L’usine Renault «made in Maroc» relance le débat sur le «fabriqué en France»

AUTOMOBILE – En plein débat sur l’avenir du «made in France», l’ouverture d’une immense usine Renault à Tanger risque de relancer, en période électorale, la polémique autour des délocalisations…

Un sérieux couac à l’heure où les candidats à la présidentielle vantent le «made in France». Le PDG de Renault, Carlos Ghosn et le roi du Maroc Mohammed VI inaugurent ce jeudi un immense site, de 300 hectares, implanté à seulement 14 kilomètres des côtes européennes. Les coûts salariaux y sont plus de quatre fois inférieurs au salaire minimum français. Le site représente un investissement de 600 millions d’euros, qui pourra être porté jusqu’à un milliard en fonction de la variété des modèles qui sortiront des lignes.

Les bas coûts en Europe de l’Ouest n’existent pas

Interrogé sur RTL ce jeudi matin, Carlos Ghosn a fait valoir qu’il était impossible de produire à bas coûts en Europe de l’Ouest. «La question du positionnement d’une usine comme cela en Europe de l’Ouest, et particulièrement en France, ne se posait même pas dès le départ puisque c’était incompatible avec le concept», a-t-il déclaré. Il a toutefois rappelé que le plan stratégique de Renault à moyen terme prévoyait chaque année une augmentation de la production du constructeur en France.

Le site de Meloussa s’inscrit dans la stratégie d’internationalisation des ventes du groupe. Comme tous les constructeurs, Renault cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis d’un marché européen atone depuis la fin des dernières primes à la casse, et estime que ses ventes hors d’Europe devraient représenter 47% de ses ventes totales à la fin de l’année.

«Il n’y a que du bien à attendre d’une telle usine en termes de production et de coûts, commente Philippe Barrier, analyste automobile à la Société générale. Le groupe élargit encore sa gamme et va au plus près du marché. Il s’assure aussi une base de production imbattable.»

La production hexagonale de Renault en baisse de 6,4% en 2011

Le poids des véhicules Renault, tels qu’on l’entend en Europe, baisse donc mécaniquement, tout comme la production du groupe en France, phénomène que l’ouverture de l’usine de Tanger va encore accentuer.

Le site produira entre 150.000 et 170.000 véhicules par an quand elle tournera à plein et emploiera 6.000 personnes. Les boîtes de vitesse et les moteurs, comme d’autres composants, ne seront pas fabriqués sur place mais importés de France, d’Espagne et de Roumanie. «Ce n’est pas quelque chose qui se fait au détriment de la France mais qui vient au contraire ajouter à la charge de travail en France dans nos ingénieries, dans nos usines moteur, au niveau de nos fournisseurs», a affirmé Carlos Ghosn.

Renault a produit 646.319 véhicules en France en 2011, soit une progression de 1,5% par rapport à l’année précédente. En revanche, en prenant uniquement les voitures, la production de Renault sur le sol français a baissé l’an dernier de 6,4% à 444.862 unités, tandis que celle de Citroën a augmenté de 10,4%, et que celle de Peugeot est restée stable (-0,8%), selon les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA).

Désormais, Renault réalise seulement un quart de sa production et de ses ventes en France. PSA produit de son coté 44% de ses véhicules dans l’Hexagone, qui a représenté en 2011 22,6% de ses ventes mondiales.

Les syndicats craintifs mais lucides

Une situation que déplorent les syndicats hexagonaux. «Il ne s’agit pas de tout rapatrier en France mais il faut un équilibre des volumes de production entre les sites industriels en Europe», fait valoir Fabien Gâche, délégué central de la CGT.

«Renault ne doit pas abandonner sa base française et son marché européen en se positionnant prioritairement sur les véhicules d’entrée de gamme», exige la CFE-CGC, premier syndicat du groupe.

Ils craignent aussi que les futurs monospaces et utilitaires produits à Tanger concurrencent les Scénic et Kangoo, tous deux fabriqués en France.

20minutes.fr

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.