On dit souvent que les dirigeants d’un pays sont le reflet de leur peuple
Mais les Nigérians peuvent se demander comment, alors même qu’ils ont focalisé leur énergie sur un véritable changement de gouvernance, les dieux ont conspiré pour leur offrir des législateurs fédéraux rétrogrades. Lorsque cette volonté de changement s’est manifestée via les urnes, les espoirs ont été nourris pour que le gouvernement soit enfin au service des masses. Ce faisant, les Nigérians ont voté massivement pour un président qui, en dépit de son passé dictatorial, a promu une rupture avec le système de la corruption institutionnalisée menaçant l’avenir du pays.
La déception a donc été importante au moment de l’élection de la 8ème Assemblée Nationale qui réunit un groupe de vautours politiques se nourrissant des carcasses des espoirs collectifs des Nigérians. En effet, cette Assemblée nationale a échoué comme institution démocratique dans sa mission première de création des lois. Ses membres se sont concentrés sur des frivolités, unis par leur avidité commune, ils n’ont fait que saboter les efforts visant à débarrasser le système des charognards pillant les richesses économiques de la nation.
Le chef de la 8ème Assemblée nationale est actuellement confronté à un procès suite à son refus de divulguer ses actifs en conformité avec les lois en vigueur. En réponse, ses collègues du Sénat se sont mobilisés pour modifier la Loi permettant son incrimination. Alors que l’intention de l’amendement n’est pas tout à fait à blâmer, le calendrier choisi par les législateurs trahit le motif égoïste de couvrir leur pair. Le Sénat est devenu ces dernières années une maison de retraite pour les anciens gouverneurs, et il faut craindre qu’ils aient aussi enfreint la même loi, d’où leur volonté de soutenir cet amendement. Si vous n’aidez pas votre voisin quand sa maison brûle, votre maison brûlera aussi…
Un budget de 120 milliards de Naira pour une Assemblée nationale de moins de 500 représentants élus dans un pays où plus de 60 millions de personnes vivent avec moins de 2 $ par jour peut être considéré comme un crime contre l’humanité. Sous d’autres cieux les élus sont des employés du peuple, et leurs actions suis cette logique. Mais au Nigeria, les parlementaires ne sont pas responsables de leur circonscription parce qu’ils ont payé leur « ticket » pour accéder aux chambres sacrées. Ainsi, tous les efforts déployés par les militants de la société civile pour réduire le budget de l’Assemblée nationale et ouvrir ses comptes au contrôle citoyen ont avorté. Un électeur nigérian disposant d’une connexion Internet ou d’une télévision par câble a plus de chance de savoir combien Obama a gagné en 2015 que de connaître le salaire de ses propres élus.
Qu’est qu’est-ce que les Nigérians retirent d’une Assemblée nationale lui coûtant 120 milliards de Naira? Les débats sur les projets de loi ne sont accélérés que lorsqu’ils sont conformes aux agendas égoïstes des législateurs. Sur plus de 150 projets de loi présentés au Sénat depuis juin 2015, seulement 12 ont dépassé la 2ème lecture. Parmi ceux-ci, on trouve des projets de loi destinés à museler la liberté de la presse ; d’autres visent à accorder aux politiciens l’immunité contre les critiques des médias sociaux. Pour créer une illusion d’action, les sénateurs, dont le travail consiste à mettre en place une législation qui permettrait d’améliorer le climat des affaires au Nigeria, se sont tournés vers la mode des hashtags et les séances photos pour promouvoir le « Made in Nigeria », et la promotion des vues économiques paroissiales et intolérantes déguisées en patriotisme.
Pour son autoprotection, le législateur a construit un cadre tellement protecteur qu’il devient irrévocable quels que soient ses agissements. Récemment, le président est allé en Chine pour obtenir des prêts et attirer des IDE, et les États-Unis ont promis près de 40 millions de dollars dans le cadre d’une nouvelle aide humanitaire pour soutenir les personnes dont les vies ont été affectées par la violence de Boko Haram. Pendant ce temps là, selon l’un des sénateurs, les Nigérians devraient être reconnaissants de la formidable économie consentie par l’assemblée qui devait acheter 109 voitures, mais à cause du manque de fonds, n’en a acheté que 36.
La réalité est que les Nigérians ne peuvent plus se permettre de subventionner les désirs ostentatoires de parlementaires insensibles aux réalités économiques et aux priorités politiques de la nation. Les Nigérians doivent donc rester vigilants s’ils souhaitent vraiment que leur pays avance et que la corruption recule. Ils doivent être très critiques face aux agissements de leur parlement et ne pas laisser cette noble institution, tellement centrale dans une démocratie, continuer à être gangrenée par un groupe d’escrocs publics. Le peuple doit prendre ses responsabilités et le Président doit également agir dans ce sens sans quoi le peuple pourra douter de sa réelle volonté d’assainir le pays.
Bukola Ogunyemi, analyste pour Africanliberty. Article initialement publié en anglais par African Liberty – Traduction réalisée par Libre Afrique – Le 9 mai 2015