C’est de manière très subtile que la Chine se développe avec les outils d’apprentissage du Mandarin, les Marocains sont nombreux à choisir la langue des Chinois.
Etudiants, hommes d’affaires ou fonctionnaires : de plus en plus de Marocains souhaitent apprendre le mandarin. Un engouement sur lequel surfe la Chine, qui vient notamment d’ouvrir un deuxième institut Confucius dans le pays.
C’est un fait, les citoyens de l’un des plus beaux pays du monde se mettent à la langue chinoise. Et si l’on ne peut pas encore parler de véritable mode ou de phénomène, il n’en reste pas moins que l’apprentissage du chinois se développe peu à peu.
Le premier institut Confucius (organisme culturel public à but non lucratif) s’est installé à la faculté des lettres de Rabat en 2009, le deuxième a vu le jour en janvier 2013 à l’université Hassan-II de Casablanca.
Depuis 2005, sur le continent africain, 31 instituts ont été créés dans 26 pays différents.
Des chiffres qui témoignent de la volonté de l’empire du milieu d’étendre son rayonnement culturel à l’étranger. Une stratégie qui fait son bonhomme de chemin…
Ni grammaire, ni conjugaison
« Ni lei ma ? » (« Etes-vous fatigués ? ») demande Doume à ses élèves, qui répondent par la négative. Après une dictée éprouvante, place à la prononciation. Un exercice fastidieux mais nécessaire, puisque le mandarin est une langue monosyllabique et tonale (quatre tons). Par exemple, la syllabe « ma », suivant les tonalités, peut signifier « mère », « cheval », « chanvre » ou « injurier ».
De quoi provoquer des malentendus et des fous rires parmi les 15 élèves. La méthode pédagogique : répétition, pratique et répétition, une technique qui semble bien fonctionner. Alors qu’ils ne sont qu’au stade de novices, les étudiants maîtrisent déjà les quatre tons et les formules de politesse quotidiennes.
Si baragouiner quelques mots à l’oral s’acquiert facilement, l’écriture du chinois n’est pas chose aisée puisqu’il s’écrit sous formes d’idéogrammes (symbole graphique représentant un mot), aussi appelés sinogrammes, et il en existe plus de 6 000. « Pour avoir des bases solides, il faut au minimum une année de formation », explique la directrice de l’institut.
Néanmoins, cette langue a beaucoup d’avantages. L’écriture chinoise, qui peut s’apparenter à de la calligraphie, permet de faire travailler la mémoire visuelle. Et, surtout, il n’y a ni grammaire ni conjugaison. Les professeurs, qui sont au nombre de cinq, viennent tous de Chine.
Pour pouvoir dispenser des cours à l’institut, la condition sine qua non est la maîtrise d’une autre langue : le français, l’anglais ou l’arabe, à l’instar de Doume qui a choisi de venir enseigner au Maroc pour améliorer son niveau d’arabe.
Rayonnement culturel
« Les médias parlent sans arrêt du réveil de la Chine, alors qu’elle a toujours été éveillée et pas nous ! » déclare Mohamed Salhi, vice-doyen de la faculté de lettres de Rabat. Assis à son bureau, lunettes sur le nez, il estime que le XXIe siècle sera asiatique ou ne sera pas. « Lorsqu’ils veulent quelque chose, ils l’obtiennent, on le voit bien en Afrique. En Tanzanie, l’institut Confucius a construit un village entier. »
Premier investisseur sur le continent noir, troisième partenaire commercial du Maroc, la Chine s’implante toujours plus : importation des produits made in China (21 milliards de dirhams marocains en 2011 [1,87 milliard d’euros]), chantiers de construction d’infrastructures, implantations d’usines, etc.
Et, pour pérenniser ses relations économiques avec le royaume chérifien, la Chine intensifie son rayonnement culturel. D’autant qu’elle a besoin d’une main-d’œuvre capable de maîtriser sa langue : « Les entreprises chinoises installées ici choisissent des étudiants de la faculté pour venir travailler avec elles. » De son côté, la faculté organise des séjours auprès des organismes touristiques chinois pour attirer de nouveaux professeurs dans le pays. « On reçoit des centaines de demandes », affirme Mohamed Salhi.
Des bourses pour étudier en Chine
La faculté de Rabat a aussi créé une filière intitulée Langue et culture chinoises qui délivre une licence après trois années de cours. Pour sa première année d’existence, celle-ci compte 22 étudiants. Au programme : cours de langue bien sûr, mais aussi enseignement de l’histoire, de l’économie, de la littérature, du chant et même du tai-chi-chuan, un dérivé des arts martiaux qui développe la maîtrise de soi et les techniques de respiration. Après l’obtention de la licence, les élèves qui le souhaitent pourront aller à l’université internationale de Pékin pour continuer en master et en doctorat.
Thierry Barbaut
Avec CI