Jessica Colaço est directrice des partenariats à iHub, au Kenya.
Excellent interview de Jeune Afrique
Spécialiste des technologies mobiles, elle était présente à South by South West (SxSW), à Austin, au Texas, un festival de renommée mondiale dédié à l’innovation numérique. « Jeune Afrique » l’a interviewée sur l’avenir des technologies en Afrique.
En matière de technologie, les Africains ont-ils des atouts ?
Jessica Colaço : Notre principal atout, c’est notre capital humain et notre jeunesse. Les jeunes Africains sont en train de se forger des compétences pour rivaliser avec le monde. Autre atout important : notre usage intensif du téléphone portable.
Le continent fait tout de même face à un retard important en terme d’innovation…
Les problèmes qu’on rencontre dans les pays africains sont des problèmes qui touchent le monde entier. Comme par exemple, les questions d’énergie, la difficulté des transactions sécurisées pour le commerce électronique, les problèmes de transport, etc. Ce sont des choses qui concernent de nombreux pays sur d’autres continents.
Et puis l’Afrique n’est pas un pays. C’est un continent formé de 54 pays. Chacun est différent, chacun a ses propres problèmes mais aussi ses solutions et sa propre niche technologique.
À quelles niches pensez-vous ?
Je pense à des niches comme la « m-agriculture », la « m-health » et le « m-banking » [développement de ces secteurs sur le téléphone mobile, NDLR]. Au Kenya, les transactions financières par mobile sont déjà très fortement développées. À la différence du Nigeria et de l’Égypte, par exemple, qui ont investi ailleurs. On se dirige véritablement vers un monde sans cash.
Pourquoi le « mobile banking » fonctionne-t-il bien en Afrique ?
C’est un peu exagéré de dire que les transactions financières par mobile fonctionnent bien partout sur le continent. Au Kenya et en Afrique de l’Est, effectivement, le « m-banking » est très développé. Le terme regroupe deux réalités différentes : la monnaie virtuelle et l’utilisation du téléphone portable pour faire des transactions financières. Beaucoup de portefeuilles et de monnaies virtuelles sont apparues récemment et permettent d’acheter plus facilement. Au Kenya, elles sont d’ailleurs de plus en plus utilisées. La monnaie Bitcoin est en pleine expansion. Il n’y a aucune régulation et elle facilite les transactions. On se dirige véritablement vers un monde sans cash.
Le Kenya fait figure de précurseur sur le continent en ce qui concerne l’innovation. Pourquoi ?
Nairobi, la capitale, est en train de devenir « le » hub technologique incontournable en Afrique de l’Est et sûrement même dans toute l’Afrique subsaharienne. Il y a énormément d’activités autour des technologies de l’information et de la communication (TIC). Des entreprises majeures du secteur ont leurs quartiers généraux à Nairobi. iHub, pour qui je travaille, est le premier hub à avoir ouvert il y a quatre ans au Kenya. Aujourd’hui, une vingtaine d’autres structures similaires ont vu le jour. Il y a énormément d’opportunités dans la capitale. Mais ça bouge aussi dans les régions. On essaie de développer l’attrait des jeunes pour les technologies partout dans le pays.
Quels sont les autres pays qui développent également les TIC ?
L’Afrique de l’Est se débrouille plutôt bien. Le Rwanda est déjà leader sur les TIC. C’est un tout petit pays, mais qui en fait énormément. Il est aussi, comme la Tanzanie et l’Ouganda, en train de rattraper son retard en terme d’utilisation des technologies mobiles. En Afrique de l’Ouest, il faut souligner les têtes de pont que sont le Ghana et le Nigeria.
Le prochain Steve Jobs peut-il venir d’Afrique ?
Il y a déjà des Steve Jobs africains ! Ils font profil bas et ne sont malheureusement pas très visibles. Mais oui, le prochain Steve Jobs sera africain. Et je pense qu’il apparaitra dans les domaines combinés de l’ingénierie et des sciences de l’information.
Vous dites qu’il existe déjà des entrepreneurs remarquables en Afrique. Pouvez-vous en citer quelques-uns ?
Je pense par exemple à toutes ces start-ups : Dropifi au Ghana, ForgetMeNot Africa au Zimbabwe, Eat Out au Kenya, Mfarm au Kenya, Iroko Partners au Nigeria, biNu en Afrique du Sud, Jumia au Nigeria, etc.
Vous étiez l’une des seules personalités du continent africain présentes au SxSW, un festival important. Pourquoi n’y en a-t-il pas davantage ? Que faire pour qu’il y en ait plus ?
Il faut organiser plus de panels concernant les enjeux liés à l’Afrique. Plus de panels et de sessions sur l’Afrique attireront, j’en suis sûre, beaucoup d’Africains du continent mais aussi de la diaspora !
Avec Jeune Afrique