Retour sur le pagne: Histoire, traditions et coutumes

Pour ceux qui ne le savent pas, le pagne africain est une étoffe rectangulaire qui peut servir aussi bien de vêtement que de couverture. Concernant le vêtement, il se caractérise par la diversité des techniques de fabrication et des matériaux. Et très important, notez que le pagne africain a d’autres utilités, nous y reviendront !

 

Commençons par le commencement et intéressons nous à la manière dont on fabrique les pagnes africains.

La technique de fabrication du tapa vient des pygmées d’Afrique centrale ou les Mangbetu de la République Démocratique du Congo.

Toutefois, de nos jours, ladite technique s’est modernisée et on la voit un peu partout en Afrique. Lors de la fabrication proprement dite, ce sont les hommes qui sont chargés de battre les fibres au moyen de battoirs en bois ou en ivoire, une tâche qui s’accomplit souvent en groupe au bord de la route et les femmes sont quant à elles chargées du décor de l’étoffe.

Croyez-moi, aucune de ces tâches n’est facile et heureusement que la plupart des pagnes sont tissés.

Et pour ce, il existe quatre types de fibre textile. Nous avons le coton qui est filé par les femmes et dont l’usage est le plus courant, la soie, la laine et le raphia.

Le pagne africain n’est pas qu’un vulgaire ornement. Aucunement !

Il possède une quintessence et a une histoire. Il y a des pagnes qui sont portés rien que par des hommes, d’autres par des jeunes filles, ainsi de suite.

Et, les pagnes africains ont des noms, mais, mettez ça aussi de côté nous y reviendrons. Avec tout ceci, vous conviendrez avec moi que le tissage du pagne africain ne peut se faire par monsieur tout le monde. Ça non !

C’est une activité quasi exclusivement masculine d’une part, et de l’autre elle est réservée à une certaine catégorie de personnes qui maitrisent des connaissances ancestrales. Elle est pratiquée sur des métiers verticaux ou horizontaux et là aussi c’est un travail d’équipe qui se fait en chantant des fois. C’est un beau spectacle. Alors, la pièce d’étoffe une fois tissée fait l’objet d’une teinture réalisée par application ou immersion. Et, il existe différentes couleurs. Le jaune qui provient de la racine de gingembre sauvage, le noir qui est obtenu à partir du charbon de bois, le bleu grâce aux feuilles d’indigo transformées en boule,  et cetera.

Une fois fabriqué, le pagne a plusieurs utilités. Il peut être porté enroulé autour de la taille ou de la poitrine par les femmes qui s’en servent pour se couvrir le corps à la maison, pour aller au champ ou pour porter leur bébé. Comme je le disais tout à l’heure, les qualités et les modalités de port rendent compte d’un statut. Ainsi, les chefs de village portent un certain type de pagne dans une certaine circonstance, les reines également. Prenons l’exemple des pagnes en raphia rouge nommés « ntango » en Afrique centrale et qui sont portés autour de la taille par les chefs à l’occasion des funérailles, et le « lembe lembe », qui est un petit pagne féminin en raphia court servant lors de danses funéraires.

Toujours dans les exemples, chez les Kuba de la République Démocratique du Congo, les « ntshak » qui sont de longues étoffes en raphia tissé et à décor appliqué servaient de pagnes à la famille royale et à l’aristocratie lors des cérémonies. Il existe aussi des motifs symbolisant des contes, des proverbes ou des évènements historiques ou religieux. Ainsi, on peut fabriquer un pagne rien que pour un décès ou un mariage et mettre comme motif la photo du défunt ou des mariés !

Vous devez noter qu’en Afrique, le pagne apparait comme un moyen d’expression culturelle réunissant us et coutumes, croyances et traditions. Ce ne sont pas seulement les motifs ou le port qui sont porteurs de sens. Les couleurs jouent aussi leurs rôles. Le blanc par exemple est signe de paix, le bleu de pouvoir, le jaune de fertilité et le rouge d’honnêteté. Le pagne en Afrique est symbolique. A tel point qu’Anne Grosfilley y a consacré un livre intitulé « l’Afrique des Textiles ».

Un écrit très riche qui lève un grand voile sur les secrets du pagne africain. Secret entre griffe puisque c’est celui de polichinelle. Ainsi, en parlant toujours de sens des pagnes, dans les tissages de type ashanti au Ghana, le motif « nsoroma » traduit l’essence féminine de la vie et celui appelé « apremuo » est associé à la résistance des ashanti dans les guerres coloniales européennes. Restant dans cette logique d’utilité du pagne africain, j’avais susmentionnée que j’y reviendrais. Eh bien j’y suis !

Mais, vous ne devez le raconter à personne disons que ce sera un secret entre vous et moi. Voilà ! En Afrique, il existe un petit pagne que l’on appelle « le bethio » et qui est un élément indispensable de la séduction chez les femmes africaines plus particulièrement sénégalaises. Il est fait de subtiles matières, de différentes couleurs qui ont leur importance au cours de la danse nuptiale. Il y a aussi le pagne blanc de la mariée qui doit être taché de sang le lendemain de la nuit de noce pour prouver la virginité de la mariée ! Sans commentaire.

Le pagne en Afrique ne permet pas seulement aux femmes de valoriser leur beauté. Elles en tirent aussi du bénéfice. Les « Nana Benz » du Togo en savent quelque chose. Il fut un temps, ces dames détenaient le monopole de la commercialisation des pagnes et imposaient leur loi au grand marché de Lomé. Nous devons reconnaitre quand même que ce sont des femmes qui possèdent un sens aigu alors là très aigu des affaires.

