Le Zimbabwe peut-il redevenir le joyau de l’Afrique ?

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Emmerson Mnangagwa, le nouveau président du Zimbabwe, aura du mal à sortir son pays du bourbier économique dans lequel il a été coincé pendant les 37 années de règne de Robert Mugabe. Ce n’est pourtant pas mission impossible.

Sous Mugabe, toute activité économique dépendait de la sphère politique d’où les enjeux de la lutte pour se l’accaparer. Les entreprises d’État, le contrôle des capitaux, le contrôle des prix, les contrôles à l’importation, les redevances minières et une pléthore de réglementations ont enserrer le Zimbabwe dans une gigantesque paperasserie et détruit son économie.

Le début du déclin

Mesuré par le produit intérieur brut réel par habitant, le niveau de vie ne représente plus que de 78% de ce qu’il était lorsque M. Mugabe a pris le pouvoir en 1980. Quand on regarde l’agriculture, par exemple, le déclin est clair. Le Zimbabwe avait l’habitude d’exporter du maïs; maintenant c’est un importateur net. Depuis les réformes agraires de 2000, la valeur de la production agricole a chuté de 45%. La situation financière n’est pas saine non plus. Les fonctionnaires du budget avaient pris à cœur la question rhétorique de M. Mugabe en 1997: «Avez-vous déjà entendu parler d’un pays qui s’est effondré à cause des emprunts?» Pendant le mandat de M. Mugabe, les déficits budgétaires annuels du Zimbabwe atteignaient en moyenne 5,4% du PIB, avec un déficit actuel à 11,2%. Le résultat est une montagne de mauvaises dettes et d’arriérés.

L’inflation abyssale

De 2000 à 2008, le vrai PIB par habitant s’est contracté en moyenne de 8,29% par an. Pendant cette période, le Zimbabwe a connu d’importants déficits budgétaires financés par la planche à billets et a connu le deuxième cas d’hyperinflation le plus grave de l’histoire. En effet, le 14 novembre 2008, le taux d’inflation annuel a culminé à 89,7 sextillions de pour cent. Les prix doublaient chaque jour, rendant les billets de 100 trillions de dollars du Zimbabwe sans valeur. En fin de compte, le gouvernement a été forcé d’abandonner le dollar zimbabwéen, parce que les Zimbabwéens ont simplement refusé de l’utiliser.

Le dollar US au secours du déclin

Le gouvernement de M. Mugabe a alors institué un système dans lequel le dollar US est devenu la monnaie de référence et les comptes de l’État ont alors été libellés en dollars US dès 2009. À la suite de cette dollarisation et de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale la même année, l’économie a rebondi. Ce rebond a persisté pendant le mandat du gouvernement d’unité nationale, qui a duré jusqu’en juillet 2013. Durant cette période, le taux de croissance annuel moyen du produit intérieur par habitant a été de 11,2%. Le ministre des Finances, Tendai Biti, qui était membre de l’opposition, a compris que sous un régime dollarisé, le pays ne serait plus en mesure d’imprimer de l’argent pour financer les déficits. Par conséquent, les déficits budgétaires ont presque été éliminés.

Avec l’effondrement du gouvernement d’union et le retour du parti Union africaine-Patriotique du Zimbabwe de Mugabe, les vieilles habitudes ont refait surface. Le déficit budgétaire a explosé, chose qui n’aurait pas du se produire dans le cadre du «régime de dollarisation». Mais Mugabe enfreignait toute règle. Pour financer ses déficits énormes, le gouvernement a commencé à émettre un nombre énorme de «nouveaux dollars Zimbabwe» en 2016. Comme la nuit suit le jour, le Zimbabwe a connu son deuxième épisode d’hyperinflation en une décennie.

S’inspirer du modèle de Singapour ?

La fin du règne de Mugabe soulève la question suivante: comment désormais redresser l’économie? Le Zimbabwe pourrait adopter la stratégie de Lee Kuan Yew, le Premier ministre de Singapour. Cette stratégie reposait sur quatre principes: une monnaie stable, aucune aide étrangère, une compétitivité du premier plan et la protection de la propriété privée ainsi que la sécurité de l’ordre public. Grace à la stratégie de M. Lee, Singapour a échappé à sa pauvreté écrasante de 1965 pour devenir l’un des pays les plus riches du monde.

Manangagwa n’a pas le même profil que Lee. En effet, il était un pilier du régime Mugabe. Contrairement à la population qui s’est appauvrie, Mnangagwa, ses partisans dans l’armée et le parti se sont bien enrichis sous le système prédateur de Mugabe. Mais les gens en ont marre de leur pauvreté. Mnangagwa prétend les écouter, déclarant même que «la voix du peuple est la voix de Dieu». Pour être crédible, Mnangagwa doit interdire l’émission de dollars New Zim. La dollarisation suivie en son temps par le gouvernement d’unité devrait être rétablie et il devrait faire de l’entreprise privée le socle de l’avenir du Zimbabwe.

Améliorer  l’environnement des affaires

La Banque mondiale a constaté qu’il existe une forte relation positive entre la prospérité d’un pays et la facilité avec laquelle on peut y mener des affaires. À l’heure actuelle, le Zimbabwe se classe 159ème sur 190 dans l’indice Doing business de la Banque Mondiale, avec un score de 48,47. Si le pays relâchait l’emprise du gouvernement sur l’économie et atteignait le même score que le voisin du Botswana (64,94), il connaîtrait un boom, comme il l’avait fait pendant les années du gouvernement d’unité.

Le nouveau président devrait créer un groupe de travail qui serait chargé de faciliter les affaires au Zimbabwe. Il faut maintenant 61 jours et plus que le revenu annuel d’une personne moyenne pour démarrer une entreprise. Comparés à ceux des autres pays de la région, ces coûts sont très élevés. En tant que première étape de la réforme, le gouvernement devrait réduire la plus grande source de ces coûts: les exigences des permis et les frais nécessaires pour démarrer une entreprise.

En adoptant une telle stratégie, la confiance pourrait être retrouvée et l’économie monterait en flèche. Le PIB par habitant du Zimbabwe atteindrait le même niveau que le niveau actuel du Botswana dans environ 16 ans. Le niveau de revenu des Zimbabwéens serait alors près de six fois supérieur à son niveau actuel. Le Zimbabwe serait une fois de plus le «joyau de l’Afrique».

Steve Hanke est professeur d’économie appliquée à l’Université Johns Hopkins.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

Thierry BARBAUT
Thierry Barbaut - Consultant international - Spécialiste en nouvelles technologies, numérique et intelligence artificielle. Montage de programmes et de projets à impact ou les technologies et l'innovation agissent en levier : santé, éducation, agriculture, énergie, eau, entrepreneuriat, villes durables et protection de l'environnement.