La communauté internationale, de façon quasi simultanée, multiplie ses offres de service pour aider le Nigeria à contrer le groupe jihadiste Boko Haram.
Mise à jour:
LUNDI 12 Mai:
Une vidéo de Boko Haram, obtenue aujourd’hui par l’Agence France-Presse, montre une centaine de jeunes femmes présentées comme les lycéennes nigérianes enlevées mi-avril dans le nord-est du pays.
Dans cet extrait, le chef de la secte islamiste Abubakar Shekau affirme les avoir converties à l’Islam et ajoute qu’il ne les libèrera qu’en échange de prisonniers du groupe islamiste.
Abubakar Shekau parle pendant 17 minutes dans cette vidéo, qui montre ensuite une centaine adolescentes portant un voile couvrant tout leur corps, en train de prier dans un lieu non-identifié.
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SAMEDI 10 Mai: Des jeunes filles repérées en Centrafrique !
Environ 50 jeunes femmes anglophones auraient été aperçues à Birao, dans le nord de la République centrafricaine, la semaine dernière. Escortées par des hommes armés, elles auraient quitté la ville dans la nuit de dimanche à lundi.
Certaines lycéennes nigérianes enlevées par Boko Haram ont-elles transité par le nord de la Centrafrique ?
D’après un notable local, qui s’appuie sur plusieurs témoignages d’habitants, une cinquantaine de jeunes femmes anglophones sont arrivées mercredi 30 avril à bord d’un camion à Birao, petite ville de l’extrême-nord de la Centrafrique. Une information qui reste à confirmer.
Elles étaient encadrées par des hommes lourdement armés qui parlaient aussi anglais et des membres de l’ex-rébellion de la Séléka.
Selon notre source, proche des anti-balaka, le convoi, composé de deux camions et d’un pick-up, avait auparavant été aperçu à Tiroungoulou (environ 170 kilomètres au sud-ouest de Birao) et venait peut-être du Tchad. Une information démentie dans l’après-midi par l’ambassade du Tchad à Paris.
Une maison étroitement surveillée
« À leur arrivée, certaines étaient apeurées, pleuraient et étaient violemment réprimandés en anglais », précise notre source. Les adolescentes et leurs gardiens auraient ensuite logé plusieurs jours dans une maison de Birao dont les habitants ne pouvaient approcher. Le groupe aurait quitté les lieux dans la nuit du dimanche 4 au lundi 5 mai sans laisser de traces.
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Mercredi 7 mai, la Grande-Bretagne, la Chine, la France, les Nations unies ont emboîté le pas aux Etats-unis qui avaient déjà proposé de dépêcher une équipe au Nigeria mardi.
La menace de Boko Haram de vendre comme « esclaves » les lycéennes enlevées mi-avril à Chibok, brandie par le chef du groupe islamiste, a suscité une indignation mondiale.
Les partenaires du Nigeria vont tenter d’éviter les doublons dans l’assistance qui s’organise. L’équipe prévue par la Grande-Bretagne devrait se concentrer sur le conseil aux autorités locales. Si la mission de ces experts n’est pas précisée, le soutien occidental devrait se concentrer sur le renseignement.
L’équipe américaine, qui, elle, comprend du personnel militaire, sera sans doute plus impliquée dans la préparation d’actions de terrain pour localiser et libérer les jeunes filles. « Cet enlèvement pourrait bien mobiliser la communauté internationale tout entière contre cette organisation horrible ».
Les mots sont de Barack Obama, le président américain. Ils illustrent le changement de ton face à la récente montée en puissance du groupe Boko Haram et son dernier coup de force qui a ému le monde entier.
On sait peu de choses de l’aide promise par la Chine et la France mercredi, si ce n’est que Paris propose de mettre en commun ses renseignements ainsi que ceux d’autres pays de la région. Le président français, François Hollande a ainsi annoncé l’envoi imminent d’une équipe. L’ONU a présenté un plan pour sécuriser les écoles et protéger les populations civiles.
Cette déferlante d’offres de service intervient 48 heures après la diffusion de la vidéo du chef de Boko Haram dans laquelle Abubakar Shekau indique qu’il est prêt à vendre en esclave des fillettes de neuf ans.
Des soutiens internationaux difficiles à mettre en place
Ce sont les citoyens nigérians, qui, indignés de l’absence de résultats des forces armées du pays, demandent depuis une dizaine de jours avec insistance au gouvernement de solliciter l’expertise de partenaires.
Fin avril, le Royaume-Uni et les Etats-unis avaient déjà proposé leur aide à Abuja qui, publiquement tout du moins, n’avait pas donné de suite à la proposition de ces pays, pourtant amis. Des pays qui ont aussi un intérêt à ce que la menace Boko Haram soit contenue. Or le groupe jihadiste, ces dernières semaines, multiplie des incursions au Cameroun mais aussi on l’a vu mercredi, au Niger.
Johnnie Carson, ancien secrétaire d’Etat américain chargé des affaires africaines, connaît bien cette région. Il espère que le gouvernement nigérian va vraiment accepter dans les faits une aide américaine refusée jusque-là à de nombreuses reprises. « Ce que nous pouvons faire pour le Nigeria, explique ce dernier, c’est de les aider à recueillir les renseignements, à mieux lier les informations, les aider à améliorer leurs techniques d’investigation, les aider dans la pratique de l’analyse des indices. Mais il est possible aussi de donner des photos satellites et des images qui peuvent être utiles. Nous avons des satellites qui passent au-dessus de cette région. […] Nous avons aussi des avions qui peuvent être utiles. »
La question d’un soutien occidental est cependant encore trop sensible. Si les Américains et les Français possèdent des bases militaires dans la région et que l’expérience de Paris et Londres dans le règlement des prises d’otage est connue, personne n’évoque pour l’instant un appui militaire direct en cas d’intervention contre les ravisseurs.
ZOOM : L’ONU présente son projet « école sûre »
L’ONU a prévu d’aider le Nigeria à améliorer la sécurité dans ses écoles. Le projet « Safe School », ou « école sûre », a été dévoilé, mercredi 7 mai, par l’envoyé spécial des Nations unies chargé de l’Education. L’ancien Premier ministre britannique Gordon Brown a lui présenté l’initiative en marge du forum économique mondial qui se tient actuellement à Abuja, la capitale du Nigeria.
Le projet « Safe School » sera d’abord testé dans cinq cents écoles du nord du Nigéria, la région la plus exposée aux attaques de Boko Haram. La priorité est d’identifier les écoles à risques. Avant le kidnapping spectaculaire à Chibok mi-avril, Boko Haram a par deux fois conduit des attaques sanglantes dans deux établissements de la région ces douze derniers mois tuant à chaque reprise des dizaines d’élèves. Il faut y mettre un terme et les Nations unies veulent aider, a déclaré Gordon Brown :
« Nous offrons notre soutien au peuple et au gouvernement du Nigeria dans toutes les initiatives qu’ils prendront afin de permettre aux filles et aux garçons du Nigeria, mais surtout aux filles, de pouvoir faire ce qui est considéré comme acquis, comme quelque chose d’ordinaire dans les autres pays, c’est-à-dire de pouvoir aller à l’école en sécurité. Et nous ferons tout notre possible pour soutenir cette initiative. »
Le projet « Safe School », a précisé Gordon Brown, prévoit de poster des gardes de sécurité et des policiers autours des écoles. Les acteurs économiques du Nigéria ont promis un premier versement de sept millions d’euros pour soutenir l’initiative.