Elles ont inventé le métier de grossiste et c’étaient autour d’elles que ghanéennes, ivoiriennes, béninoises se pressaient pour l’achat des pagnes. Pour un peu d’histoire, retenons que ce qui a vraiment fait la fortune des « Nana Benz » ce sont les Wax hollandais qui à l’origine étaient destinés à l’Indonésie. Du coup, avec leur fortune, elles ont eu envie d’avoir une voiture confortable et solide. Alors, elles achetaient des Benz d’où leur nom « Nana Benz ». Très difficile à croire mais quand même vrai. Si vous avez l’occasion de faire un tour à Lomé renseignez-vous !

Pour en revenir au pagne africain proprement dit, notez qu’il en existe différents types. Ici, nous allons parler de trois types très reconnus à savoir le bogolan, le wax hollandais et le woodin sans publicité aucune !

Commençons par le bogolan qui a suivi un effet de mode. Son utilisation de nos jours est courante et il est porté aussi bien par les hommes que par les femmes. Si on remonte à ses débuts, on rend hommage au créateur malien Chris Seydou qui fut le premier à l’intégrer dans ses collections de haute couture. Nous noterons aussi que le bogolan est une technique de teinture traditionnelle d’Afrique de l’Ouest. On reconnait que l’origine même du bogolan est inconnue mais il existe une légende qui tourne autour. Je la partage volontiers avec vous. C’est l’histoire toute simple et banale d’une femme qui avait revêtu un pagne teint au n’galama et qui l’aurait malencontreusement tâché avec de la boue provenant d’un fleuve du Niger. Lorsqu’elle tenta de le nettoyer, la boue avait teint le tissu du vêtement et les taches étaient devenues indélébiles.

Plusieurs ethnies pratiquent le bogolan et chacun développent un style singulier. Retenez que le bogolan est un terme Damanan qui signifie littéralement « le résultat que donne l’argile », car la teinture du tissu s’obtient par réaction chimique lors de l’application de la boue sur le support textile. Les nuances colorées sont obtenues à partir de matériaux minéraux et végétaux. Le travail artisanal du bogolan est réservé généralement aux femmes âgées. Dans le temps, chaque signe reproduit sur un bogolan traduisait une signification symbolique mais de nos jours ces motifs sont remplacés par de signes purement graphiques vidés de sens. Bonjour la mondialisation et le marketing ! Le métier avec lequel on tisse les bandes étoilées du bogolan est spécifique à toute l’Afrique de l’Ouest et est appelé « tiagnirgal ». Il est horizontal et a deux rangs de lisses et de pédales. Après plusieurs stades pour en arriver enfin au bogolan, ce dernier protège la femme qui la revêt. Et nous continuons avec les différents types de pagne.

Après le bogolan cap sur le wax hollandais qui a un certain prestige et il habille des millions d’africains et pour être plus précise des millions d’africaines. C’est quelque chose pour une femme en Afrique d’être parer en wax hollandais. Entre elles et le wax c’est une histoire d’amour qui croyez le ou non dure depuis plus d’un siècle. C’est d’abord la couleur et la qualité de ce pagne qui assurent sa cote.

Les origines de ce tissu sont indonésiennes. Les colonisateurs anglais et hollandais se sont inspirés du batik javanais. Ici, vous devez tout simplement noté que le wax est un pagne africain made in Europe. Comme dirait Anne Grosfilley «  comprendre le wax, c’est aussi voir comment l’histoire des relations entre l’Europe et l’Afrique depuis la période coloniale s’écrit  à travers le tissu ». Nous l’avions bien dit, le page africain est symbole.

Venons en au pagne que l’on appelle le « Woodin » et dont le slogan est le créateur et pour cause. Les produits de cette marque ne se limitent pas seulement à l’habillement, non. On la retrouve aussi dans l’ameublement et la décoration. Et, si vous allez au Togo, au Bénin et en Côte d’Ivoire, le woodin ce sont les miss qui s’y connaissent ! La marque toutefois doit son nom à un britannique monsieur WOODIN qui en 1890 faisait du commerce de pagnes à travers la Côte d’Ivoire. Mais, c’est la compagnie française de Côte d’Ivoire qui a décidé de lancer de nouveaux produits sous l’appellation Woodin destinés à une clientèle jeune, urbaine et active. Avec le woodin vous pouvez tout faire. Des tailleurs, et surtout de jolies robes de soirée. Avec toute cette panoplie de pagne nous n’oublions pas bien le GTP qui nous vient du Ghana.

Ce petit cours pour vous permettre de reconnaitre les pagnes africains et être à même de comprendre qu’il existe une différence absolument notoire dans la fabrication des pagnes africains. A côté des pagnes dits modernes, nous avons des pagnes traditionnels qui ne sont portés qu’en des circonstances bien précises. La mode en Afrique ne peut se passer des pagnes. Des peux pièces propres aux togolaises, béninoises, ivoiriennes aux boubous propres aux sénégalaises, maliennes, guinéennes on sent toujours cette chère Afrique. Claire Kane, styliste de renom l’a très bien comprise et pour elle, la mode est un moyen de communication, une façon de raconter des histoires.

Thierry Barbaut
www.info-afrique.com

 

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.