Situation dramatique en Centrafrique, en effet le nouveau président semble incapable de tenir ses troupes.
Les pillages sont violent de jour comme de nuit, régulièrement les civils sont pris pour cible, assassinats et viols sont désormais le lot quotidien de la population à Bangui.
Dépèche AFP:
Témoignages d’habitants de Bangui:
« Cet acte traduit un esprit de vengeance qui anime beaucoup de Centrafricains aujourd’hui »
Patrick V. (pseudonyme) habite à Boy Rab, dans le nord de Bangui, dans la zone Mandaba où un membre de la Séléka a été tué par les habitants. La scène s’est déroulée devant chez lui.
Le matin même dans le quartier, il y avait eu des opérations de désarmements menées par la Force multinationale d’Afrique centrale [En collaboration avec la Séléka, la FOMAC est chargée de désarmer les combattants indisciplinés de l’ex-rébellion qui sont actuellement dispersés dans la ville] et le calme semblait être revenu. J’avais mis ma famille à l’abri lundi matin dans un quartier au sud de Bangui et je venais de rentrer chez moi pour sécuriser ma maison.
J’étais devant mon domicile lorsque j’ai aperçu un membre de la Séléka en uniforme, tout seul mais toujours armé, pris à parti par quatre jeunes du quartier qui lui lançaient des pierres. Le soldat a tiré en l’air avec son fusil, puis à mesure qu’il recevait des coups de pierres, il s’est retrouvé totalement désarçonné. Les jeunes lui ont sauté dessus, l’ont frappé, puis ils ont récupéré son arme pour le tuer à bout portant.
Des dizaines de personnes sont ensuite arrivées pour passer à tabac le soldat en lui donnant des coups de pieds alors qu’il gisait mort par terre. Puis la foule s’est dispersée car un véhicule de la Séléka est venu récupérer le corps et tirer quelques coups de fusil pour manifester leur mécontentement après le décès d’un des leurs.
Les témoins de la scène affirment que c’est le membre de la Séléka au t-shirt rouge qui a été tué par les civils.
« Le reste de la population paye pour les anciens militaires qui cachent encore leurs armes »
Le quartier de Boy Rab est particulièrement visé par les membres de la Séléka [de nombreux domiciles ont été pillés ces derniers jours] car il est réputé pro-Bozizé et surtout c’est ici qu’habitent beaucoup d’anciens officiers militaires, des membres de l’administration et des hommes d’affaires proches de l’ancien président. Le nouveau gouvernement considère cette zone comme une poche de résistance qui tenterait d’organiser le retour de l’ex-président. S’il y a peut-être encore des militaires qui cachent leurs armes parmi nous, c’est finalement le reste de la population qui paye pour eux.
Je connais ces jeunes qui ont tué ce membre de la Séléka : ce sont des petits artisans qui avaient été pillés récemment. Si rien ne justifie ce qu’ils ont fait, leur acte traduit un esprit de vengeance individuelle qui anime beaucoup de Centrafricains aujourd’hui. L’atmosphère est suffocante. Nous avons le sentiment qu’il n’y a plus de justice dans notre pays, et que la seule façon d’être satisfait, c’est de se faire justice soi-même.
PARIS, « PRÉOCCUPÉ », S’EN REMET AUX PAYS DE L’AFRIQUE CENTRALE.
La situation en Centrafrique, où des rebelles ont pris le pouvoir le mois dernier, est « extrêmement tendue et inquiétante », a déclaré aujourd’hui Laurent Fabius.
Des combats meurtriers se déroulent à Bangui entre les forces du chef rebelle Michel Djotodia et les partisans du président déchu François Bozizé. La France a envoyé sur place deux compagnies qui tiennent l’aéroport, assurent la sécurité des points de ravitaillement et protègent son ambassade, a rappelé Laurent Fabius lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale.
« Il y a actuellement, d’après les renseignements fournis par notre ambassadeur, beaucoup de pillages, beaucoup de morts et beaucoup, beaucoup d’inquiétude », a ajouté le chef de la diplomatie française. « La France est disponible pour appuyer tout effort pour revenir vers la stabilité mais il faut mettre en place des autorités légitimement reconnues, ce qui n’est pas le cas du président actuel ».
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La France, « préoccupée » par les affrontements meurtriers en Centrafrique, soutient l’action de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) qui doit se réunir jeudi à N’Djamena, en vue d’une sortie de crise, a indiqué lundi le Quai d’Orsay.
« Nous sommes vivement préoccupés par la situation en République centrafricaine. La persistance des violences à l’encontre des populations civiles n’est pas acceptable », a indiqué Philippe Lalliot, porte-parole des Affaires étrangères, lors d’un point-presse.
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« Il est urgent que les autorités qui contrôlent Bangui assurent l’ordre public et la sécurité. Quiconque se rendra coupable d’exactions devra rendre des comptes aux juridictions compétentes », a-t-il ajouté.
Une vingtaine de personnes ont été tuées samedi et dimanche à Bangui lors d’affrontements entre des habitants et des éléments de la coalition Séléka au pouvoir depuis le 24 mars.
Le nouveau président, Michel Djotodia, a accusé les partisans de l’ancien régime de François Bozizé de vouloir déclencher « une guerre civile ».
Paris dit apporter son « plein soutien » à la CEEAC « pour qu’elle clarifie au plus tôt, avec l’appui de l’Union africaine, les conditions d’une sortie de crise et d’une transition consensuelle ».Un sommet extraordinaire de la CEEAC prévu ce lundi à N’djaména a été reporté au 18 avril.
Le président tchadien Idriss Déby avait indiqué ce week-end avoir « repoussé ce sommet (à jeudi) pour donner un peu de temps aux Centrafricains pour s’organiser et venir avec des propositions concrètes de sortie de crise ».
« A nos yeux, toute solution politique en République centrafricaine doit repartir du cadre fixé par les accords de Libreville du 11 janvier 2013, sous l’égide de la CEEAC », a affirmé Philippe Lalliot.
Pour Idriss Déby, la mise en oeuvre de ces accords qui prévoient l’organisation d’élections « dans un délai de 18 mois à deux ans », est aussi « la seule possibilité de sortie de crise ».
« La Centrafrique est un pays qui n’a pas d’armée, pas d’administration, pas de police ni de gendarmerie pour sécuriser les personnes. En 18 mois, il faut créer une armée, une force civile qui puisse permettre aux élections de se dérouler », a-t-il affirmé.
Chef de la coalition rebelle qui a renversé François Bozizé, M. Djotodia a été élu samedi par acclamation président de la République, lors de la première session du Conseil national de transition, formé par toutes les composantes politiques du pays. Il était l’unique candidat.
Thierry Barbaut