Mali: La crise humanitaire sera de grande ampleur et accompagnée d’exactions

Manque de nourriture et d’eau, pénurie d’essence, violences à l’encontre des populations… Le Haut Commissariat aux réfugiés s’inquiète des témoignages rapportés par les déplacés et les réfugiés maliens. Revue de détails.

Carte-crise-nord-MaliÀ Bamako, le nombre de déplacés atteint désormais les 50 000 personnes, selon le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR). Parmi eux, une jeune femme de 18 ans, surnommée Agesha, qui vient de trouver refuge dans la capitale malienne après trois jours d’un long voyage, qui lui a coûté environ 120 dollars en passant par le Niger et le Burkina Faso. « Son récit est alarmant sur la situation dans le nord du pays », s’inquiète William Spindler, porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés.

Agesha rapporte auprès du HCR les atrocités dont elle a été témoin : des personnes amputées d’une main ou d’un pied pour des vols présumés, une femme tuée d’une balle dans la tête par un rebelle pour avoir refusé d’ouvrir son sac avant de monter dans un bus. « Si les combattants n’empêchent pas les populations de partir, ils exercent de nombreux contrôles à la sortie des villes, fouillent les sacs pour prendre l’argent et la nourriture », précise William Spindler, basé à Bamako.

Mais les témoignages d’horreur ne s’arrêtent pas là. « Certains évoquent les violences sexuelles faites aux femmes, d’autres rapportent des exactions », énumère-t-il. Des enfants auraient été enlevés à leur famille et formés au combat par les rebelles. » Interrogée par RFI, Françoise Ackermans, responsable du bureau de l’Unicef au Mali, fait état « d’enfants enrôlés de force qui servent de boucliers ».

La situation humanitaire s’aggrave, dénonce le HCR. Selon les déplacés, « la nourriture manque, les magasins et les commerces sont fermés, les lignes téléphoniques sont coupées sans oublier l’essence, qui fait aussi défaut », détaille William Spindler.

« Les tensions ethniques s’exacerbent »

 

Les derniers chiffres du HCR

Depuis le début du conflit dans le nord du Mali il y a un an, plus de 150 000 réfugiés ont fui vers les pays voisins, la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso. Par ailleurs, près de 230 000 personnes déplacées ont trouvé refuge à l’intérieur même du Mali. Depuis le début de l’intervention française pour aider l’armée malienne à stopper l’offensive des combattants extrémistes, plus de 9 000 nouveaux réfugiés ont quitté le pays : 5 486 Maliens sont arrivés en Mauritanie, 2 302 au Burkina Faso et 1 578 au Niger.  

Depuis le début du conflit dans le nord du pays il y a un an, beaucoup de familles déplacées à Bamako ont été déracinées à plusieurs reprises. « Elles ont fui l’avancée des rebelles une première fois avec l’espoir de retourner chez elles, mais se sont retrouvées à devoir s’éloigner un peu plus », explique William Spindler. C’est le cas d’un jeune Malien de 20 ans qui a quitté Tombouctou en avril dernier avec sa famille pour s’installer à Mopti. Après des rumeurs d’attaques, ils sont partis se réfugier à Sévaré mais les combats, au début du mois de janvier, les ont finalement poussés à rejoindre Bamako.

Par ailleurs, beaucoup de réfugiés sont des femmes et des enfants touaregs ou arabes, qui parlent tamasheq ou arabe. « Ils indiquent avoir fui le pays craignant d’être pris pour des rebelles », note le porte-parole du HCR qui redoute que les tensions ethniques s’exacerbent. Car certains combattants, qui ont peur de l’armée malienne, se cachent en se fondant dans la population civile.

« À Bamako, on ne voit que la partie émergée de l’iceberg »

« Il est difficile d’avoir une vision globale de la situation », commente William Spindler, qui se base sur le recoupement des témoignages des déplacés dans le Mali avec ceux des réfugiés qui se trouvent dans les pays voisins, en Mauritanie, au Burkina Faso et au Niger. Mais le HCR craint que la situation dans le Nord-Mali soit bien pire. « À Bamako, on ne voit que la partie émergée de l’iceberg », estime-t-il.

La plupart des organisations humanitaires travaillant au Mali s’accordent pour dire que la situation humanitaire dans le pays avait déjà atteint un stade critique, et ce avant même la récente série des combats. Les pays de la région du Sahel – parmi les plus pauvres du monde – sont confrontés à une grave sécheresse depuis des années.

Thierry Barbaut
Avec France24.fr

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.