dansantes des arbres. Il ne faudrait pas laisser une miette de ce trésor.