Avec La Banque Mondiale
En ces temps compliqués, marqués par l’inflation, le changement climatique, les pandémies et les tensions géopolitiques, on ne peut qu’être préoccupé par la situation des économies les plus pauvres, notamment en Afrique.
A juste titre, l’insécurité alimentaire, les pertes en capital humain, l’adaptation au changement climatique, les conflits et les déséquilibres macroéconomiques reçoivent une attention prioritaire de la part des citoyens, des gouvernements et des institutions de développement. Avec, sans nul doute, un refrain « d’Afro-pessimisme » : confrontés à de trop nombreux problèmes, les pays africains ne s’extrairont jamais du piège de la pauvreté.
Il y a toutefois des raisons d’être optimiste : une analyse récente sur les inégalités de revenus en Afrique suggère que, depuis l’an 2000, les économies des pays pauvres ont systématiquement crû plus rapidement, en termes de PIB par habitant, que les pays riches – un phénomène jamais observé depuis la vague des indépendances des années 60. En conséquence, les inégalités entre pays ont fortement décru, une tendance confirmée par le déclin marqué de la moyenne pondérée par la population des coefficients de Gini entre pays Africains : de 0,44 en 2000 à 0,39 en 2020. L’observation des inégalités au sein de chaque pays, suggérant une faible décroissance au cours de la même période, est en comparaison moins uniforme et moins claire, et sa mesure, plus délicate. Mais le déclin des inégalités entre pays est tel qu’il est fort probable que les inégalités de revenus entre citoyens africains ont diminué une fois la population de chaque pays prise en compte.
Plusieurs facteurs peuvent potentiellement expliquer ce développement positif : l’adoption de meilleures politiques économiques et sociales, une priorité grandissante accordée par les institutions financières internationales aux pays les plus pauvres, et des fondamentaux économiques qui impliquent un retour sur investissement plus élevé dans les pays les moins capitalisés.
Mais il est également probable que les efforts d’intégration régionale (et globale) accomplis en Afrique depuis 2000 aient significativement contribué à ce développement, permettant aux économies les plus pauvres d’accéder à de plus grands marchés, et d’attirer plus de ressources humaines, financières et technologiques pour soutenir leur développement. Depuis 2000, la part du commerce intra régional dans le commerce de l’Afrique a doublé, les biens et services échangés au sein du continent possèdent plus de valeur ajoutée que ceux échangés avec le reste du monde , en raison, notamment, du développement des infrastructures de connectivité, de transport, d’électricité, digitales, des marchés financiers régionaux et des efforts de facilitation du commerce transfrontalier. De fait, même s’il est difficile de le vérifier pour des raisons méthodologiques, la convergence des revenus par habitant est ce qu’on est en droit d’attendre de l’intégration régionale, comme observé par exemple au sein de l’Union Européenne.
Cette performance doit être perçue comme un encouragement à accélérer les efforts d’intégration régionale, d’autant plus que les opportunités de rapprochement économiques avec les autres régions s’amenuisent en raison des tensions géopolitiques actuelles et des appels à la relocalisation des activités économiques. L’accord de libre-échange continental Africain (AfCFTA) offre cette opportunité, et les efforts doivent être poursuivis pour appliquer les réductions de tarifs douaniers déjà négociées, pour parvenir à un accord sur les services digitaux en particulier, en raison de leurs promesses stimulées par l’urbanisation galopante, et pour accélérer la facilitation du commerce. Ceci encouragera en retour l’investissement lié au commerce et le développement de chaînes de valeurs régionales dans de nombreux secteurs, de l’agriculture commerciale et de l’industrie légère aux produits pharmaceutiques et aux véhicules, ainsi que la création de millions d’emplois (jusqu’à 18 millions en 2035, selon une étude récente de la Banque Mondiale sur l’effet attendu de l’AfCFTA).